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Zoom sur la politique agricole commune

Sommaire

Dans cet article, l’objectif est de revenir sur la politique agricole commune des années 1950 à nos jours pour te donner une vue d’ensemble sur cette politique européenne ambitieuse. 

 

Lire plus : L’agriculture et le monde agricole : frein ou facteur d’industrialisation au 19ème siècle ?

 

I/ Le fonctionnement de la PAC

On peut tout d’abord se demander comment fonctionne cette politique si singulière. 

 

A/ Retour sur la création de la politique agricole commune

En 1950, les exploitations agricoles en Europe sont encore très nombreuses, de petite taille et peu mécanisées; l’agriculture est alors peu productive, fondée sur la petite exploitation familiale. L’Europe des six compte alors 17,5 millions d’agriculteurs exploitant une surface agricole utile (SAU) de 87 millions d’hectares, soit une moyenne de 5 hectares par exploitation.

Au même moment, l’agriculteur américain dispose en moyenne d’une centaine d’hectares, qu’il exploite selon les critères de l’entreprise capitaliste ( investissement important en capital productif, recherche des rendements les plus élevés,….).

La dépendance de l’Europe est alors indéniable, puisque son taux d’approvisionnement se situe alors à 85% ;

C’est dans ce contexte de dépendance que le traité de Rome ( mars 1957) assigne à la politique agricole naissante quelques objectifs essentiels qui sont non seulement d’accroître la productivité de l’agriculture, mais aussi de stabiliser les cours des produits agricoles, d’assurer l’autosuffisance alimentaire de la Communauté, de promouvoir un marché unifié tout en assurant la préférence communautaire, d’assure un niveau de vie suffisant aux agriculteurs tout en fixant un niveau raisonnable de prix pour le consommateur.

Pour atteindre ces objectifs, la conférence de Stresa de juillet 1958 définit 4 principes fondateurs autour desquels s’articule le fonctionnement d’un marché commun des produits agricoles, à savoir le principe de la libre circulation des produits agricoles dans la Communauté, le principe d’unicité des marchés assuré par des organisations de marché, le principe de solidarité financière, et le principe de préférence communautaire. La réalisation de ces principes exige la création d’un organisme financier, le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole( FEOGA ), créé en 1962, et qui représente au départ à lui seul 50%du budget européen . Ce FEOGA est structuré en deux sections, la section « orientation » qui gère la politique structurelle de la Communauté, et la section “garantie”, qui sert à financer le soutien des cours des produits, et qui absorbe l’essentiel des crédits.

Le fonctionnement de la PAC repose avant tout sur des organisations communes de marché qui ont été progressivement mises en place . Grâce à ces organisations, aux mécanismes d’incitation et de stabilisation des prix, la PAC a permis la modernisation de l’agriculture européenne, et notamment de l’agriculture française. .La quasi totalité des exploitations agricoles non rentables a disparu et l’accroissement des rendements agricoles a été indéniable. En France, la population active agricole est passée de 20% en 1960 à 3,5% en 2005. Toutefois, en dépit de ces résultats positifs, l’instauration de prix garantis a conduit à des excédents importants et à des dépenses coûteuses pour la résorption des excédents. Progressivement, le coût de la PAC devient prohibitif et elle absorbe, en 1988, jusqu’à 63%du budget européen.

 

 

B/ Évolution de la politique à partir des années 1990

La réforme « Mac Sharry » de 1992 combine trois mesures destinées à réduire le coût de la PAC et à résoudre les excédents de production :d’abord, une baisse des prix garantis à la production ( surtout pour les céréales et la viande bovine) afin de développer les débouchés et de mettre un frein à l’incitation à produire toujours plus, ensuite un mécanisme de jachère des terres , enfin des aides directes pour les agriculteurs prévues pour compenser la perte de revenu consécutive à la baisse des prix.

Cette réforme aura des conséquences positives puisqu’elle permettra de contenir les dépenses de la PAC (qui représentent encore aujourd’hui un peu moins de la moitié du budget européen, soit 40 milliards d’euros),et qu’elle permettra aussi la baisse des prix à la production. En 10 ans, ceux-ci ont baissé en moyenne de 25%dans l’Union européenne , ce qui a permis la reconquête du marché intérieur et le maintien des parts de marché au niveau mondial ( l’agriculture européenne représente environ 20% du commerce mondial des produits agricoles et alimentaires). 

Elle aura aussi des conséquences plus négatives, puisqu’en dépit du dispositif des aides directes, le revenu des exploitants agricoles stagne depuis 2005 : le nombre des exploitations agricoles continue de régresser en Europe En 2003, les accords de Luxembourg ( 26 juin 2003) marquent un tournant encore plus important par rapport à la première PAC puisqu’elles fusionnent toutes les aides et primes existantes en un paiement unique dont le montant est calculé sur la base des versements effectués au début des années 2000, et sans référence aux quantités produites. C’est ce qu’on appelle le « découplage ».

Ce découplage a pour but d’agir sur les prix de production dans le sens de la baisse, de réorienter la production agricole vers la fabrication de produits de qualité plus conformes aux aspirations nouvelles des consommateurs européens, et de répartir de manière plus équitable les aides destinées au monde rural. Il vise aussi à faire en sorte que l’Union européenne subventionne moins son agriculture. Cette évolution, se traduisant prochainement par la fin des quotas betteraviers et celle des quotas laitiers en 2013 /2014 risque d’être particulièrement douloureuse pour la France qui demeure un grand pays agricole et qui était jusque là le plus gros consommateur des crédits de la PAC, absorbant à elle seule 20% du FEOGA.

