Cet article est le quatrième d’une série d’étude de cinq citations philosophiques aléatoires par semaine. Celles-ci sont choisies selon divers critères. Elles peuvent être méconnues et donc permettre de se démarquer aux concours. Certaines sont intéressantes et méritent un approfondissement. Enfin, d’autres se prêtent à des erreurs d’interprétation qu’il convient de rectifier.
“On ne conduit un peuple qu’en lui montrant l’avenir : un chef est un marchand d’espérance.” Napoléon Bonaparte
Cette citation n’est pas tirée d’un livre précis. Elle est plutôt issue de ses discours et propos rapportés par sources diverses. Cette citation exprime l’idée du dirigeant idéal pour Napoléon. Selon lui, il est essentiel de susciter l’espoir et l’optimisme chez les citoyens en leur montrant un avenir meilleur. Un chef doit inspirer confiance et donner un sens à l’avenir, afin de guider son peuple dans la bonne direction.
On peut certes faire une lecture négative de cette citation, n’y voyant qu’un plaidoyer en faveur de la manipulation du peuple. Toutefois, cela montre aussi que le rôle du dirigeant est de faire preuve d’anticipation, de vision, de persuasion et d’inspiration. Cela doit lui permettre d’amener son peuple dans la bonne direction. Il doit ainsi lui donner la force, l’envie de s’engager, de travailler ensemble vers un objectif commun. C’est donc sur une philosophie de l’espoir que s’appuie la pensée politique de Napoléon. L’espoir se traduit par le sentiment le plus positif. Il nous donne la confiance qui nous pousse à agir. L’espoir ne va pas seul, mais il est souvent accompagné de crainte. C’est justement sur cette crainte de l’avenir que peut s’appuyer le chef pour gouverner son peuple.
Napoléon, l’idéal machiavélien
On peut rapprocher cette citation de la philosophie machiavélienne. En effet, dans “Le Prince”, Machiavel met en avant la nécessité pour le prince de cultiver l’art de la manipulation et de la persuasion pour conduire le peuple. Un bon leader doit être capable de jouer sur les espoirs et les craintes du peuple pour le maintenir sous son joug. Napoléon Bonaparte, en dehors de cette seule citation, partage entièrement cette conception, faisant parfois même allusion à sa pensée. “Je sais, quand il le faut, quitter la peau du lion pour prendre celle du renard.”
“La République c’est le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir sa part de souveraineté.” Jaurès
Cette citation de Jaurès fut prononcée le 23 août 1892, lors de la campagne électorale de 1893. Jaurès est alors âgé de 24 ans et se présente pour la première fois sous les couleurs du Parti ouvrier français (POF). A cette époque, Jaurès est un jeune professeur agrégé de philosophie, peu connu du grand public. Il est parvenu à mobiliser les ouvriers et les paysans du Tarn autour de son programme socialiste. Malgré une défaite face au député sortant, Jaurès obtint un score honorable et gagne en notoriété dans le milieu socialiste.
Dans ce discours, Jaurès soutient que la République est fondée sur l’idée que chaque citoyen a droit à sa part de souveraineté. Autrement dit, chaque personne doit avoir une voix dans les décisions qui affectent la communauté dans son ensemble. C’est également l’idée d’une République laïque qui est exprimée ici, Jaurès ne faisant aucune distinction de croyances religieuses. Il lui faudra attendre 1905 pour voir cette République apparaître. Par ailleurs, selon Jaurès, la souveraineté populaire est le fondement de la République, et cette souveraineté doit être partagée de manière égale entre tous les citoyens, sans distinction.
Cette citation illustre certes une vision particulière de la République, régime politique idéal pour de nombreux philosophes. Jaurès insiste sur le caractère démocratique de celle-ci. En ce sens, cette citation illustre la vision socialiste de l’époque. En effet, pour les socialistes de l’époque, la République devait être le régime politique qui permet à tous les citoyens de s’émanciper, en leur garantissant des droits politiques, sociaux et économiques égaux. La République est ainsi considérée comme l’aboutissement de la lutte pour l’égalité et la justice sociale.
