Arthur Schopenhauer est connu pour être un philosophe pessimiste. Le monde comme volonté et comme représentation est son œuvre principale. Dans ce texte, Schopenhauer identifie le principe unique qu’il appelle volonté et qui pour lui explique notre perception du monde. Dans ses nombreux écrits devenus indispensables en philosophie, il explique ce qu’est la philosophie et comment elle affecte notre existence.
La représentation
Pour Schopenhauer, le monde tel que nous le connaissons, tel que nous l’expérimentons n’est pas le véritable monde. C’est plutôt un fragment du monde, sa face externe. Il nomme cela le monde de la représentation. Il s’agit du monde que nous percevons et que nous nous efforçons d’expliquer. Les phénomènes qui apparaissent au sein de ce monde de la représentation suivent ce que Schopenhauer appelle le principe de raison suffisante (c’est-à-dire qu’aucun n’effet ne peut se produire sans cause). Le monde de la représentation s’inscrit dans l’espace-temps. En effet, on ne peut se représenter quelque chose qui échappe à l’espace-temps.
La volonté
On pourrait dire que la volonté, c’est la face interne du monde. Ce monde-là est inconcevable par l’esprit et totalement insoupçonné. Si pour Schopenhauer, notre pensée est bornée et ne peut concevoir une chose hors de l’espace-temps, la volonté est justement intemporelle. Il est donc logique que ce monde paraisse totalement insaisissable à l’homme. Le monde de la représentation s’avère ainsi être la partie perceptible du monde de la volonté. Pour Schopenhauer, la volonté n’a pas de raison d’être, elle est, c’est tout ce que l’on peut en dire. Elle nous entoure, mais nous ne pouvons rien savoir de son pourquoi, de sa finalité puisque sa finalité c’est simplement de se perpétuer dans le temps.
Dès lors, peut-on prétendre connaître le monde ?
Si l’on suit la théorie de Schopenhauer, nous ne connaissons pas vraiment le monde mais seulement sa surface la plus évidente : la représentation. En tant que sujet sensible et conscient, l’homme se représente le monde tel qu’il le perçoit, c’est pour lui le seul monde qui existe. L’homme pense connaître le monde, mais en réalité le monde de la représentation est un leurre sous lequel la volonté se dissimule. Notre incapacité à se représenter le monde de la volonté implique que nous n’avons pas conscience de la méconnaissance qui nous anime. Le monde de la représentation nous berce d’illusions quant à nos capacités de représentation. Effectivement, nous pensons connaître le monde, mais nous n’en saisissons qu’une infime partie. Et même si notre intellect nous éclaire quant au fonctionnement du monde (par les sciences notamment), Schopenhauer maintient que nous sommes incapables d’expliquer l’existence de ce monde. Autrement dit nous savons expliquer le comment du monde mais pas le pourquoi. Connaître le monde impliquerait pour nous une prise de conscience du monde de la volonté, ce qui demeure impossible pour Schopenhauer.
La perpétuation de la volonté
Si nous avons vu qu’une véritable connaissance du monde est impossible du fait de notre inconscience du monde de la volonté, ce monde se laisse tout de même deviner à travers le monde de la représentation. La représentation, c’est d’une certaine manière le moyen d’action de la volonté. La volonté se perpétue et nous ne sommes que des pions assurant la pérennité de la volonté. Schopenhauer affirme que notre instinct de survie, qui nous pousse à nous maintenir dans l’existence n’est que le produit de la volonté. On ne sait pas pourquoi on veut survivre, de la même façon qu’on ne sait pas pourquoi on vit. Il s’agit d’un mécanisme inconscient et impulsé par la volonté. Ainsi, la volonté n’a d’autres sens que celui de se perpétuer. Par ailleurs, notre asservissement (bien qu’inconscient) face à la volonté remet en cause notre liberté. Pour Schopenhauer, la vie est principalement souffrance. Ainsi, nous nous complaisons dans le malheur, et entretenons un amour aveugle d’une existence dont le sens nous échappe. Nous sommes donc d’une certaine façon l’expression de la volonté.
L’amour comme expression de la volonté
« La procréation de tel enfant déterminé, voilà le but véritable, quoique ignoré des acteurs, de tout roman d’amour : les moyens et la façon d’y atteindre sont chose accessoire. » Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, 1818, supplément au livre IV, chapitre XLIV
Pour Schopenhauer, l’amour est une illusion donnée par la volonté pour que les individus consentent à perpétuer l’espèce. C’est un instrument qui vise à son éternité. Amour et désir sexuel ont donc le même sens. Le sentiment que l’on éprouve lorsque l’on aime n’est que ce qui nous permet d’accepter le fait que nous soyons déterminés à nous reproduire. Cela nous laisse croire que nous nous distinguons des animaux en allant au-delà d’un simple instinct de reproduction bestial. L’amour est la forme « acceptable » du désir, mais il n’en reste pas moins un instrument de la volonté. La sexualité est donc l’essence même de la vie, où la volonté s’exprime pleinement. En effet, Schopenhauer insiste sur le fait qu’il n’y ait pas d’explication logique au désir sexuel. Il affirme que le sentiment de gêne qui nous envahit après l’acte n’est en réalité qu’un court moment de lucidité sur notre animalité.
L’art : un moyen d’évasion
Selon Schopenhauer, l’art échappe au principe de raison suffisante (un effet peut se produire sans cause ici), contrairement aux sciences. Il invite à la contemplation pour se rapprocher de la volonté, de l’essence du monde. L’art et notamment la musique garantissent ce rapprochement dans la mesure où ils provoquent un effacement de l’artiste qui se focalise sur sa création. L’art garantit ainsi une certaine proximité avec la volonté.
Peut-on réellement se libérer de l’emprise de la volonté ?
Si pour Schopenhauer « La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui » (Le monde comme volonté et comme représentation), la meilleure solution serait de se soustraire à l’emprise de la volonté. Notre existence nous pèse d’un poids intolérable car on ne pourra jamais la saisir, la comprendre. Notre inconscience du monde de la volonté et de son emprise sur nous est une véritable tragédie à laquelle on ne peut échapper qu’en arrêtant de procréer. Ne plus se reproduire, c’est alors éviter à de nouveaux êtres de souffrir.