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Des tensions de genre en Corée du Sud

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La Corée du Sud, un pays souvent salué pour ses avancées technologiques et son dynamisme économique, se trouve aujourd’hui au cœur d’un conflit sociétal intense. Celui-ci est marqué par une montée en puissance des tensions entre mouvements féministes et antiféministes. Ce conflit, qui dépasse les simples enjeux de droits des femmes, menace de diviser la société sud-coréenne de manière durable.

 

L’antiféminisme, un levier politique en Corée du Sud

En Corée du Sud, l’antiféminisme a progressivement pris une place centrale dans le débat public. Cette montée de l’antiféminisme est largement alimentée par un sentiment de frustration économique et sociale parmi les jeunes hommes. Dans un contexte où l’économie sud-coréenne stagne, les opportunités d’emploi se raréfient, et la concurrence sur le marché du travail est de plus en plus féroce. De nombreux hommes estiment que les politiques en faveur de l’égalité des sexes les désavantagent. Ils perçoivent les initiatives féministes, telles que les quotas de genre dans les entreprises ou les programmes d’incitation à l’embauche des femmes, comme une forme de discrimination inversée qui aggrave leur situation.

Ce ressentiment est habilement exploité par certains partis politiques, notamment ceux de la droite conservatrice. Lors des élections législatives et présidentielles récentes, l’antiféminisme est devenu un thème de campagne majeur. Le président Yoon Suk-yeol, par exemple, a promis de supprimer le ministère de l’Égalité des sexes.

Par ailleurs, les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans la propagation de l’antiféminisme. Des plateformes comme YouTube, Naver et Kakao sont devenues des lieux où les discours antiféministes se multiplient et se radicalisent. 

 

Les conséquences de la guerre des sexes en Corée du Sud

Face à cette montée de l’antiféminisme, certaines branches du féminisme sud-coréen ont adopté des positions de plus en plus radicales. Le mouvement « 4B » en est un exemple emblématique. Ce collectif prône le rejet total des hommes dans les relations personnelles et sexuelles. Le mouvement « 4B » trouve son origine dans une volonté de résister à une société perçue comme profondément patriarcale et injuste.

La guerre des sexes en Corée du Sud a des répercussions profondes sur l’ensemble de la société. Le débat public est de plus en plus polarisé autour des questions de genre, créant un climat de méfiance et de division. Les initiatives pour promouvoir l’égalité des sexes, qui devraient être perçues comme des progrès, sont souvent interprétées comme des menaces par une partie de la population. Les jeunes générations, en particulier, sont prises entre deux feux, ce qui pourrait avoir des répercussions sur leur engagement politique et social futur.

 

Les inégalités de genre en Corée du Sud persistent

En dépit des progrès réalisés, la Corée du Sud reste l’un des pays de l’OCDE où l’écart de salaire entre les sexes est le plus prononcé. Selon l’OCDE, en 2023, les femmes sud-coréennes gagnent en moyenne 31 % de moins que les hommes pour un travail équivalent. Cette différence est en grande partie due à la concentration des femmes dans des emplois précaires et moins bien rémunérés, ainsi qu’à leur sous-représentation dans les postes de direction.

Par exemple, les femmes sud-coréennes subissent une pression sociale intense pour se conformer à des rôles de genre traditionnels, en particulier après le mariage. Nombre d’entre elles sont contraintes de quitter leur emploi après avoir eu des enfants, en raison du manque de soutien pour équilibrer carrière et vie familiale. Cette situation est aggravée par la culture d’entreprise sud-coréenne, qui valorise les longues heures de travail, rendant difficile la conciliation des responsabilités professionnelles et domestiques. Le résultat est un taux de participation des femmes au marché du travail relativement faible, surtout après le mariage.

Nous pouvons ajouter que la représentation des femmes en politique reste faible en Corée du Sud. Lors des élections législatives de 2020, seulement 19 % des sièges à l’Assemblée nationale étaient occupés par des femmes. Cette sous-représentation limite l’influence des femmes dans la prise de décisions politiques, et contribue à maintenir un statu quo où les questions de genre sont souvent reléguées au second plan.

 

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La situation actuelle en Corée du Sud illustre de manière frappante comment des tensions sous- jacentes peuvent influencer profondément la dynamique politique et sociale d’un pays. Récemment, la Corée du Sud a également été confrontée à une augmentation des cas de pornographie de vengeance (“revenge porn”). Des images ou vidéos intimes sont diffusées sans le consentement des personnes concernées. Cette pratique a des effets dévastateurs sur les victimes, principalement des femmes, et met en lumière les lacunes des lois et des mesures de protection. La Corée du Sud a la capacité et la responsabilité de surmonter ces défis pour offrir un avenir où chacun, indépendamment de son genre, puisse s’épanouir pleinement.

 

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Nadia Saidi
Etudiante à Rennes School of Business après 2 années en ECS, j'ai pour objectif de partager ma passion pour la géopolitique et l'espagnol aux étudiants de classe prépa