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Le monde chez Descartes

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Réfléchir à la notion de monde, c’est notamment réfléchir à notre rapport à celui-ci, et la manière dont l’Homme l’appréhende. Le philosophe Descartes s’avère ici un auteur très intéressant dans la mesure où dans ses ouvrages, et notamment dans La Dioptrique que nous étudierons ici, il opère une véritable géométrisation du monde, dont bon nombre de philosophes après lui essayeront de se défaire. Ainsi, dans cet article, nous te proposons une analyse de la géométrisation du monde chez Descartes. 

 

Une réflexion sur la vision 

La Dioptrique de Descartes a une visée technique afin de corriger les défauts de la vue en indiquant comment construire des instruments permettant de la perfectionner. C’est le premier texte où a été publiée la loi de la réfraction de la lumière. Il y a 4 plans sur lesquels s’écrit la dioptrique de Descartes : tout d’abord le plan physique : les deux premiers discours portent sur les propriétés de la lumière et la démonstration de la loi. Puis un plan physiologique avec une étude de l’oeil, mécaniste, et les images au fond de l’œil, entrelacé avec philosophie de l’expérience sensible qui marquera le XVIIe. Puis enfin un registre technique, la véritable technique du texte, où Descartes envisage les applications techniques, les déterminations qui permettent de comprendre comment donner forme à des verres, avec des prescriptions sur la fabrication de lunettes et un projet pour tailler des verres. La finalité technique capte d’avance l’ensemble du processus. 

Au tout début, Descartes évoque le contraste entre l’apport scientifique de la révolution conduite par Galilée (découvertes rendues possibles par invention du télescope) et l’origine opaque et hasardeuse de l’instrument technique qui l’a rendu possible. La connaissance humaine a ainsi été transformée par un instrument de fortune, tout juste inventé par un artiste hollandais. La tâche de Descartes est de faire la théorie méthodique du chemin de l’invention du télescope dont on a taillé les lentilles de façon seulement artisanale et empirique. Il faut rétablir l’ordre légitime de l’invention par lequel la science optique peut parvenir à produire les propriétés de la lumière. Son travail s’inscrit donc dans le champ théorique, il s’agit d’exhiber une interprétation entièrement nouvelle de la visibilité. Mais cette interprétation de la visibilité est susceptible de s’étendre à l’ensemble de la connaissance de la nature, alors géométrisée. Le mouvement du texte suit cette détermination régréssive : comprendre ce qui aurait pû présider au chemin de l’invention. 

La référence à Descartes est ainsi éclairante : il s’agit de comprendre la géométrisation de la nature qu’il opère, où la vision est comprise comme une déformation de l’image du monde, et donc la représentation du monde se dissocie à l’inverse de la pensée antérieure de la notion de ressemblance. Il y a donc un renoncement au réalisme sensible. Cette artificialisation se traduit par une analogie qui est faite entre l’œil et le dioptre. 

 

Une réfléxion sur les images du monde

Dans la dioptrique il souligne que la « perfection des images dépend de ce qu’elles ne ressemblent pas à ce qu’elles représentent ». Les choses n’apparaissent pas véritablement, elles font signe. Il prend un exemple issu de l’art :

 

comme vous voyez que les tailles douces n’est en fait qu’un peu d’encre posé ça et là sur du papier nous représente des forêts, des villes, des hommes, bien qu’une infinité de diverses qualités qu’elles nous font concevoir en ces objets il n’y en ait aucune que la figure seule dont elles aient proprement la ressemblance ; et encore est ce une ressemblance fort imparfaite vu que sur une superficie toute plate elle nous représentent des corps diversement relevés et enfoncé et que suivant les règles de la perspective souvent elles représetent mieux des cercles par des ovales (…) en sorte que pour être plus parfait en qualtié d’image et représenter mieux un objet elles doivent ne lui pas ressembler. Or il faut que nous pensiosn tout de même des images qui se forment dans notre cerveau » et qui « donnent occcasion à l’âme de sentir.

Ce qui surgit c’est la doctrine de l’institution de la nature (antithétiques), met en lumière entrelacement art et nature. A fait correspondre les idées innées et du mouvement, quelque chose de géométriquement domestiqué, du mouvement n’a pas de sens : il y a un écart qui sépare le mouvement et l’émotion. La similitude est ici une relation naturelle et motivée qui est un rapport sémiotique avec le monde. Un peu d’encre c’est que nous verrions si la vue n’était que géométrique. Le support de l’image est immédiatement néantisé. Je n’entends pas les sons des mots, j’accède aussitôt au sens. 

Nous n’avons donc à faire aux choses que par les signes du visible, que par ressemblance qui nous donnent occasion de sentir. Il y a un rapport arbitraire, une institution, comme le mot et sa signification. La perception naturelle est perçue comme un codage-décodage, une lecture. Ce que nous voyons est indissociable du voyant, la conséquence de cette analyse est toute la réflexion sur la relativité de l’expérience perceptive. Dans toute cette analyse, nous retiendrons comment la nature est artificieuse : ordonne et met en place le système sensoriel. Ici la nature ordonne un système sensoriel comme l’artiste le fait avec perspective. Le monde, ce qui semblait en former l’épaisseur charnelle devient une scène de théâtre. Le sujet connaissant régit l’ensemble.

Une appropriation du monde

Nous rejoignons ainsi ici les réflexions de Nietzsche sur notre rapport au monde. Le propre de la science moderne c’est qu’elle crée son objet dans l’acte même d’y accéder, il n’y pas de nature donnée qu’on dévoilerait. Ce que nous n’avons cessé de nommer nature n’est autre que domination de l’étant dans son entier, un contre-monde élaboré par la connaissance qui est entièrement son œuvre de sorte que son monde lui soit totalement approprié. Le monde ne s’offre pas à une connaissance exacte, il faut que la nature s’y prête. La nature se laisse connaître si elle est appropriée, dans une« humanisation”. Il y a une emprise technique sur la nature qui repose sur l’appropriation théorique de celle-ci, à la connaissance théorique. Cela repose chez Descartes sur la représentation claire et distincte de l’étendue géométrique et ses variations. Cela trouve son fondement dans la théorie de la lumière ; théorisation du regard qui prélude à la théorisation de l’objet du regard.

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Corentin Viault