En dissertation d’ESH, il est important de bien savoir placer les auteurs en fonction des arguments utilisés. Voici une synthèse non exhaustive des différents courants de la pensée économique du 16ème siècle à nos jours.
Du 16ème siècle jusqu’à la mort de Louis IV (1715) : les mercantilistes
Il existe trois sortes de mercantilisme. Le mercantilisme bullioniste (espagnol et portugais) correspond à la colonisation militaire pour ramener des ressources rares, en changeant l’organisation sociale des peuples colonisés au nom du progrès. Le mercantilisme commercial (anglais et hollandais) repose sur la puissance maritime de la Royal Navy et l’initiative des agents privés. Ces mercantilistes veulent que les habitants se mettent au service de l’Angleterre pour étendre leur royaume. Le mercantilisme productiviste (français) est représenté par Colbert. Les Français développent un nouveau type de colonisation, en pensant qu’ils apportent le progrès sur les terres colonisées et en cherchant à établir des échanges commerciaux. Les échanges d’indisponibilité correspondent à aller chercher chez les autres ce que l’on n’a pas, et l’économie de pillage correspond à coloniser si la méthode pacifiste ne fonctionne pas. Tous les mercantilistes cherchent à accumuler des richesses pour les classes dirigeantes en passant par l’Etat, les différences se font sur la manière.
De la fin du mercantilisme jusqu’à Smith en 1776 : la physiocratie
Ce mouvement va être la passerelle vers le libéralisme. Les physiocrates sont considérés comme les fondateurs de la science économique. Ils affirment l’existence de droits naturels et développent la théorie du « despotisme légal ». Ils sont initiateurs d’un important courant de réforme du droit et de la politique au XVIIIe siècle. Pour Quesnay il y a 3 classes : la classe des propriétaires terriens, la classe productive, c’est-à-dire les fermiers et les travailleurs agricoles, et la classe stérile, c’est-à-dire les commerçants et les artisans. La meilleure façon de maximiser la richesse de tous est de laisser chacun agir à sa guise selon ses moyens. Les physiocrates mettent ainsi au premier plan la liberté du commerce comme principe de politique économique. Mais ceci fut un échec car ni le peuple ni le roi n’ont soutenu ces idées.
De 1776 à 1871 : le libéralisme (école classique)
Il existe plusieurs débats au sein de l’école classique.
La théorie des rendements décroissants montre que le capitalisme est voué à s’acheminer vers un état stationnaire. Ricardo se demande quel est l’impact de la répartition de la richesse sur la poursuite de la création de la richesse. Il fait l’hypothèse que l’on met d’abord en culture les terres les plus fertiles et puis au fur et à mesure où la population s’accroit, il faut mettre en œuvre de nouvelles terres moins fertiles, puis d’autres encore moins fertiles. La population augmente mais les rendements décroissent donc les couts de production augmentent, ainsi que les prix. Au niveau de la répartition, la part des salaires augmente car il faut maintenir le salaire à un niveau de subsistance. La mise en œuvre de nouvelles terres permet d’avoir une part plus grande pour les premiers rentiers. Ainsi, l’augmentation de la part de la rente différentielle et du coût de subsistance écrase les profits (à cause des rendements décroissants).
Smith, Malthus et Ricardo sont partisans de la valeur-travail. Pour eux, la valeur des choses se mesure à la quantité de travail nécessaire à la production et à l’investissement nécessaire. Say, Mill et Bentham sont partisans de la valeur-utilité : j’achète un produit parce qu’il m’est utile.
Les théories libérales étudient l’intérêt d’importer moins cher grâce à l’ouverture des économies, pour tirer la croissance vers le haut. Il faut diviser le travail pour qu’il coute moins cher. Les libéraux ont développé les théories de la division internationale du travail (DIT), des avantages absolus, des avantages relatifs, et le théorème de l’égalisation du prix des facteurs. Le libre échange devient bénéfique pour tous car même si un pays n’a pas d’avantage compétitif il peut quand même s’insérer dans le marché des échanges.
La monnaie est neutre, elle devient un instrument d’échange, et il est nécessaire d’avoir confiance en la monnaie pour qu’elle soit reconnue. Les autorités monétaires garantissent sa valeur. La monnaie est aussi un moyen de multilatéralisation des échanges, et elle permet de mesurer la valeur des choses.
Dans les années 1870 : l’école néo-classique
L’arrivée des néo classiques est due à l’émergence de la contestation des classiques par les socialistes utopiques et les socialistes scientifiques, ou les marxistes. En 1883, Marx meut mais Keynes nait. Les néoclassiques utilisent une approche marginaliste qui a pour but de faire de l’économie une science au même titre que les autres, en établissant des lois et des principes qui seraient des vérités de fait. Les différents auteurs de la pensée néoclassique ont notamment travaillé sur le fonctionnement des marchés, de la concurrence, du comportement du consommateur et du producteur ou encore de l’équilibre des marchés.
De la mort de Marx jusqu’à la fin de l’URSS en 1991 : le marxisme
Ce mouvement s’oppose au mouvement libéral. Pour Marx, le système capitaliste est fondamentalement inégal et injuste. Dans le manifeste du parti communiste, Marx écrit que l’histoire de l’humanité a toujours été écrite par la lutte des classes : entre bourgeois et capitalistes au moment du système capitaliste, mais entre paysan et seigneur dans sociétés féodales… toujours une lutte des classes qui finit par faire tomber le système. Selon Marx, on va vers une baisse tendancielle du taux de profit (BTTP). Mais le système va être noyé par la lutte des classes. Les grandes crises (type 1929 – années 30) sont le moment où les profits décollent.
