Résumé de l’entretien de Jean Tirole sur Entendez-vous l’éco (France culture)
Selon J.Tirole, il semblerait que la Croissance Économique mondiale soit face à 3 enjeux majeurs sur le long terme : Le climat, les inégalités et la démographie.
Quels enjeux autour du climat ?
Dans son interview, J.Tirole est favorable à la mise en place d’une réelle taxe carbone dans le pays. Spécialiste en économie comportementale, il explique que cette taxe permettrait de modifier les comportements des entreprises et des consommateurs afin de se diriger vers une croissance plus durable. Non seulement le prix du carbone permettrait une décarbonisation à un coût relativement faible, mais en plus il inciterait à l’innovation.
Pourtant deux limites s’imposent face à cette taxe carbone.
La première, en témoigne la crise des gilets jaunes, est que les individus précaires sont les premiers touchés par la mise en place de cette taxe. La seconde est que dans un contexte de prix du carbone différent selon les pays, la taxe peut rapidement devenir un handicap pour les entreprises en termes de compétitivité.
Alors qu’elle serait la solution ? Pour J.Tirole la réponse est dans l’intervention étatique. D’un côté l’État pourrait utiliser les fruits de la taxe carbone pour procurer aux plus précaires une aide financière, tandis que de l’autre, il pourrait mettre en place une taxe à la frontière afin de rétablir l’équité de la concurrence et limiter au mieux le dumping écologique.
Les défis liés aux inégalités
Même si les inégalités de revenu en France restent raisonnables comparées à certains pays, beaucoup d’actifs n’ont pas accès aux bons emplois. En réalité, les inégalités en France s’expliqueraient surtout par une taxation excessive du travail comparé au capital. Celui-ci étant mobile, les Etats n’ont nullement intérêt à le taxer de manière importante s’ils veulent que leurs entreprises restent compétitives. C’est pourquoi les entreprises françaises sont fortement incitées à substituer le capital au travail, provoquant une disparition progressive des emplois. D’où des efforts menés par l’OCDE à l’échelle internationale pour commencer à imposer le capital et ainsi résorber de manière progressive cet écart décisif de taxation.
Mais le problème des inégalités pourrait également se résoudre en amont avec par exemple la mise en place d’une taxe sur les successions. Le but ? Utiliser cette taxe pour favoriser l’égalité des chances parmi les jeunes en finançant leurs études et/ou des projets professionnels. Pourtant la réticence des Français vis-à-vis de cette taxe laisse planer le doute quant à son efficacité. C’est pourquoi J.Tirole propose une autre alternative: réformer le système éducatif français afin de renforcer la mixité et proposer une meilleure orientation professionnelle aux élèves. En effet, la France s’est faite remarquée à l’échelle internationale par ses résultats médiocres dans les filières scientifiques, pourtant indispensables pour innover.
Les problèmes démographiques
Sans surprise, les enjeux démographiques actuels peuvent se résumer en deux mots : vieillissement de la population. En découle la question, ou plutôt l’inquiétude, liée au système de retraite, surtout dans les pays comme la France où celui-ci est de moins en moins populaire. Mais alors comment agir ? Jean Tirole explique dans son interview que dans un système de retraite classique, il y a trois leviers d’action : l’âge de départ à la retraite, le montant des pensions et enfin le montant des cotisations. Le problème est que par le passé, l’Etat français a allégrement utilisé le levier des cotisations pour faire fonctionner le système, si bien qu’il est à présent impensable d’augmenter à nouveau leur montant. Plusieurs choix s’offrent alors :
- Reculer l’âge de départ à la retraite en jouant sur l’allongement de l’espérance de vie : en France il est beaucoup plus prématuré qu’ailleurs, puisqu’un français passerait 20% de son temps plus longtemps en retraite qu’un Allemand.
- Mettre fin au mythe du travailleur senior peu productif : si reculer l’âge de départ à la retraite peut être une solution, J.Tirole met tout de même en garde : le taux de chômage des seniors pourrait rendre cette réforme nulle. Ce n’est pas un secret : les seniors ont plus de mal à se reconvertir ou à trouver un nouvel emploi. La cause ? La fausse idée selon laquelle ils seraient moins productifs et plus enclins aux maladies chroniques. Or, les seniors sont précieux pour la productivité de l’entreprise grâce à leur expérience professionnelle.
- Améliorer les formations des travailleurs : si les Français partent aussi tôt en retraite, c’est parce que leurs formations ne leur permettent pas une polyvalence de leurs compétences et donc in fine des changements de carrières. D’où le sentiment de lassitude après avoir passé toute leur vie active à faire exactement la même chose.
- Le levier des points :Tirole se dit favorable à la réforme des retraites par points même si quelques ajustements sont à faire pour le rendre moins complexe.