Les relations gréco-turques sont tendues depuis une cinquantaine d’années. De nombreuses crises n’ont toujours pas été résolues, comme l’entrée de la Turquie dans l’UE, refusée notamment par la Grèce. Ces relations n’ont pas cessé de se détériorer. Une nouvelle crise a récemment éclaté, au large de la mer Méditerranée orientale. De nombreux gisements de gaz ont été découverts dans cette zone. Ainsi, cet espace marin est convoité par de nombreux Etats de la région, notamment Chypre, la Turquie et la Grèce. Un nouveau pic de tension est apparu en août 2020 lorsque la Turquie a envoyé un navire de recherche sismique dans une zone revendiquée par Athènes.
La Turquie d’Erdogan se sent mise à l’écart
Cette contestation des champs gaziers repose sur différents aspects. D’un point de vue territorial, la géographie de la région n’arrange pas la Turquie car elle se retrouve face à une myriade de petites îles grecques proches de ses côtes. Ces territoires insulaires grignotent du terrain sur les eaux territoriales turques. L’Etat d’Erdogan dénonce dès lors une mise à l’écart de son pays dans la région au profit de la Grèce, malgré 7 200 km de côte dont 3 600 en mer Méditerranée. Cependant, à cause de traités, la riposte grecque se justifie. Par exemple, la convention de Montego Bay de 1982 instaure la zone économique exclusive (ZEE) qui assure à chaque Etat un contrôle total sur ses eaux jusqu’à 200 miles nautiques, soit environ 350 km au large de ses côtes. La structure géographique de la mer Méditerranée orientale ne permet pas d’appliquer cette règle. Il faut alors créer des accords bilatéraux. Cependant, la Grèce et la Turquie n’ont toujours pas réussi à trouver un terrain d’entente.
Et veut donc réaffirmer sa puissance dans la région
En outre, l’Etat turc cherche à redorer son blason dans la région méditerranéenne orientale, zone dans laquelle il exerce une influence majeure depuis plusieurs siècles. Le président Erdogan dispose d’un soutien sans faille de la part de sa population et de l’opposition sur la question de la Méditerranée. Nous avons ainsi observé un retour en force de la Turquie dans de nombreux pays méditerranéens tels que la Syrie et la Libye. Il y a une volonté de retrouver la grandeur de l’empire Ottoman. Le fer de lance de cette crise gréco-turque est, bien entendu, lié à l’économie. Les réserves de gaz découvertes en Méditerranée orientale regorgeraient de près de 6 000 milliards de m3. C’est colossal. Cette réserve, très convoitée, permettrait à la Turquie d’assurer son indépendance énergétique. Actuellement, elle dépend de la Russie qui lui exporte 45 milliards de m3 de gaz par an. C’est un fardeau économique énorme pour la Turquie.
Face à une Union européenne indécise, qui ne sait pas réagir
Un acteur non négligeable n’arrive pas à prendre position dans ce conflit, à savoir l’Union européenne. Certains Etats, comme la France, vilipendent la Turquie sur « ses activités unilatérales ». L’Etat français a notamment envoyé deux rafales et deux vaisseaux pour soutenir la Grèce. Toutefois, la mise en place de sanctions contre la Turquie semble être un sujet épineux. En effet, la Turquie dispose d’une carte influente. Le pacte migratoire de 2016 mis en place entre la Turquie et l’Union européenne pèse énormément sur les négociations car le gouvernement d’Ankara peut à tout moment ouvrir ses frontières. De plus, l’Allemagne, grande puissance européenne, n’a pas intérêt à détériorer ses relations avec la Turquie car elle est le premier partenaire européen d’Ankara et concentre une importante diaspora turque sur son territoire.
Cette crise majeure n’est pas due qu’à la Turquie. La Grèce a également sa part de responsabilité. Malgré une volonté turque d’envisager une sortie du conflit par le dialogue, la Grèce ne cesse de faire des partenariats avec les autres puissances de la région pour tenter d’isoler la Turquie. Une hausse des tensions est survenue avec la mise en place d’exercices militaires conjoints avec les Emirats arabes unis et la France.
Il faudra attendre le 22 septembre 2020 pour mettre en place des pourparlers entre les deux Etats. La Grèce, comme la Turquie, souhaite une désescalade des tensions dans la région pour trouver une solution à cette crise. Cependant, cet espoir pacifique tombe à l’eau en octobre. En effet, le torchon brûle de nouveau entre les deux protagonistes car Ankara a choisi de renvoyer son bateau d’exploration, l’Oruc Reis, du 12 au 20 octobre.
Conclusion
Ainsi, le devenir de ce conflit semble incertain. Les différents Etats de la région souhaitent obtenir les ressources méditerranéenne. Certains partenariats sont mis en place pour permettre un meilleur contrôle de ces richesses, au détriment d’autres. Ils exacerbent ainsi les tensions interétatiques. Cette région se retrouve face à une ingérence de plus en plus incontrôlable. Cette situation est de plus en plus critique. Dès lors, malgré le souhait de normalisation des relations dans la région méditerranéenne orientale, cette zone risque de faire face à de nouvelles crises.
Quentin Monchy – UN’iversal (association de géopolitique de NEOMA Reims)