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Les conflits israélo-arabes (2/5) : de la création d’Israël à la crise de Suez

Sommaire

Voici la suite de notre série sur les conflits israélo-arabes, qui retrace l’histoire de ce conflit en 5 épisodes, tu peux retrouver le premier épisode ici.

 

La création d’Israël : un tournant dans le conflit

La guerre de création

L’indépendance de l’Etat d’Israël est proclamée le 14 mai 1948 par Ben Gourion. Le lendemain, le Liban, la Syrie, la Transjordanie, l’Egypte et l’Irak déclarent la guerre à l’Etat nouvellement né, celle-ci durant jusqu’au 10 mars 1949. Les forces arabes sont d’abord sensiblement équivalentes : 24 000 hommes pour les Etats arabes, 30 000 pour les Israéliens.

Si les Israéliens sont d’abord dominés par les forces arabes, le cessez-le-feu du 11 juin 1948 imposé par l’ONU permet à Ben Gourion :

  • d’organiser Tsahal (Tsva Hagana LeIsrael, «Forces de défense d’Israël»), créée le 28 mai 1948 par la fusion de divers mouvements armés :  Irgoun et Lehi, deux mouvements considérés comme terroristes dans les années 1944-1945, et Haganah, organisation plus officielle de l’Agence juive 
  • de recevoir des armes de ses alliés, dont la Russie via la Tchécoslovaquie.

Une deuxième phase s’ouvre alors, du 9 juillet 1948 au 15 octobre 1948 durant laquelle les forces arabes finissent par atteindre 35 000 hommes tandis que les forces israéliennes unifiées atteignent 60 000 hommes. Apparaît de plus une division croissante entre les belligérants arabes : lorsqu’à la fin du cessez-le-feu, Tsahal lance une offensive majeure, le roi hachémite Abdallah de Transjordanie se contente de ses conquêtes en Cisjordanie et s’abstient de toute offensive contre l’État hébreu. Chacun des Etats arabes suit ses propres objectifs, l’Égypte souhaitant obtenir par exemple le Néguev, tandis que la Syrie désire obtenir le lac de Tibériade.  Et, finalement, du 15 octobre 1948 au 10 mars 1949, l’armée égyptienne, désormais seule, perd du terrain.

C’est autour de la ville de Jérusalem que les combats sont les plus violents. Le 28 mai, les troupes arabes prennent possession de la Vieille Ville, là où se trouve le mur des Lamentations, expulsant au passage une partie des juifs qui y habitent. Les forces arabes décident le blocus de la ville de Jérusalem pour contraindre le reste des populations juives à partir, en utilisant la position forte de Latroun pour empêcher tout ravitaillement de l’ouest (où se trouvent Tel-Aviv et d’autres bastions juifs).

Après trois échecs à reprendre cette position, les Israéliens répliquent en utilisant un chemin à travers les montagnes, connu a posteriori sous le nom de « Route de Birmanie ». Réussissant à ravitailler les habitants de Jérusalem, ils parviennent à se maintenir dans l’ouest de la ville malgré tout. La ville de Jérusalem est à la fois un enjeu majeur et le symbole de cette guerre, la conquête de Jérusalem étant décisive pour la victoire.

C’est à Rhodes que sont signés les armistices mettant un terme officiel à la guerre, entre février et juillet 1949.

Après la guerre, Israël possède un territoire de 20 700 kilomètres carrés (6000 kms carrés supplémentaires par rapport au plan de partage de 1947). Toutefois, le tribut est lourd : 5800 morts, soit 1% de la population du Yishouv et 8% de la classe d’âge des dix-neuf – vingt et un ans. Un tiers des victimes sont des survivants du génocide. La guerre d’indépendance reste la plus longue et la plus meurtrière des guerres d’Israël.