 

II/ Le bilan de la politique agricole commune 

Après plusieurs décennies, quel bilan peut-on tirer de la politique agricole commune ?

 

A/ Le coût de la PAC

Les dépenses agricoles représentent encore aujourd’hui une part prépondérante du budget européen. Ce budget, qui représente environ 100 milliards d’euros, a pour ressource principale la contribution de chaque Etat membre, calculée sur la part qu’il représente dans le revenu communautaire ( exemple : en 2005, cette ressource, dite du revenu national brut-RNB- représente à elle seule 77,6 milliards d’euros, soit 63,7%des recettes). Cela a pour conséquence que la contribution de chaque pays au budget européen est fonction de sa richesse et de sa taille. Les plus gros contributeurs, toujours pour l’année 2005, sont l’Allemagne (21,2%du budget total) , la France ( 17,4%) , l’Italie ( 14,1%) , le Royaume- Uni (12,5%).

Pendant longtemps, et cette époque n’est pas encore révolue, les dépenses agricoles ont représenté une part considérable du budget européen. En 1980, elles représentaient même 65% de ce budget, contre 46%en 2004. Le coût de ces dépenses est maintenant de l’ordre de 162 euros par citoyen européen et par an. Si on examine la structure des dépense par produits, on constate que la majeure partie d’entre elles est destinée aux produits végétaux ( en 2000, sur un budget total de 43,9 milliards d’euros, les produits végétaux absorbent à eux seuls 25,9 milliards d’euros).

La France est le plus gros consommateur des crédits PAC ( absorbant encore à elle seule en 2005 20% du Fonds Européen d’ Orientation et de Garantie Agricole) . Cela s’explique parce-que ces crédits sont affectés à l’agriculture productive, mais aussi à la protection sociale et à la solidarité. Or , la pyramide des âges dans l’agriculture en France fait que la baisse continue du nombre d’actifs agricoles ne permet pas à ceux-ci de financer sans aides publiques les retraites des générations précédentes.

En tout état de cause, si on reste dans la problématique du “juste retour”, qui conduit chaque pays à examiner l’ampleur du retour que représentent les versements de l’Union européenne au bénéfice de sa population, on peut dire que la France est un faible contributeur net au budget de l’Union, favorisée par les retours qu’elle a pu tirer, et qu’elle tire encore, de la politique agricole commune. En revanche, cette contribution est jugée trop élevée par l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Autriche et la Suède.

 

B/ Succès et limites de la politique agricole commune 

La PAC a indiscutablement permis l’accroissement des rendements agricoles, de même que l’augmentation des exportations. Dès le début des années 1970,l’Europe est exportatrice nette de produits agricoles, et la productivité fait un bond en avant. Parallèlement à cette augmentation de la productivité, les exploitations agricoles non rentables disparaissent. La diminution importante de la population active agricole , qui passe de 20% en 1960 à 3%en 2005, témoigne de cette mutation du monde rural. La taille moyenne des exploitations s’accroît, et avec celle-ci, on assiste à une véritable industrialisation de l’agriculture qui devient de plus en plus un fournisseur de produits destinés à la transformation industrielle.

Ce mouvement continue d’ailleurs à se poursuivre sur la période récente : il y a en 2005 347000 exploitations agricoles en France , soit 45000 de moins qu’en 2000, et il y a aussi 3 employés pour 100 hectares contre 4,7 en 1988.

Depuis la réforme de 1992, et son prolongement de 2003, on peut craindre que le renforcement des marchés conduise à une plus grande variabilité des prix, qui finisse par fragiliser les petits producteurs. Néanmoins, pour le moment, les aides directes représentent une part importante du soutien aux agriculteurs. A l’échelon communautaire, le montant des aides directes par exploitation agricole est de 7500 euros en 2003, soit 4800 euros par emploi et 265 euros par hectare. Même si ces aides sont réparties d’une manière discutable, puisque ce sont toujours les grandes exploitations qui reçoivent le plus de soutien, elles sont néanmoins indispensables à l’équilibre des exploitations car elles constituent un élément déterminant du revenu des agriculteurs.

Les réformes de 1992 et de 2003 ont aussi permis de réintroduire un équilibre entre le revenu des consommateurs et celui des producteurs. En effet, jusqu’en 1992, la PAC avait essentiellement pour objectif d’assurer un revenu décent aux agriculteurs, et les consommateurs payaient donc le surcoût lié à la protection communautaire, en bénéficiant en contrepartie d’une garantie de sécurité alimentaire. 

Depuis, le prix des produits agricoles européens n’a cessé de baisser pour se rapprocher du prix mondial. Cette baisse est donc un bénéfice pour le consommateur qui peut s’orienter vers d’autres dépenses. Les dépenses alimentaires représentaient 40% du total des dépenses des ménages dans les années 1960 ,22% en 1980, 19% en 1995 et 15% en 2003 . Il est trop tôt pour dire si l’augmentation mondiale des produits agricoles alimentaires constatée en 2007 le blé notamment) peut à terme modifier cette tendance.

 

Lire plus : Les enjeux de l’alimentation et de l’agriculture dans le monde (analyse de sujet)

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