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L’accueil des exilés espagnols après la guerre civile (1936-1939)

Sommaire

En juillet 1936 éclate la Guerre d’Espagne, un conflit qui oppose les Républicains (orienté à gauche et extrême gauche) et les nationaliste, les rebelles putschistes (orienté à droite et extrême droite, et menés par le Général Franco).

Cette guerre civile entraînent le départs de près d’un demi-million d’espagnols qui quittent leur pays en guerre pour se réfugier en France. Traversant la frontière des Pyrénées dans des conditions critiques, ils arrivent par vagues nombreuses. C’est la Retirada. Dans cet article, on se penche sur l’accueil fait par la France aux exilés espagnols. 

 

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Rappel du contexte de la guerre civile  

Dès la fin du XIXe siècle, l’Espagne est déchirée par des conflits politiques et sociaux. La proclamation de la Seconde République, qui succède aux dictatures de Primo de Rivera (1923-1930) et de Damaso Berenger (1930-1931), redonne espoir à la société espagnole. Des réformes progressistes sont entreprises par le gouvernements. Cependant, malgré de nombreuses avancées, l’insatisfaction et le mécontentement gronde et menace la République espagnole à peine installée. 

Le 18 juillet 1936 a lieu le soulèvement militaire des nationalistes. Celui-ci sonne le glas de la République, et le début de la guerre civile. Durant le conflit, le camp nationaliste reçoit le soutien des gouvernements d’Hitler et de Mussolini, qui testent leur matériel à travers ce conflit. Ainsi, l’Espagne devient le terrain de confrontations internationales. 

 

Début de l’exode 

Dès le début du conflit, en 1936, les troupes franquistes progressent rapidement à l’intérieur du pays. Deux exodes se mettent en place pour fuir les troupes franquistes : l’exode intérieur de milliers d’Espagnols qui se réfugient en Catalogne et l’exode vers l’extérieur qui poussent des millliers d’espagnols en dehors de leur frontières. De nombreux républicains sont contraints de quitter leurs pays pour se mettre en sécurité. 

Le 26 janvier 1939, Barcelone tombe aux mains du général Franco, ce qui entraîne l’exode de la population catalane vers les frontières françaises. C’est le début de la Retirada. Civils et militaires quittent leur pays dans une grande précipitation, traversant la frontière dans le dénuement le plus complet. 

 

Exilés espagnols : Le gouvernement français dépassé 

Les espagnols, à l’aube de la guerre civile, perçoivent la France comme un pays allié, un pays frère. En traversant la frontière française, les espagnols s’attendent à être reçus par la France comme des alliés.

Seulement, l’accueil dont ils font faire l’objet n’est finalement pas aussi amical que souhaité. 

Geneviève Dreyfus-Armand, spécialiste de l’histoire des migrations espagnoles au XXe siècle, souligne cette grande admiration “des républicains espagnols pour la République française, qu’ils ont forgée dans leur combat pour la République. Les républicains perçoivent la France comme le pays des droits de l’homme. Les Espagnols sont déçus d’être considérés comme des malfaiteurs, des personnes dangereuses et d’être parqués dans des camps, délimités par des barbelés. En février 1939, on retrouve 275 000 hommes dans les camps. Le gouvernement français n’a pas anticipé cet exode massif.”

En effet, la France offre aux réfugiés en accueil mitigé, car mal anticipé. Le gouvernement français avait envisagé un certain afflux, sans penser qu’il prendrait de telles proportions. Les premières vagues de réfugiés affluent dès 1936 et se comptent en plusieurs dizaines de milliers de personnes.

À cette époque-là, la France se trouve encore repliée sur elle-même et particulièrement en proie aux sentiments xénophobes. Ainsi, des décrets sont adoptés par le gouvernement Daladier, dont celui du 12 novembre 1938 qui prévoit par exemple l’internement administratif des étrangers dits “indésirables”. De fait, des troupes militaires sont déployés sur les points de traverse, et à leur arrivée, les espagnols sont fouillés puis envoyés dans des centre d’accueils pour être vaccinés et ravitaillés. 

Ainsi, les réfugiés sont véritablement offusqués de l’accueil que la France leur fait, un accueil méprisant et empreint de suspicion. Des barbelés sont installés autour des camps, et les troupes patrouillent dans les camps pour surveiller les réfugiés, les traitant en prisonniers.

