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Les réseaux sociaux, au cœur de la géopolitique mondiale

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Après la panne de Facebook et de ses services (Instagram et WhatsApp) survenu le lundi 4 octobre, la lanceuse d’alerte Frances Haugen a comparé Facebook à « l’industrie du tabac » devant le Congrès américain. Elle incite en outre, le gouvernement à réguler ce réseau social. En effet, en 2021, 53,6% de la population mondiale est présente sur les réseaux sociaux à tel point qu’ils sont devenus un sujet géopolitique majeur. Car, bien qu’ils soient un outil indéniable du soft power, leur puissance interroge sur leur régulation et sur la protection de nos données.

 

Les réseaux sociaux, outils de soft power pour les États

L’histoire des réseaux sociaux est plus récente que celle d’Internet : elle commence en 1997 avec l’apparition aux États-Unis du premier réseau social, nommé Sixdegrees.com. Puis, les géants que nous connaissons tous, apparaissent dans les années suivantes : 2004 pour Facebook, 2005 pour YouTube et LinkedIn ou encore 2006 pour Twitter. Et, ce sont justement ces plateformes américaines qui cumulent aujourd’hui le plus d’utilisateurs à travers le monde avec par exemple, pas moins de 2,7 milliards d’utilisateurs pour Facebook. Les réseaux sociaux américains participent alors au soft power des États-Unis en partageant la culture quotidienne américaine à l’ensemble de la planète, comme ce fut le cas lors des printemps arabes en diffusant de manière considérable les valeurs de liberté et de démocratie dans le monde.

Toutefois, il y a des territoires où ces derniers ne sont pas présents. Cela peut à la fois être pour des raisons techniques (à l’image du continent africain), mais également pour des raisons politiques. Par exemple, la Chine contrôle tout ce qui circule sur Internet et bloque aux citoyens chinois l’usage de tous les réseaux sociaux américains. En effet, les réseaux sociaux font pleinement partis de la rivalité sino-américaine, ce pourquoi la Chine développe d’ailleurs ses propres systèmes pour concurrencer ceux américains. WeChat, développé par le géant chinois Tencent, est ainsi très populaire en Chine et également en dehors (notamment en Inde) et cumule à ce jour, autant d’utilisateurs que le géant Instagram (1,2 milliard pour les deux). Quant à TikTok, cette application, développée en 2017 par l’entreprise chinoise ByteDance, elle a connu un succès fulgurant et est, depuis 2018, le réseau social le plus téléchargé au monde.

Dès lors, bien que les réseaux sociaux américains restent nettement dominants par leur puissance sur et au-delà du continent américain, la Chine est le seul pays qui parvient tant bien que mal à concurrencer les réseaux sociaux américains. Alors, que ce soit pour les États-Unis ou pour la Chine, les réseaux sociaux sont un élément incontournable de leur soft power. Et, ils font d’ailleurs partie intégrante de la diplomatie digitale des États-Unis : le département d’État américain affiche 2,6 millions de followers sur Twitter.

 

Ces acteurs deviennent de plus en plus puissants

Les réseaux sociaux, bien que participants au soft power de leur État, deviennent parfois trop puissants au point de ne plus être un atout mais un désavantage pour les États. À l’origine, les GAFAM étaient le symbole d’une réussite à la fois technique et entrepreneuriale et contribuaient à l’influence des États-Unis sur le web. Mais petit à petit, ces derniers sont devenus de plus en plus puissants, si bien que leur capitalisation boursière a dépassé celle des quarante sociétés françaises du CAC 40. Et, cette puissance sans précédent, a contribué à mettre en péril la vie démocratique américaine. Ce fut notamment le cas lors de l’élection présidentielle en 2016 avec le scandale Cambridge Analytica, où des données personnelles de comptes Facebook de dizaine de millions d’Américains avaient été subtilisées, au profit de Donald Trump.

Les réseaux sociaux américains s’immiscent par ailleurs, dans la vie politique de leur pays de manière récurrente. D’une part, cela a lieu pour la politique intérieure de leur pays, comme en janvier 2021 où Twitter a pris la décision historique de suspendre le compte de Donald Trump afin de l’empêcher de mettre en péril la démocratie américaine, au moment où ses partisans envahissaient le Capitole. D’autre part, cela a également lieu pour la politique étrangère de leur pays, avec par exemple Twitter qui, en mars 2021, a supprimé des comptes qui « ont sapé la foi en l’OTAN », soupçonnant d’ailleurs ces comptes d’avoir des liens avec la Russie, l’Arménie ou l’Iran.

Ainsi, ces évènements ont été comme un coup de tonnerre, une prise de conscience du pouvoir détenu par les géants du numérique. C’est pourquoi, la Chine a décidé à l’été 2021, de reprendre en mains les géants de la Tech chinoise en limitant leur puissance et leur influence pour qu’il n’advienne pas la même chose qu’aux États-Unis.

Comment les réguler ?

Au vu de la puissance des GAFAM, les États-Unis, longtemps pionniers et leaders dans le domaine numérique, sont aujourd’hui en plein débat sur les enjeux de régulation. C’est pourquoi, l’administration Biden s’est saisie d’un projet de nouvelle législation sur la régulation des grandes plateformes et la protection des données personnelles, s’inspirant du modèle européen. En effet, l’Union européenne serait une puissance normative, voire un vrai « laboratoire de la gouvernance mondiale » selon Alain Lamassoure. Elle a adopté en mai 2018, le Règlement général sur la Protection des Données (RGPD) qui encadre le traitement des données personnelles sur le territoire de l’Union européenne.

Toutefois, Facebook édicte ses propres règles de fonctionnement et échappe partiellement aux règles communes telles que le RGPD. Cela arrangerait le réseau social américain qui, aux dires de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, choisit le « profit à la sureté ». Si bien que, Facebook supprimerait les filtres liés aux fake news en dehors des périodes d’élections américaines et n’aurait que faire des complexes ou des addictions que ses applications peuvent susciter chez les jeunes. Ainsi, il convient de réguler Facebook, surtout que selon la porte-parole de Joe Biden, Jen Psaki, l’entreprise américaine « ne sait pas se réguler elle-même ».

Les sujets sur lesquels vous pouvez utiliser cet article en dissertation

  • Les sujets sur les technologies et le cyberespace. Exemple de sujet de concours : La recherche et les nouvelles technologies introduisent-elles de nouveaux rapports de force mondiaux ? (Ecricome 2020).

Lire plus : La recherche et les nouvelles technologies introduisent-elles de nouveaux rapports de force mondiaux ?

  • Les sujets sur les espaces communs. Exemple de sujet de concours : La maîtrise des espaces communs (maritime, aérien, extra-atmosphérique et numérique), enjeu de puissance par les États depuis 1945 (ESSEC 2021).

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Une œuvre pour faire la différence

Philippe Boulanger, Planète médias – Géopolitique des réseaux et de l’influence. À la fois outil d’influence, de contrôle et de domination, les réseaux sociaux jouent aujourd’hui un rôle incontournable sur la scène géopolitique mondiale. Le soft power des réseaux sociaux constitue en effet une grille de lecture décisive pour comprendre les mutations et les évolutions contemporaines.

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Matthieu Zuili
Étudiant en première année à NEOMA Reims, j'ai à coeur de vous partager ma passion pour la géopolitique et de vous donner les clés pour réussir dans cette matière.