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Zoom sur la loi pouvoir d’achat

Sommaire

Mise en contexte :

L’inflation, tirée vers le haut par la guerre en Ukraine et les décisions politiques russes et européennes mais également conséquence des politiques de lutte contre la crise sanitaire, a atteint au mois de juillet 6,1% en France sur 1 an. Les prix de l’énergie ayant augmenté de 28,7% sur 1 an en juillet 2022 tandis que les prix à l’alimentation ont augmenté de 6,7% selon l’Insee. Bien que de nombreuses actions aient déjà été entreprises par le gouvernement afin de garantir le pouvoir d’achat des ménages avec notamment la mise en place d’un bouclier tarifaire (mis en place fin 2021) comprenant une ristourne de 18 centimes sur le litre d’essence mais egalement un cheque énergétique de 100 euros, ou encore le gel du prix du gaz, les Français demeurent inquiets face à l’augmentation des prix car cela amoindrit peu à peu leur pouvoir d’achat. En effet, selon une enquête d’Harris Interactive publiée a la mi-juin, 62% des Français estiment que leur pouvoir d’achat baissera encore dans les prochains mois. Ce contexte économique défavorable a poussé le gouvernement à proposer le 7 juillet un projet de loi au Conseil des Ministres qui a récemment été adopté par le Senat, revenons ensemble sur les éléments clés de ce projet de loi.

Pour plus d’informations sur l’actualité : L’actualité en bref – Semaine du 19 au 25 juillet

Les mesures phares de la loi sur le pouvoir d’achat

  • Poursuite du bouclier tarifaire sur l’énergie et de la remise carburant. La remise carburant passera de 18 centimes à 30 centimes d’euros en septembre et octobre avant de s’amoindrir à 10 centimes d’euros en novembre. Cette remise carburant devrait s’ajouter à la remise de TotalEnergies qui a étendu à l’ensemble de ses stations-services une remise de 20 centimes par litre sur la période septembre/octobre puis 10 centimes d’euros sur la période novembre/décembre. Ces deux mesures permettent de mettre en avant à la fois l’intervention étatique mais également privée et la possibilité d’une entraide entre le secteur privé et le secteur public dans les politiques sociales. En plus de ces mesures, d’autres s’ajoutent afin de garantir la souveraineté énergétique du pays comme notamment l’accélération de l’installation d’un terminal méthanier flottant au large du Havre qui sera donc un nouveau point d’importation de GNL et devrait être opérationnel dès septembre 2023.

 

  • Revalorisation de 4% des revenus de transfert (pensions de retraites, allocations familiales, minima sociaux). Bien que cette hausse soit jugée insuffisante car inférieure à l’inflation, elle pourra néanmoins compenser une baisse du pouvoir d’achat et éviter une spirale inflationniste trop importante. Pour les logements, l’APL sera revalorisée de 3,5% et, dans le même temps, la hausse des loyers restera plafonnée à 3,5% maximum.

 

 

  • L’Etat entend bien renforcer sa coopération avec les entreprises pour garantir le pouvoir d’achat des salariés. En effet, le projet de loi prévoit le triplement de la « Prime Macron », la mise en place d’une prime de la valeur (PPV) d’un montant maximum de 6000 euros, la possibilité d’une prime annuelle pour les salaries gagnant moins de 3 SMIC d’un montant maximum de 6000 euros exonérée de charge sociale et fiscale et le rehaussement du plafond des heures supplémentaires défiscalisées de 5000 euros à 7 500 euros. Bien que ces mesures dépendent du bon vouloir des entreprises, elles devraient encourager les employeurs à octroyer davantage de primes à leurs employés et ainsi augmenter leur pouvoir d’achat.

 

  • D’autres mesures comme la simplification de résiliation des abonnements et des assurances, la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires de 3,5% et également pour les travailleurs indépendants la baisse de leurs cotisations de 550 euros au niveau du SMIC devraient être ratifiées.

Les critiques sur cette loi sur le pouvoir d’achat

 

Le « rapport pour avis » de Christine Lavarde :

  • « Un décalage par rapport a la défense de la valeur travail affichée par ailleurs ». A travers cette phrase, le rapport pointe du doigt le fait que la hausse du RSA de 4% engendre une hausse de gain de pouvoir d’achat supérieure que les mesures en faveur des indépendants et des fonctionnaires. Cette mesure vient ainsi contredire l’idée générale des précédentes mesures, travailler plus pour gagner plus, et s’inscrit davantage dans une politique d’assistanat en diminuant le cout d’opportunité de ne pas prendre un emploi.
  • Un risque d’effet de substitution en défaveur de la sécurité sociale et des employés. Alors que le rapport estime un cout à hauteur de 7,2 milliards d’euros dont 4,6 milliards d’euros seraient soutenus à la sécurité sociale, la rapporteure pointe du doigt le risque d’une diminution des recettes pour la sécurité sociale du fait notamment de l’élargissement de la prime Macron. En effet, cette prime étant exonérée de cotisations sociales, les employeurs pourraient la préférer à une hausse des salaires. Cet effet de substitution engendrerait donc une baisse des recettes pour la sécurité sociale et renforcerait l’instabilité salariale, la hausse des revenus dépendant du bon vouloir des entreprises.

