Le terme de croissance, qui décore de façon systématique les discours économiques, a des racines plus profondes que son utilisation moderne ne le suggère. Souvent simplifiée en une simple augmentation du PIB – le Produit Intérieur Brut, la croissance est en fait un terme plus complexe qui mérite d’être défini en détail. Pour comprendre le concept de croissance, il est nécessaire de retracer et de définir son origine étymologique, ses multiples interprétations basées sur divers contextes et les éléments de son domaine d’étude interreliés.
Étymologie et analyse du concept
Le terme “croissance” dérive du latin crescere, ce qui signifie “croître” ou “se développer”. À l’origine, la croissance était utilisée pour désigner un processus de la nature, un état naturel de maturité et un développement lent mais continu jusque vers un état plus complet. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le terme est utilisé dans le domaine économique, influencé par les physiocrates pour qui la croissance était un phénomène presque agricole. Ainsi, la croissance était la croissance de la production de moyens de subsistance pour la société. Cependant, l’économie classique du XIXe siècle est allé plus loin que les économistes du XVIIIe siècle. Un érudit comme Adam Smith a parlé de la croissance économique en se référant à une vision du monde plus holistique, englobant la production industrielle et le commerce international.
Actuellement, la croissance en tant que processus se mesure simplement tant par le PIB, ou le produit national brut. Cependant, il existe plusieurs dimensions de ce processus. Tout d’abord, c’est ce que l’on appelle la croissance quantitative, ou il est possible de voir une simple augmentation de la quantité produits. Deuxièmement, il s’agit de la croissance qualitative, où les qualités des biens et des services offerts s’améliorent. Nicholas Georgescu-Roegen a défié ce processus de croissance infinie dans un monde fini.
Lire plus : La thèse de Nicholas Georgescu-Roegen un peu plus en détail
Démonstration mathématique
La croissance économique peut être formellement représentée par des équations mathématiques simples, telles que l’équation de Cobb-Douglas, qui exprime la production en fonction du capital (K) et du travail (L) :
Y = A × Kα × L1−α
Où :
- Y est la production,
- A est un facteur de productivité,
- K est le capital,
- L est le travail,
- α est l’élasticité du capital par rapport à la production.
Cette équation démontre que la croissance dépend de l’ampleur des ressources utilisées, le travail et le capital, ainsi que de l’efficacité de leur application – la productivité. Comme Solow l’a montré dans son modèle simplifié de croissance exogène, la croissance à long terme n’est réalisée que par le progrès technologique, car des rendements décroissants de la combinaison du capital et du travail empêchent de poursuivre l’expansion économique.
En effet, cela implique une réflexion plus profonde sur la croissance exempte de ce que l’on appelle la «cubabilité». Autrement dit, les concepts qui ont été développés plus tard par des économistes tels que Kenneth Boulding et Herman Daly, plaçant l’accent sur la nécessité de garder un équilibre entre la demande économique et les possibilités écologiques de la Terre. Ainsi, l’équation de Cobb-Douglas, bien que très utile, ignore complètement ces considérations environnementales. En fait, lorsqu’on ajoute une ressource naturelle notée à l’équation de production, on en tire:
Y= A × Kα × Lβ × N1−α−β
Cette forme montre que la production dépend non seulement du capital et du travail, mais aussi de la disponibilité des ressources naturelles, mettant en lumière les limites physiques de la croissance.
Citation punchy
« La croissance est devenue une religion, avec ses prêtres et ses fidèles, mais elle n’est qu’un mythe moderne. » – Serge Latouche, Le Pari de la décroissance (2006).
Le meilleur exemple de cette critique est peut-être l’île de Nauru.
Nauru est une petite île du Pacifique dans l’ouest de l’Australie, qui a été l’un des pays les plus riches du monde par le passé à cause de son abondance de phosphate. Dans les années 1970, le PIB par habitant de Nauru équivalait à celui de pays développés. Néanmoins, le pays avait atteint ce niveau de développement en prélevant du phosphate de manière non systématique, et aujourd’hui, il est l’un des pays les plus pauvres du monde qui ne survit que grâce à l’aide humanitaire internationale. Pour Latouche, l’exemple de l’île de Nauru prouve sa thèse : la croissance illimitée et basée sur l’extraction massive des ressources conduira à une impasse.
En fait, 80% de l’île de Nauru est devenue inhabitable en raison de l’exploitation du phosphate. L’exemple de Nauru montre comment une croissance économique insoutenable mène à l’échec et prouve que la croissance est le “mythe moderne” dont l’auteur parle.
Lire plus : La bonne définition de “crise environnementale”
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