Du côté arabe, la défaite est écrasante. L’année 1948 marque l’effondrement et l’éclatement d’une société : plus de 700 000 Palestiniens deviennent des réfugiés. Un tiers environ vit dans la cinquantaine de camps installés dans les pays arabes voisins et dans les deux fragments de la Palestine non occupés par Israël : la bande de Gaza, administrée par l’Egypte, et la Cisjordanie, intégrée au royaume de Transjordanie (qui prend le nom de Jordanie).

Cette guerre est violente, violence qui s’illustre par des massacres, dont le plus connu, celui de Deir Yassin, perpétré le 9 avril 1948. Ce jour-là, les groupes dissidents de l’Irgoun et du Lehi, soutenus par la Haganah, s’emparent de ce village proche de Jérusalem et assassinent plus de 110 personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants. Le massacre est immédiatement condamné par l’Agence juive, qui présente des excuses et l’attribue aux groupes dissidents, la Haganah s’efforçant de dissimuler le rôle qu’elle a joué dans l’opération. Cet événement a accéléré l’exode des Palestiniens, terrorisés par l’avance des milices juives. D’autres massacres ont eu lieu, comme ceux commis dans les villages de Safsaf (50 à 60 personnes tuées) et de Sahla (60 à 70 personnes tuées) alors que, selon des témoignages palestiniens, le drapeau blanc avait été hissé.

 

Les conséquences de la guerre

Les frontières de l’armistice de 1949 établissent l’État hébreu sur les trois quarts du territoire mandataire.

Les négociations d’armistice débutent à Rhodes, durant l’automne 1948, sous la coordination du médiateur de l’ONU, Ralph Bunche. Quatre armistices sont conclus. Mais la paix apparaît finalement impossible dans la région. Lors de la réunion des différentes parties à la conférence de Lausanne, les pays arabes se disent prêts à accueillir les réfugiés arabes palestiniens à la condition qu’Israël se soumette au principe du plan de partage et accepte la réinstallation de 200 000 réfugiés sur son territoire. Mais Israël refuse. D’autre part, Israël déclare que son territoire est désormais celui du plan de partage auquel s’ajoutent les conquêtes de guerre. La conférence de Lausanne s’achève donc sur un échec vis-à-vis des négociations de paix.

Par ailleurs, la question de Jérusalem n’est pas réglée. La commission de conciliation de l’ONU propose, en août 1949, la division de la ville en deux zones démilitarisées et un contrôle international sur les affaires communes. Mais ce projet est immédiatement refusé par Israël et la Jordanie. Les réfugiés palestiniens tentent également de revenir sur leurs terres en Palestine. Mais les Israéliens répliquent par des opérations de représailles menées par l’armée. Enfin, le 20 mai 1950, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France signent une déclaration tripartite dans laquelle les trois puissances s’engagent à garantir les limites territoriales issues de la guerre israélo-arabe. Cette déclaration protège les Etats arabes de tout nouvel expansionnisme d’Israël.

Les plus de 700 000 réfugiés palestiniens sont au cœur des tensions qui accompagnent ces négociations. En effet, les Etats arabes voisins d’Israël instrumentalisent la rancœur des réfugiés pour perpétuer le conflit, et ce même si au sein de leur territoire les réfugiés sont ségrégués. En l’espace de vingt mois, de décembre 1947 à juillet 1949, en quatre vagues successives, quelques 700 000 Arabes de Palestine prennent le chemin de l’exil. En même temps que l’Etat d’Israël naissait le « problème des réfugiés » palestiniens. Et quand, au printemps 1949, la conférence de Lausanne tente de résoudre le problème, les positions s’avèrent rapidement inconciliables. Sous la pression américaine, Ben Gourion accepte finalement le retour de quelques dizaines de milliers de réfugiés – la « proposition des 100 000 », mais celle-ci est refusée par les Arabes.

La fin de la guerre marque la fin du premier conflit ouvert entre Juifs et Arabes sans rien résoudre pour autant : les Juifs réclament toujours l’accès au Kotel, qui est alors aux mains Arabes, tandis que les pays arabes réclament la dissolution de l’Etat d’Israël. Les revendications principales sont simplement gelées et reportées à plus tard, augurant les conflits futurs.

