L’ESH est une matière regroupant trois disciplines : l’Economie, la Sociologie, et l’Histoire. On peut également y intégrer le sigle MC pour Monde Contemporain. Si l’économie semble occuper une grande partie du programme de cette matière, et que les sujets de concours tournent très souvent (pour ne pas dire tout le temps) autour de ça, il ne faut pas pour autant négliger les autres disciplines, notamment la sociologie. En effet, l’utilisation de références sociologiques permet toujours, si elles sont bien exploitées, de se différencier auprès des correcteurs, en montrant que l’on prend en compte les différentes disciplines de la matière.
Cependant, un problème se pose souvent : comment utiliser de manière intelligente une référence sociologique pour un sujet très axé sur l’économie ? Cet article va tenter d’élucider ce problème, en proposant des liens qui peuvent être faits entre des références sociologiques et des notions du programme d’économie.
1)Tönnies, Communauté et société (1987).
Dans cet ouvrage, le sociologue Tönnies a distingué deux formes de vie sociale :
–la communauté, qui est régie par des statuts, et qui se fonde sur un modèle de transmission des savoirs, des habitudes et de la mémoire. Nous sommes ici dans le modèle social du village.
–la société, qui repose sur l’échange, le calcul, et qui se manifeste par l’égoïsme, l’intérêt individuel (appât du gain) etc… C’est le modèle de la ville, qui s’intensifie avec la révolution industrielle.
On peut relier cette observation sociologique à l’étude de la croissance économique faite par Walt Rostow, dans Les étapes de la croissance économique (1961). Il explique, dans cet ouvrage, qu’il existe différentes étapes avant de parvenir au stade de développement économique, symbolisé par l’ère de la consommation de masse. Au cours de ce processus, l’étape du « Take-off » (décollage, essor) est primordiale. Elle est possible grâce à de nombreux investissements, et donc par une volonté de certains individus d’entreprendre. C’est alors le passage à la société, symbolisée par la révolution industrielle, qui va s’accompagner d’une volonté des entrepreneurs d’investir afin de s’enrichir (on retrouve l’idée d’appât du gain présentée par Tönnies), et donc permettre le « take-off », qui va lancer la croissance économique dans le pays. Ce processus illustre l’essor de pays comme la Grande-Bretagne ou la France pendant la révolution industrielle.
2)Cette, Aghion et Cohen, Changer de modèle (2014).
Ici, nous allons tenter de relier l’analyse économique de l’éducation et l’analyse sociologique.
Rappelons premièrement que l’éducation joue un rôle majeur dans la croissance économique des pays : pour les pays en développement, il s’agit de se développer en mettant en place un système éducatif de masse et performant (la Chine de Deng Xiaoping en est l’illustration) ; et pour les pays développés, il s’agit de rester à la frontière technologique. Cette analyse est notamment évoquée par Cette, Aghion et Cohen dans Changer de modèle, qui expliquent que les politiques d’éducation sont primordiales pour l’avenir d’un pays, et que celles-ci doivent s’adapter au niveau de développement du pays à un instant t (favoriser l’éducation primaire pour les PED et l’éducation supérieure pour les PD). L’éducation apparaît alors d’un point de vue économique comme une potentielle politique structurelle visant à accroître le développement économique. Nous retrouvons notamment ici les travaux des théoriciens de la croissance endogène tels que Lucas, Barro ou Romer.
A cet égard, qu’en est-il de la relation sociologie/économie ? Cette relation se pose quant à la mobilité sociale et l’égalité des chances. En effet, ces deux notions sont très étudiées par les sociologues. Pierre Bourdieu, Passeron ou encore Boudon en sont des figures majeures, que vous avez étudiées depuis le lycée. Mais ces questions n’intéressent pas seulement les sociologues. Elles ont de plus en plus d’importance dans les questions économiques et les politiques publiques. En effet, si l’objectif d’un pays est d’acquérir le meilleur système d’éducation possible, pour se développer ou maintenir son niveau de développement, cela doit se faire en permettant à tous d’avoir accès à des études, voire de hautes études. Le risque est alors de laisser de côté des personnes avec de forts potentiels pour l’avenir économique du pays. De fait, la recherche d’une allocation optimale des talents dans l’économie pour promouvoir la croissance passe par la recherche d’une plus grande mobilité sociale et égalité des chances, que mettent en exergue les travaux sociologiques.
3)Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905).
Pour finir, nous ne pouvions tenter de mettre en lien la sociologie et l’économie sans évoquer Max Weber, qui a montré dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme l’adéquation qu’il a pu y avoir entre le calvinisme (doctrine chrétienne protestante) et le développement du capitalisme. En effet, le calvinisme se fonde sur des valeurs telles que le travail assidu, et l’épargne (plutôt que la consommation) de la richesse produite par ce travail. De fait, cela conduit à une accumulation de capital par les individus, qui doivent alors être des entrepreneurs innovants et investis dans leur tâche. Cela a alors conduit à l’émergence de conditions favorables au développement du capitalisme. Ici, c’est donc l’étude de comportements des agents (on retrouve l’individualisme méthodologique de Weber) qui permet de fournir une des explications de la naissance du capitalisme, dont le thème est encore extrêmement d’actualité (cf sujet d’ESH HEC 2020). Comprendre le capitalisme actuel passe par l’étude et la compréhension de son origine, initialement expliquée par des travaux sociologiques.
Ces courts paragraphes peuvent être appris, approfondis si nécessaire, et utilisés en dissertation s’ils apportent un argument pertinent et en adéquation avec le sujet.
D’autres vous seront présentés dans les prochains articles.