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L’agriculture aux Etats-Unis

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La plus technicisée, productive et exportatrice du monde, un des rares secteur où le pays connait un excédent commercial, une assise territoriale riche et étendue… l’agriculture étatsunienne (agriculture capitaliste) semble loin d’être marginale dans l’économie du pays. Pourtant, seule, l’agriculture représente 1% du PIB et emploi un 1% des actifs ; ce n’est que comptée avec l’industrie agro-alimentaire qu’elle atteint 20% du PIB. On observe donc une nette domination des firmes de l’agrobusiness, symbole d’une agriculture capitaliste innovatrice et compétitive, bénéficiant du soutien étatique. Toutefois, l’agriculture hyperproductive du pays est aussi synonyme d’une détérioration poussée des écosystèmes, à l’origine d’une contestation croissante.

 

Géographie de l’agriculture 

Avec ses 9,8 millions de km², le territoire américain offre une surface agricole utilisée (SAU) immense (37,7% du territoire soit la 3ème SAU du monde derrière l’Australie et la Chine) ainsi que de vastes espaces agricoles en réserve. Auparavant, l’agriculture suivait une spécialisation des terroirs, avec une découpe du territoire en grandes « belts » : la Dairy Belt autour des Grands Lacs, la Corn Belt plus au sud, la Tobacco Belt dans le centre-est, la Cotton Belt dans le sud-est, ou bien encore la Wheat Belt dans les états centraux. Aujourd’hui, les modifications climatiques, les progrès techniques et l’influence de la mondialisation nuancent ce découpage en induisant une logique de diversification, à l’instar du développement de la polyculture dans la Dairy Belt. De même, de nouveaux territoires agricoles émergent, à l’image de la Californie ; absente des belts traditionnelles, elle est aujourd’hui le premier état agricole et le « jardin fruitier » du pays en produisant les 2/3 des fruits et légumes consommés par les américains. La Californie doit cette réussite agricole à son goût pour l’innovation mis au service d’un secteur agronomique dynamique, reliant étroitement ingénieurs et agriculteurs.

 

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La répartition des terres agricoles

Afin d’exploiter cette assise territoriale généreuse, le secteur agricole emploie 6,2 millions d’actifs répartis dans 2,04 millions d’exploitations. S’il convient de souligner que la taille moyenne des exploitations (175 hectares) est dix fois supérieure à la moyenne européenne, la forme et la taille de ces exploitations varient d’une région à l’autre. On observe ainsi trois types de structures agricoles dans le pays. En premier lieu, les petites et moyennes exploitations familiales (« family farming ») au nombre de 1,895 millions. Malgré leur petite taille ne dépassant pas les 20 hectares, elles couvrent les 2/3 de la SAU du pays. Peu productives, ces exploitations sont souvent confrontées à des problèmes structurels et à un endettement croissant ; c’est pourquoi certaines d’entre elles s’efforcent de créer des partenariats avec les grandes firmes du secteur agroalimentaire, ou de se réunir en coopératives parfois très puissantes, comme CHS (32 milliards de chiffre d’affaires). Enfin, si leur poids économique est relativement faible, ces exploitations modestes jouent un rôle crucial dans l’occupation et l’aménagement du territoire américain. En second lieu viennent les exploitations familiales de grande taille au nombre de 219000 et à la productivité importante. En dernier lieu, les 58000 exploitations de l’agro-business ou « corporate farming ». Certes bien moins nombreuses, elles dominent pourtant largement la production agricole du pays en volume et en valeur, en concentrant leur production dans certains secteurs comme le poulet, les œufs, l’engraissement des bovins et les fruits ou les légumes (mais très peu dans les céréales ou les oléagineux).

 

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L’agro-business

Le secteur de l’agro-business domine donc le secteur agricole aux Etats-Unis, et est l’incarnation du modèle capitaliste américain ; il convient en ce sens de rappeler que le paradigme fordiste est né dans les abattoirs bovins de Chicago. L’agro-business s’intègre dans un système amont-aval complexe aux côtés des l’industrie mécanique, chimique mais aussi des services. En amont, la production est hyperconcentrée et oligopolistique : les ¾ des exploitations ne fournissent que 10% de la production totale, alors qu’un cluster de 5 firmes en contrôle 50% : PepsiCo, Arthur Daniels Midland, Bunge, Tyson et Cargill – la plus puissante, avec un chiffre d’affaires de 113 milliards de dollars. De surcroît, l’agro-business est très financiarisé : les firmes sont cotées à la bourse de Chicago (CBOT-CME) et spéculent sur les cours des produits agricoles à l’aide de produits financiers complexes (futures…). Cette domination oligopolistique de l’agriculture américaine est liée à l’hyperproductivité de ces firmes qui s’appuient sur la recherche scientifique (laboratoires, universités…) pour augmenter la mécanisation de leurs exploitations et pour intensifier leur production à l’aide d’intrants et de fongicides (95% des plants de coton sont traités au glyphosate, 40% du maïs est issus d’OGM, comme 75% du soja…). Là encore, le marché de l’agro-chimie est aux mains d’un petit groupe de firmes omnipotentes, à l’instar du leader national Monsanto (racheté par Bayer en 2018). Enfin, en aval se trouvent les chaînes de production et de distribution, certes soumises à des normes de qualité mais aboutissant souvent sur des produits alimentaires très transformés.
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Auriane Ducherpozat