« Accumuler, accumuler, telle est la loi et les prophètes ». Marx n’accuse pas les patrons car le système capitaliste ne marche qu’avec l’accumulation du capital et la concurrence entre les capitalistes. Il appelle le profit des profiteurs l’appropriation du travail d’autrui. Marx observe la montée en puissance d’une classe impuissante, la classe ouvrière. Il faut une reproduction sociale d’une génération à l’autre pour avoir d’autres individus à exploiter plus tard. Une « armée industrielle de réserve » est constituée par l’excès d’individus exploitables en situation de concurrence, que l’on peut payer moins cher. L’intérêt réel de la classe se transforme en conscience de classe et amène la lutte des classes. Un individu est déterminé dans une classe par sa place dans le processus de production, et l’intérêt de classe définit la classe en soi. La conscience de classe et la compréhension de son intérêt amenés par l’identité et l’idéologie de classe définissent la classe pour soi.
Des années 1870 aux années 1920 : l’école marginaliste
L’école marginaliste est fondée sur la théorie économique visant à défaire les classiques. La crise de 1929 ainsi que la montée du bolchévisme vont mettre cette école de côté.
Dans le courant du XX° siècle : le keynésianisme
La pensée keynésienne constitue une rupture car son analyse se fonde sur le court terme et atteste que le marché ne se régule pas de lui-même mais qu’au contraire, l’intervention de l’Etat est nécessaire. C’est un mathématicien qui met en avant les prévisions et le caractère incertain des prévisions. Ses idées vont s’imposer comme la réponse de sortie de crise.
Reprenons ses idées les plus importantes. Tout d’abord, la demande anticipée : les entrepreneurs prennent leurs décisions d’investissements en fonction de la demande anticipée des ménages. C’est selon lui la demande, qui, par le biais de la consommation, détermine la production et donc la croissance, l’emploi… De fait, la crise des années 30 est une crise de demande et pas une crise d’offre comme l’affirment les néoclassiques. Face à la théorie du chômage volontaire des néoclassiques, Keynes défend l’idée que le chômage est involontaire : les employeurs n’emploient pas à cause de la faible demande anticipée, et pas car les salaires réels sont trop élevés. Selon lui, la monnaie a une fonction de réserve de valeur, elle permet de se protéger contre les aléas dans un univers incertain. Il théorise également le multiplicateur d’investissements publics et explique que l’épargne est un vice. Les crises durables sont possibles, si bien que l’Etat se doit d’intervenir par le biais de politiques conjoncturelles (budgétaire et monétaire).
Dans le prolongement des idées keynésiennes, Samuelson et Lipsey reprennent une observation empirique de Phillips pour montrer que la politique monétaire a un arbitrage fondamental à faire entre inflation et chômage : la courbe de Phillips.
De 1921 à la mort de Keynes dans les années 1970 : le mouvement de critique keynésien
Selon Laffer, la fiscalité a un effet désincitatif. Au-delà d’un certain niveau de prélèvement obligatoire, la fiscalité fait baisser les recettes fiscales.
Stigler est en faveur de la déréglementation de l’économie, car celle-ci serait plus efficace pour atteindre les objectifs de la réglementation et le ferait à moindre cout pour la collectivité.
Selon Friedman, la monnaie est active. Afin d’éviter les déséquilibres macroéconomiques, il faut faire correspondre la croissance de la masse monétaire avec la croissance économique. Il s’oppose ainsi aux politiques monétaires expansives prônées par les keynésiens. Il stipule également que la courbe de Phillips ne fonctionne qu’à court terme mais pas à long terme car les agents économiques finissent par se rendre compte de leur perte de pouvoir d’achat. Le chômage qui avait baissé grâce à l’inflation revient au même niveau suite aux licenciements, et cela sans que l’inflation ne baisse. A long terme, la courbe de Phillips est donc invalidée du fait des anticipations adaptatives des agents économiques.
Des années 1950 aux années 1980 : les ultralibéraux et les néolibéraux
Le mouvement des ultralibéraux commence avec Friedman et le monétarisme dans les années 1950. Celui des néolibéraux vise le démantèlement de la pensée keynésienne. Le néolibéralisme a émergé après la seconde guerre mondiale en réponse au keynésianisme devenu dominant pendant les trente glorieuses. Le premier monétariste officiel est Friedman. Ce courant est constitutif du développement des idées libérales dans les pays en développement. Grâce à l’influence des grandes institutions internationales libérales comme le FMI, l’OMC, la banque mondiale, le libéralisme tiré du consensus de Washington est appliqué. Les plans d’ajustements structurels sont basés sur la baisse du poids de l’Etat, le retour à l’équilibre budgétaire et l’ouverture économique aux échanges internationaux de capitaux, de biens et de services. Ces plans s’appliquent à tous les pays qui ont besoin du FMI, ce qui engendre une hausse de la pauvreté et des chocs financiers.
Des années 1980 à nos jours : la Nouvelle Ecole Keynésienne (NEK)
Suite à la crise des subprimes, les banques centrales redécouvrent Keynes. D’après Keynes, après l’action psychologique, la politique monétaire permet de sortir de la crise et de relancer la croissance. La banque centrale peut agir sur le niveau de l’emploi, donc elle n’a pas intérêt à être indépendante et elle doit être gardée comme un instrument d’une politique de relance.