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Les relations transatlantiques, des relations complexes et ambiguës

Sommaire

Cet article analyse la complexité des relations transatlantiques, à la fois ambiguës, marquées par la conjoncture et déséquilibrées.

Définir L’atlantisme…

Étymologiquement, le terme « atlantisme » vient du mot « Atlantique » auquel le suffixe grec « isme » a été rajouté. Ce dernier rappelle un concept, une école de pensée, qui préconise une alliance entre l’Europe et l’Amérique du Nord (en particulier les États-Unis et le Canada). Cette alliance s’accompagne d’une coopération dans les domaines politiques, économiques et culturels.

L’atlantisme renvoi aussi à l’idée selon laquelle, l’Europe et les Etats-Unis partageraient des valeurs communes, notamment celles de démocratie, de liberté et de défense des droits de l’homme. Néanmoins, au-delà d’un supposé « idéal commun » que partageraient les deux ensembles, l’atlantisme est avant tout une réponse pragmatique face à une menace commune, celle de l’URSS. D’où la nécessité de recontextualiser historiquement la naissance et le développement de l’atlantisme.

Les racines des relations transatlantiques, la création de l’OTAN et ses évolutions

En 1949, la ratification du traité de l’Atlantique Nord marque le début officiel de la relation transatlantique qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Pas d’ambiguïté au départ, ce traité a la vocation de contrer le communisme, comme le rappelait Lord Ismay, premier secrétaire général de l’Otan. « Keep the Russians out » disait-il. Très vite, ce lien transatlantique devient tangible au sein de l’alliance militaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Sa raison d’être ? Protéger l’Europe contre les intentions supposées agressives de l’URSS. L’article 5 prévoit notamment la solidarité entre les Etats membres pour assurer leur défense collective en cas d’agression contre l’un d’eux. Notons que son efficacité a été globalement satisfaisante ; de pars sa fonction dissuasive, l’OTAN n’a jamais eu à intervenir militairement durant la guerre froide.

L’OTAN connaît une deuxième phase en 1991 alors que l’URSS a définitivement perdu la guerre. En effet, sa mission était accomplie :  l’alliance atlantique a contribué à contenir “l’empire du mal“. Elle se retrouve dès lors orpheline de sa raison d’être. Alors que lui reste-t-il ? Pour certains analystes, les membres de l’alliance atlantique partagent toujours les mêmes idéaux, qui leur permettent de surmonter leurs désaccords et de constituer plus qu’une coalition d’intérêt. Néanmoins, l’OTAN se voit obligée d’évoluer, en passant d’une alliance de défense collective à une institution de sécurité collective. Elle agit au nom de la communauté internationale pour protéger et restaurer la paix et les droits humains.

Les relations atlantiques ont connu plusieurs crises

Cette mutation dans le fonctionnement de l’OTAN s’accompagne de plusieurs interventions, qui vont progressivement exacerber les tensions latentes entre les différents membres. Certaines querelles larvées se transforment en véritable crises ouvertes, comme lors de l’intervention américaine en Irak de 2003 à 2011. Dominique de Villepin était par exemple intervenu le 14 février 2003, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, pour exprimer son opposition à l’intervention militaire contre l’Irak. Plus globalement, les Européens dénoncent l’unilatéralisme des Etats-Unis qui préfèrent dicter leurs priorités tout en ignorant les projets de leurs alliés. De leur côté, les Américains reprochent à leurs alliés de ne pas être assez autonomes. Pour l’oncle Sam, les Etats-Unis en font toujours trop, les européens jamais assez. C’est sur la base de cette observation qu’est née la doctrine du Burden Sharing.

Les tensions sont arrivées à leur paroxysme lorsque Trump est arrivé au pouvoir en 2016. L’imprévisible président a complétement rejeté les fondamentaux de l’alliance atlantique. Pas étonnant, en sachant que la politique de l’UE en faveur du multilatéralisme et du droit international se trouve aux antipodes de la pensée de Trump. Son slogan « America First » résume en deux mots sa politique unilatérale, pleine de mépris pour ses alliés. Si le discours de Biden est désormais plus respectueux envers Bruxelles, la réalité est en fait nuancée. En 2021, les Etats-Unis n’ont pas hésité à devancer la France dans la vente de sous-marins à l’Australie alors qu’elle avait signée en 2016 « le contrat du siècle ». Encore une crise de plus qui cette fois ci, illustre l’ambiguïté des relations franco-américaines.

Lire plus : Crise des sous-marins : la relation transatlantique en danger ?

La position particulière de la France

La relation particulière entre Washington et Paris remonte au XVIIIème siècle, lorsque Louis XVI décide d’aider les insurgents américains durant guerre d’indépendance (1775-1783). Néanmoins, comme l’explique George-Henri Soutou dans la Grande illusion, la notion d’alliance atlantique apparait officiellement au travers de documents à partir de 1917. En effet, la France entre en guerre avec la triple entente, qui reposait sur l’alliance militaire franco-russe conclue en 1892, et en sort avec l’embryon d’alliance atlantique, les Etats-Unis se substituant à la Russie.

Depuis que l’Alliance existe, des désaccords permanents sur le financement, le Burden sharing, et la prise de décision ont consumé la relation franco-américaine. Dans ses mémoires, Henry Kissinger parlait de « malentendus transatlantiques ». Le général de Gaulle avait pourtant dès le départ posé des limites à la relation franco-américaine : « Amis, alliés mais pas alignés ». D’où sa décision de retirer les forces françaises du commandement intégré de l’Otan le 1er avril 1967.

Nous comprenons donc bien la complexité des relations transatlantiques, à la fois marquées par la conjoncture et déséquilibrées. L’élément principal de cette asymétrie dans les relations est l’extraterritorialité du droit national américain. En effet, les Etats-Unis appliquent leur propre loi dans des territoires autre que le leur, pour des actions commises hors de leur territoire par des entités ou personnes relevant d’autres pays. Par conséquent cette pratique remet clairement en cause la souveraineté européenne.

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Jonathan Fellous