Depuis le début de la crise économique et sanitaire mondiale liée au coronavirus, la Banque centrale européenne ne cesse de favoriser les ménages les plus favorisés par sa politique monétaire. Cette dernière s’inscrit dans une série de mesures expansionnistes menées à la suite de la crise des subprimes qui ont accru fortement les inégalités économiques entre les 1%, les 0,1%, voire les 0,01% et le reste de la population.
Cependant, la BCE assure que cette politique ultra-accommodante est un outil de réduction des inégalités.
Alors, qui sont les véritables gagnants de la politique de la Banque centrale européenne ?
La crise des subprimes : un tournant majeur qui transforme la politique monétaire de la BCE
En effet, dès le lendemain de la crise de 2008, la FED et les banques centrales des pays développés ont décidé de baisser les taux d’intérêt directeur à 0%. Quant à la Banque centrale européenne, il a fallu attendre 2011 pour que Jean-Claude Trichet, président de la BCE, baisse le taux d’intérêt directeur et ce n’est qu’en mars 2016 que la BCE a décidé de fixer son taux principal de refinancement à 0 %.
De plus, au-delà de l’utilisation d’outils conventionnels, la Banque centrale européenne n’hésite pas à utiliser des instruments novateurs comme l’assouplissement quantitatif – quantitative easing – qui se traduit par l’injection massive de liquidité en rachetant sur le marché secondaire des titres financiers. Par ailleurs, la BCE utilise également des instruments traditionnels de manière nouvelle comme le démontre l’exemple des taux d’intérêt négatifs sur les dépôts de banques commerciales à la banque centrale.
Quel est donc le moteur d’une telle décision sachant que le principal mandat de la BCE est d’assurer la stabilité des prix ?
La raison d’une telle décision est simple. Nous notons que le taux d’inflation est passé de 2,5% à 0,3% entre 2013 et 2016. Cet éloignement de la cible d’inflation suscite la crainte de tomber dans la déflation. C’est dans ce contexte que Mario Draghi abaisse le taux d’intérêt directeur de la BCE à 0% et impose un assouplissement quantitatif sans quoi il ne pouvait respecter son mandat de stabilité des prix, qui nécessite un taux d’inflation inférieur mais proche de 2%.
En bref, mieux vaut l’inflation que la déflation. En effet, s’il est possible de sortir de l’inflation, il est très difficile, voire impossible de sortir de la déflation.
Comment la politique de la BCE favorise-t-elle les riches ?
Il y a plusieurs canaux de transmission de la politique monétaire. Parmi eux, on retrouve le canal du taux d’intérêt. En effet, les banques commerciales répercutent la hausse ou la baisse du taux d’intérêt directeur sur les taux d’intérêt. Dans notre contexte actuel, la volonté est de revenir au niveau de croissance d’avant la pandémie. De ce fait, la Banque centrale européenne maintient un taux d’intérêt directeur à 0% et continue son assouplissement quantitatif.
Ainsi, nous pouvons constater que les ménages les plus aisés vont pouvoir renégocier les prêts qu’ils avaient contractés avant la crise pour bénéficier de taux d’intérêt proches de 0%. De plus, ces ménages qui ont investi une partie de leur épargne sur les marchés financiers sont doublement gagnants car la politique de la BCE a renchéri le prix des actifs.
Parallèlement, la politique monétaire de la BCE n’a pas toujours permis aux ménages les plus pauvres d’augmenter leurs revenus, ni d’accéder au crédit car les banques commerciales ont préféré investir sur les marchés financiers plutôt que de prêter aux ménages les plus pauvres.
La monnaie hélicoptère, une alternative innovante pour réduire les inégalités.
Le 22 janvier 2021, l’économiste française J. Couppey-Soubeyran suggérait à la BCE, dans une tribune du « Monde », d’abonder directement les comptes des ménages et des entreprises plutôt que de passer par les banques commerciales et les marchés financiers, reprenant ainsi la proposition de D. Cohen en décembre 2019 consistant pour la BCE à verser 1000 euros à chacun des 340 millions d’habitants de la zone euro. La politique de la « monnaie-hélicoptère » permettrait enfin aux 19 pays de la zone de sortir du risque déflationniste auquel elle est confrontée depuis 2009. De plus, les ménages les plus pauvres permettront de relancer l’économie car ce sont les agents qui ont la propension marginale à consommer la plus forte.
Cet outil de l’hélicoptère monétaire, semble être non seulement au moins aussi efficace que les politiques de taux d’intérêt pour stabiliser l’inflation mais également plus équitable, dans la mesure où la BCE donnerait le même montant à tous les ménages, quels que soient leurs revenus.