Les métropoles au coeur de la mondialisation
L’historien économiste Paul BAIROCH analyse les rapports entre les villes et la vie économique à travers son ouvrage Jéricho à Mexico. Villes et économie dans l’histoire (1985). Nombreuses sont les questions posées : l’urbanisation favorise-t-elle les innovations ? Est-elle un atout ou un handicap pour le développement ? Ceci révèle l’importance et l’amplification du phénomène d’urbanisation.
Au XXe siècle, la population urbaine mondiale a explosé. En effet, au début du XXe siècle seulement 15% de la population mondialeétait urbaine. Dès 1950, la population urbaine représente 30% de la population mondiale et atteint, en 2014, plus de 54% de la population mondiale.
Cette forte augmentation de la population urbaine s’explique par une dynamique de métropolisation. La métropolisation désigne le mouvement de concentration de populations, d’activités, de valeur dans des ensembles urbains de grande taille. Cette métropolisation est fortement liée à la mondialisation.
Typologies des villes à l’échelle mondiale :
> La métropole désigne un ensemble urbain de grande importance qui exerce des fonctions de commandement, d’organisation et d’impulsion sur une région et qui permet son intégration avec le reste du monde.
> La mégapole est quant à elle une métropole qui comporte plus de 10 millions d’habitants. Selon les Nations Unies, le monde comportait en 2014 28 mégapoles, dont 16 en Asie, 4 en Amérique latine, 3 en Afrique et en Europe et 2 en Amérique du Nord. Ces mégapoles regroupent à elles-seules 453 millions d’habitants, soit 12 % de la population urbaine mondiale.
> Jean GOTTMANN dans son ouvrage Megalopolis, The Urbanized Northeastern Seaboard of the United States (1961) propose un nouveau concept, celui de la mégalopole. Cette dernière est un ensemble de très grandes agglomérations dont les zones périurbaines finissent par se rejoindre. Elle comporte plusieurs dizaines de millions d’habitants sur une étendue pouvant atteindre plusieurs centaines de kilomètres de long. Les différentes agglomérations de la mégalopole sont reliées entre elles par un important réseau de communication. Jean GOTTMANN définit la “Mégalopolis” par la région urbaine s’étendant entre l’agglomération de Boston et la conurbation Baltimore-Washington. Cet ensemble urbain s’étale sur plus de 800 km du nord au sud, avec une population estimée à quelque 65 ou 70 millions d’habitants.
Deux autres mégalopoles ont été indentifiées :
- La dorsale européenne reliant Londres à Milan en passant par la Randstadt (Pays-Bas), le Bénélux et le bassin du Rhin-Ruhr (Allemagne).
- La mégalopole du Japon (Tokaïdo) de Tokyo, à l’Est, à Fukuoka, à l’Ouest, avec Nagoya, Osaka, Kobé et Kyoto.
Ainsi, quel est le rôle des métropoles au cœur de la mondialisation ?
En tant que véritable centre de la mondialisation, les métropoles ont un rôle primordial au sein de cette dernière.
Les métropoles, relais de la mondialisation
Les métropoles sont les cœurs économiques de la mondialisation. En effet, le top 30 des métropoles européennes concentre 1/3 du PIB européen. Les métropoles sont également des pôles d’attractivité. Par exemple, Helsinki, capitale de la Finlande, concentre ¾ des IDE du pays.
De plus, les métropoles sont des pôles d’innovation. Nous pouvons prendre l’exemple indien de Bangalore et Hyberdabad qui sont de véritables capitales technologiques de l’Inde. Ces métropoles accueillent de nombreux centres de R&D de firmes étrangères, comme Google, HP, IBM.
Les métropoles sont également le lieu de formation des élites et des futurs acteurs de la mondialisation. Les universités mondialement reconnues participent au « soft power » métropolitain.
Les métropoles sont des lieux touristiques grâce à leurs infrastructures performantes. Les métropoles les plus visitées au monde sont Bangkok, Londres, Paris et Dubaï. Ce tourisme peut aussi être « sportif » : coupes du monde de football, Jeux Olympiques. En effet, les métropoles deviennent des marques comme « Paris 2024 ».