 

Un conflit larvé, qui culmine avec Suez

La situation de Jérusalem

La ville de Jérusalem est divisée en deux : à l’ouest, la partie juive, dont la plupart des quartiers sont nouvellement construits ; à l’est, la partie jordanienne, comprenant entre autres la Vieille Ville et de nombreux Lieux Saints. La coupure est matérialisée par une zone neutre de 3 km², où s’érigent ensuite clôtures, barbelés et blockhaus.

La partition se fait d’autant plus importante au sein de la ville que dans chacune de leur partie, les forces en présence tentent au maximum de chasser l’ennemi : ainsi les forces Arabes incendient et détruisent la plupart des synagogues et une grande partie du cimetière Juif du mont des Oliviers tandis que le plasticage par la Haganah de l’hôtel Sémiramis dans la nuit du 4 au 5 janvier 1948 fait fuir nombreux palestiniens.

La ville fait de plus l’objet d’une gestion et d’une attention différentes selon le camp étudié. Ainsi les Jordaniens se méfient des Palestiniens qui sont arrivés en masse après la guerre et considèrent que nommer Jérusalem capitale contient le risque que les palestiniens deviennent majoritaires et gagnent en puissance. Les problèmes de ravitaillement en eau de Jérusalem Est et la pauvreté des habitants incitent d’autant plus les autorités jordaniennes à reléguer Jérusalem au rang d’une ville de province.

Au contraire, la Jérusalem israélienne est une capitale au centre de toutes les attentions avec un haut revenu par habitant, des nouvelles installations qui fleurissent à l’Ouest de la ville, la Knesset (parlement israélien) s’installant par exemple à Jérusalem. Jérusalem Ouest devient de facto la capitale d’Israël.

Dès lors, la ligne de séparation qui traverse la ville reflète en elle-même la teneur du conflit israélo-palestinien entre 1949 et 1967. En effet, la démarcation se fait de plus en plus nettement autour de ce qui était en 1949 une simple « zone neutre ». Jusqu’en 1967 apparaissent des clôtures, des grillages, des gardes, des blockhaus et finalement un mur de séparation. Les deux pays choisissent ainsi de se couper l’un de l’autre et de s’ignorer totalement. Jérusalem, qui vit à deux rythmes différents, reflète la Palestine à deux vitesses d’alors : d’un côté, la construction et la modernisation juives s’imposent à travers tout le pays, rendant l’Etat d’Israël puissant et important ; tandis que de l’autre, la négligence et surtout la défiance jordanienne condamnent le reste de la Palestine à vivre plus lentement, et souvent moins bien qu’en Israël.

 

Des tensions israélo-arabes qui se poursuivent

Le conflit entre Israéliens et Arabes pourrait être qualifié de « guerre froide » puisque s’il n’y a pas de conflit ouvert, les tensions sont toujours présentes et le conflit est toujours sous-jacent, menaçant.

Le conflit se voit d’abord sous les velléités unitaires des Etats arabes qui se font en grande partie contre l’Etat d’Israël. Il en est ainsi du Roi Abdallah de Jordanie qui se fait nommer « Roi de Palestine » avec le rêve de l’érection d’une grande Palestine recouvrant plusieurs Etats arabes comme la Syrie ou le Liban, bien qu’en réalité la Jordanie de 1949 ne soit qu’une petite partie de cette grande Palestine.

Des tensions se font jour entre Israël et les différentes Etats arabes, comme celles entre Israël et la Syrie en raison des eaux du Jourdain convoitées par les deux pays.

Depuis la signature des armistices de 1949, 3 000 accrochages ont lieu entre des insurgés Palestiniens et des Israéliens. Les tensions sont donc constantes au niveau local, et notamment à l’intérieur de la ville de Jérusalem.