 

Les camps d’internements 

Ces camps, souvent improvisés, furent installés principalement dans le sud de la France, notamment sur les plages de Rivesaltes, Argelès-sur-Mer et Saint-Cyprien. Ces lieux, exposés aux intempéries, manquaient cruellement d’infrastructures, de nourriture et d’hygiène. Les réfugiés, épuisés par des mois de guerre et de fuite, vivaient dans des conditions insalubres, sous des tentes ou à même le sable. Les maladies se propagèrent rapidement.

Dans ces camps, les hommes furent souvent séparés des femmes et des enfants. Beaucoup d’hommes furent utilisés comme main-d’œuvre pour des travaux publics ou internés dans des camps plus stricts comme celui du Vernet. Certains réfugiés furent enrôlés dans des compagnies de travailleurs étrangers pour participer à l’effort de guerre en France ou envoyés dans des usines d’armement.

Malgré ces conditions difficiles, des initiatives solidaires émergèrent. Des associations humanitaires françaises et internationales, ainsi que des réfugiés eux-mêmes, tentèrent d’organiser des secours et des écoles pour les enfants. Cependant, pour beaucoup, ces camps furent synonymes de désespoir et d’humiliation.

Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, la situation des réfugiés se compliqua davantage. Certains furent déportés ou livrés aux autorités franquistes. D’autres, pourtant exilés pour leur engagement républicain, furent à nouveau persécutés, cette fois par l’occupant nazi. Les camps d’internement de la Retirada marquent ainsi un épisode sombre de l’histoire française et espagnole, révélant les limites de l’hospitalité en période de crise.

Le 26 janvier 1939, à la suite de la prise de Barcelone par les franquistes, le gouvernement républicain espagnol demande à la France d’accueillir 150 000 femmes, enfants et vieillards. Ceux-ci sont évacués vers des camps d’hébergements plus ou moins bien équipés. Les hommes valides, quand à eux, sont regroupés dans des camps de “concentration” improvisés sur les plages d’Argelès, du Barcares et Saint Cyprien. Dans ces camps, les conditions sont particulièrement précaires : les hommes dorment à même le sable.

 

Pourquoi cet accueil des exilés espagnols ? 

L’accueil dur et souvent inhumain réservé aux réfugiés espagnols par le gouvernement français en 1939 peut être expliqué par plusieurs facteurs. La France, bien qu’ayant ouvert sa frontière pour des raisons humanitaires et sous la pression internationale, était profondément divisée politiquement, économiquement, et socialement. Cela a pu alimenter une réticence et des politiques répressives envers les exilés.

 

1. Peur du “péril rouge”

Le gouvernement français, dirigé par Édouard Daladier, craignait une contagion des idées révolutionnaires portées par les Républicains espagnols, qui comptaient parmi eux des socialistes, communistes et anarchistes. Dans un contexte de montée du fascisme en Europe et de polarisation politique en France (notamment après le Front populaire), les autorités redoutaient que ces réfugiés ne renforcent les mouvements d’extrême gauche ou provoquent des troubles sociaux.

 

2. Crise économique et montée de la xénophobie

La France, déjà fragilisée par la Grande Dépression des années 1930, connaissait un chômage élevé. L’arrivée massive de 500 000 réfugiés fut perçue comme une menace pour les emplois et les ressources, attisant des sentiments xénophobes dans certaines régions. Les médias et des figures politiques influentes caricaturaient souvent les réfugiés comme des “intrus” ou des “fardeaux”.

 

3. Préparation à la guerre

En 1939, la guerre mondiale se profilait à l’horizon, et le gouvernement français était préoccupé par des enjeux de sécurité nationale. Il voyait les réfugiés, en particulier les hommes, comme une population potentiellement ingérable en cas de conflit. La mise en place de camps d’internement visait ainsi à contrôler cette population et à éviter toute agitation.

 

4. Logistique et impréparation

L’ampleur de l’exode espagnol dépassa largement les capacités logistiques de la France. Les infrastructures nécessaires pour accueillir les réfugiés manquaient cruellement, et les camps improvisés dans le sud furent la solution la plus rapide pour les contenir. Cependant, cela donna lieu à des conditions indignes, comparables à celles d’une détention.

 

Conclusion

En conclusion, l’exode massive des espagnols vers la France à partir de 1936 et jusqu’à son apogée lors de la Retirada de 1939 constitue un épisode délicat de la relation franco-espagnole du fait de la mauvaise anticipation et de la gestion critiquée du gouvernement français. Si la France a permis aux familles espagnoles de se réfugier afin de se mettre en sécurité, cela s’est fait dans des conditions précaires, et dans une atmosphère empreinte de méfiance et parfois de xénophobie. 

 

Lien : Comprendre la guerre civile espagnole à travers le cinéma

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Cindy Moreira