Les métropoles, miroir de la mondialisation
Tout comme la mondialisation, les métropoles se caractérisent par une dynamique de mobilité.
Tout d’abord, l’exode rural a permis l’accroissement des métropoles. Il désigne le déplacement durable de populations quittant les zones rurales pour aller s’implanter dans des zones urbaines. Par exemple, dans les années 1980, 4 chinois sur 5 vivaient dans les campagnes alors qu’en 2012, plus de la moitié de la population chinoise est urbaine.
Les migrations pendulaires font également partie intégrante des métropoles. Ces dernières représentent les allers-retours quotidiens des gens entre leur travail et leur domicile, à des heures régulières. Elles sont fréquentes dans les agglomérations urbaines où la plupart des gens habitent en banlieue mais travaillent au centre.
Les métropoles peuvent aussi apparaître comme les lieux de crise de la mondialisation.
L’insécurité est présente dans de nombreuses métropoles. Par exemple, la violence est omniprésente à Mexico, engagé dans la lutte contre les cartels.
Les métropoles sont aussi les vitrines des inégalités sociales. En effet, 200 000 bidonvilles sont présents dans les grandes métropoles mondiales en 2007.
De même, les métropoles sont des centres de pollution. Par exemple, en 2010, 1 million de Chinois seraient morts de la pollution.
Les métropoles : centres et périphéries de la mondialisation
Olivier DOLLFUS invente en 1996 la notion d’Archipel Métropolitain Mondial (ou AMM) pour désigner le réseau qui lie les grandes métropoles, les villes mondiales et les mégalopoles à l’échelle mondiale.
Les villes « globales »
Qu’est-ce qu’une ville « globale » ? Ce terme est utilisé pour la première fois par Saskia SASSEN dans The global city : New-York, London, Tokyo (2001). Saskia SASSEN a par la suite rajouté Paris à cette liste. La ville globale monopolise les fonctions décisionnelles, motrices, dynamiques et innovantes. La ville globale est reconnue pour ses centres économiques et financiers.
Exemple de Tokyo et de sa mégalopole. Tokyo est la ville la plus peuplée au monde avec 38 millions d’habitants. La mégalopole regroupe 80% de la population japonaise et forme un ruban urbain de plus de 1300 km. Tokyo accueille 80 % des sièges sociaux des firmes étrangères, 73 % des banques étrangères, 55 % des sièges sociaux des grandes entreprises japonaises au capital supérieur à 5 milliards de yen et un quart des étudiants universitaires. Cela fait de Tokyo une ville globale selon Saskia SASSEN.
Pour Cynthia GHORRA-GOBIN, les expressions « ville mondiale » et « ville globale » ne sont pas équivalentes. La première qualifierait le rôle historique de la ville, son influence culturelle à long terme, tandis que la seconde désignerait la capacité de la ville à s’insérer dans les flux et les réseaux d’échanges mondialisés.
Les villes mondiales
Les villes mondiales sont très présentes dans les pays émergents : Rio de Janeiro, Mexico, Jakarta, Mumbai etc. Ce sont des villes très peuplées et très bien reliées entre elles : réseaux aériens ou maritimes, réseaux d’information (câbles, satellites). Elles représentent aussi des centres de commandement cruciaux dans leur région.
Les villes mondiales sont des métropoles qui font partie intégrante de l’AMM d’Olivier DOLLFUS et qui tendent à prendre toujours plus de poids : paradoxalement, la « dispersion » de l’économie mondiale permise par la mondialisation accroit toujours plus le poids de ces centres de commandement dits « intermédiaires ». Ces villes coopèrent dans le cadre de l’AMM mais sont aussi concurrentes.
Les métropoles en périphérie de la mondialisation
Certaines métropoles sont d’envergure nationale et régionale, et non internationale. Elles sont connectées aux villes « globales » et mondiales via l’Archipel Métropolitain Mondial. En effet, elles forment les îles de l’archipel et donnent donc tout son sens à cette appellation. Souvent, elles constituent le point d’entrée, qui connecte leur région, voire leur pays, au reste du monde.
Ces petites et moyennes métropoles font l’importance de la mégalopole européenne, comme les métropoles allemandes de la vallée du Rhin : Dusseldorf, Cologne.