La chronique d’Emmanuel Combe intitulée « Pouvoir d’achat : cinq principes pour une politique » :

Dans cette chronique Emmanuel Combe met en avant cinq principes qu’une politique sur le pouvoir d’achat devrait prendre en considération. Analysons ici, les mesures du gouvernement en considérant certains de ces principes.

  • 1er principe : Les mesures de soutien du pouvoir d’achat devraient essentiellement cibler a court terme les personnes dans le besoin. Sa vision suit donc les décisions du gouvernement concernant la revalorisation du SMIC, des minima sociaux et de la prime d’activité mais s’oppose cependant à la remise carburant. En effet, alors que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, souhaitait progressivement supprimer la remise carburant au profit d’une indemnité carburant travailleurs (ICT), celle-ci s’est vue balayée par les Républicains qui ont réussi à maintenir la remise carburant et même à l’augmenter. Cette deuxième indemnité, plus juste car ciblant les personnes le plus dans le besoin, serait rentrée en accord avec ce principe et aurait empêché les effets d’aubaine (certaines personnes moins dans le besoin profitent également des aides).
  • Il met également en avant dans cette chronique, l’importance des politiques structurelles dans la lutte pour le pouvoir d’achat avec notamment l’investissement dans l’éducation et le capital humain et les politiques de concurrence. En effet, pour lutter contre une inflation à long terme, investir dans le capital humain d’un individu permet d’augmenter son niveau de rémunération et de renforcer la sécurité de l’emploi augmentant ainsi son pouvoir d’achat car moins sujet a de faibles salaires et au risque de chômage. Dans ce texte de loi sur le pouvoir d’achat, on pourrait ainsi pointer du doigt le manque de politique structurelle. Pour autant, les mesures de l’Union Européenne visant à diversifier leurs fournisseurs de pétrole et de gaz s’inscrit dans cette logique de long-terme et de concurrence. Cet outil permettant ainsi une mise en concurrence des fournisseurs entrainera in fine une baisse des prix de l’énergie au profit des consommateurs et de leur pouvoir d’achat.
  • Les autres principes mis en avant par Emmanuel Combe sont le fait de ne pas cibler trop les produits et éviter de brouiller le signal prix. Pour le premier point, Emmanuel Combe dans sa chronique prend l’exemple des aides au logement attribuées aux locataires en 1990 et met en avant que cela avait produit un effet inflationniste au profit des bailleurs. Les bailleurs sachant que les locataires bénéficieront d’une aide afin de payer leur loyer sont ainsi incites à augmenter leur loyer. Dans cette loi le gouvernement semble avoir appris de son erreur, en effet en plus de la hausse des APL, le gouvernement a mis en place un plafonnement des loyers empêchant ainsi les bailleurs d’augmenter leur prix en réponse à la hausse des APL. Mais ce plafonnement des loyers, mais aussi du gaz (mesure du bouclier tarifaire) brouille le signal prix. Ce brouillage du signal prix produit deux effets négatifs : un effet désincitatif sur l’offre avec une baisse de la qualité mais également une manœuvre de sortie de plafonnement difficile (si le gouvernement supprimait soudainement ce plafond alors les prix pourraient exploser soudainement et relancer une période d’inflation). Pour autant, ce blocage des prix pourrait obliger les offreurs à créer de nouveaux produits, ce qui a du bon pour l’économie.

Mot de la fin :

Même si les débats sur les différentes mesures sont nombreuses, seront-elles pour garantir le pouvoir d’achat, la hausse des dépenses publiques (une enveloppe de 20 milliards d’euros pour lutter contre l’inflation) pour financer cette loi, ne va-t-elle pas elle-même provoquer davantage d’inflation, les Français semblent plutôt optimiste quant aux effets positifs de cette loi puisque 80% sont favorables à cette loi et près de 50% considèrent qu’elle aura un effet important sur leur pouvoir d’achat (enquête d’Harris Interactive pour LCI).

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Dorian Feaux