De plus, au début des années 1950, Israël cherche à acquérir une légitimité régionale et internationale. Or, l’Etat hébreu ne parvient pas à obtenir une alliance avec une puissance occidentale et les pays arabes nient son existence. Pour les dirigeants israéliens, la priorité est la consolidation de l’Etat hébreu, laquelle doit passer par la réalisation d’un programme territorial non encore achevé.

C’est donc implicitement une politique d’expansion par la force qu’envisagent les responsables israéliens les plus bellicistes comme Ben Gourion. Cette politique contribue à radicaliser les pays arabes contre Israël. Ben Gourion commence alors à nouer des alliances avec l’Iran, la Turquie, l’Ethiopie, le Soudan. Ce rapprochement entraîne des actions de déstabilisation politique conjointe dans les Etats arabes, comme le soutien apporté aux Kurdes d’Irak par Israël et l’Iran. A nouveau, les Etats-Unis tentent de parvenir à une entente israélo-arabe dans le cadre du plan Johnston, plan de dérivation des eaux du Jourdain, mais c’est un échec.

 

La crise du canal de Suez

C’est également et surtout du côté égyptien que les tensions avec Israël sont importantes durant cette période. Nasser, en 1954, interdit la navigation de bateaux israéliens sur le canal de Suez et effectue auprès de la Tchécoslovaquie le plus gros achat d’armes lourdes que le Moyen-Orient ait jamais connu. De plus, le 17 octobre 1955, la Syrie et l’Égypte signent un traité de défense mutuelle. Gamel Abd el Nasser est le symbole de cette unité d’un Proche et Moyen Orient postcoloniaux qui s’émancipent de la tutelle occidentale, comme en témoigne son coup d’Etat, avec d’autres officiers, contre le roi Farouk. Mais cette unité se fonde d’abord sur une opposition à l’Etat israélien, ce qui fait de Nasser et de l’Egypte des ennemis farouches d’Israël. 

A la suite de la nationalisation du canal de Suez par Nasser le 26 juillet 1956, les accords de Sèvres sont signés en octobre entre Israël, la France et la Grande-Bretagne, ayant chacun un intérêt dans une action contre Nasser. Les protocoles de Sèvres prévoient une offensive d’abord déclenchée par les Israéliens, la Grande-Bretagne et la France ne devant s’engager que deux jours plus tard, à condition que la France fournisse une couverture aérienne à Israël.

Israël lance une attaque le 29 octobre au matin et envahit la bande de Gaza et le Sinaï atteignant alors rapidement la zone du canal. Le Royaume-Uni et la France lancent ensuite, selon les principes des accords de Sèvres, un ultimatum aux belligérants leur enjoignant de se retirer chacun à plus de 15 km du canal. Le 31 octobre, la France et le Royaume-Uni entament une vague de bombardements sur l’Égypte afin de forcer la réouverture du canal. Bombardant les aérodromes militaires, ils détruisent notamment au sol plus de 260 avions égyptiens. La Jordanie intervient également dans ce conflit en interdisant, le 1er novembre, l’utilisation de son sol par les avions de la Royal Air Force, utilisation qui faisait l’objet d’un accord entre Jordaniens et Britanniques.

Mais au moment où l’armée israélienne s’empare de la presqu’île du Sinaï et atteint le canal de Suez, une mise en garde très ferme de l’Union soviétique stoppe l’offensive et Israël doit se replier sur ses frontières de 1949. L’URSS menace la France, le Royaume-Uni et Israël d’une riposte nucléaire. Ce sont ensuite les États-Unis, passifs jusque-là, qui exigent le retrait des forces occidentales pour désamorcer la crise. A la suite d’une attaque monétaire contre la livre sterling, d’un envoi de ses forces navales et aériennes pour interférer dans le dispositif franco-britannique et d’une interdiction de l’usage des matériels militaires français financés par des fonds américains, Français, Britanniques et Israéliens doivent finalement se retirer.

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Clément Fontanarava