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“Tu reconnaîtras un devoir à ce que d’abord il n’est pas à toi de le choisir.” Saint-Exupéry
Cette citation est extraite du livre “Terre des hommes” d’Antoine de Saint-Exupéry, publié en 1939. Ce dernier y évoque son expérience de pilote d’avion lors de vols postaux dans les années 1930. La citation met en question l’idée que les devoirs sont par nature imposés par les circonstances et les exigences de la vie. Elle souligne de même l’importance de répondre à ces devoirs, une fois ceux-ci reconnus. Même s’ils peuvent sembler difficiles ou contraignants, il ne faut pas les choisir à la légère ou les fuir par peur ou par paresse. Cette citation souligne que le choix n’appartient pas à la catégorie du devoir. Le devoir s’impose, indépendamment de notre volonté ou de notre choix personnel. Il transcende l’individu. Ainsi, Saint-Exupéry contribue à mieux définir l’idée de devoir. Il souligne que c’est quelque chose qui doit être accompli, peu importe nos préférences ou désirs personnels. Le devoir est une exigence morale qui s’impose à nous.
“C’est à la condition de masquer une part importante de lui-même que le pouvoir est tolérable.” Foucault
Citation issue de l’ouvrage “La volonté de savoir” (1976) écrit par Michel Foucault. Dans ce livre, Foucault s’intéresse aux mécanismes de pouvoir et de domination dans les sociétés modernes, en particulier dans le domaine de la sexualité. Il suggère ici que le pouvoir n’est acceptable que s’il est dissimulé d’une certaine manière. En particulier, ce pouvoir doit impliquer la coercition. Autrement dit, le pouvoir ne peut pas être accepté que s’il est présenté comme étant légitime et justifié, même s’il implique des formes de domination ou de contrôle.
Cette citation met en évidence la façon dont le pouvoir fonctionne dans les sociétés modernes. Elle souligne aussi la nécessité de prendre en compte les aspects cachés ou dissimulés du pouvoir dans nos relations sociales et politiques. On peut faire un lien avec le panoptique, imaginé par Bentham et développé par Foucault, pour illustrer cette idée.
Le panoptique, un pouvoir caché
L’idée du panoptique est de créer un dispositif de surveillance où le gardien peut voir sans être vu. La construction circulaire comporte une tour centrale permettant de voir tous les prisonniers. Ces derniers ne peuvent pas voir le gardien, mais savent qu’ils sont surveillés en permanence. Cela crée un sentiment d’autosurveillance et d’auto-contrôle permanent, qui permet de maintenir l’ordre sans recours à la violence physique.
A travers cette citation, c’est aussi l’idée que le pouvoir disciplinaire n’a pas besoin d’être visible ou oppressant pour fonctionner. Le simple fait de savoir que l’on est surveillé suffit à induire une soumission docile et à créer un pouvoir caché, mais omniprésent. Ce pouvoir peut prendre une multitude de formes : économique, médiatique, culturelle, etc.
En somme, la citation de Foucault invite à une réflexion critique sur les différentes formes de pouvoir qui s’exercent sur les individus. Il insiste également sur l’importance de prendre conscience de ses pouvoirs pour mieux les comprendre et mieux les combattre.
“Souffrir de la solitude est mauvais signe, je n’ai jamais souffert que de la multitude.” Nietzsche
Cette citation se trouve dans “Ainsi parlait Zarathoustra” (1883). Nietzsche y développe son concept de surhomme, qui doit être capable de se libérer des conventions sociales et des croyances traditionnelles pour atteindre une forme de transcendance. La citation en question reflète l’idée que la solitude peut être préférable à la compagnie de personnes. Plus particulièrement, celle-ci vaut mieux que la compagnie de personnes qui ne partagent pas les mêmes valeurs ou les mêmes inspirations.
Pour Nietzsche, la multitude peut représenter la médiocrité, la banalité, la moyenne. Au contraire, la solitude offre l’opportunité de se concentrer sur ses propres idéaux et permet de se libérer des influences extérieures. Cependant, cela ne signifie pas l’isolement total. Nietzsche valorise également l’amitié et l’amour comme des liens authentiques qui peuvent nourrir l’âme de l’individu.
Il est difficile de lier directement cette citation avec la vie personnelle de Nietzsche. Ce dernier est quand même connu pour avoir mené une vie solitaire et pour avoir eu des relations difficiles avec les autres. Cette citation reflète l’importance que Nietzsche accordait à l’indépendance de la pensée et la nécessité de se distancer avec les idées reçues de la société. Nietzsche a souvent critiqué les mouvements de masses et les valeurs conventionnelles. En ce sens, on peut voir ici l’expression de sa philosophie de vie, dans laquelle la solitude est préférable à la conformité aveugle.