L’Assommoir, publié en 1877, est une œuvre naturaliste dans laquelle on suit le destin d’une blanchisseuse confrontée à l’injustice sociale et à la brutalité du monde ouvrier.
Emile Zola, un auteur engagé
Avant de commenter cette œuvre, il est essentiel d’avoir un aperçu de la biographie d’Emile Zola. Né en 1840 et décédé en 1902, il a été l’un des auteurs les plus influents du XIXe siècle. Il a entre autres fondé le naturalisme, mouvement littéraire qui vise à décrire la réalité de manière objective et détaillée. La série des Rougons-Macquart, qui comporte 20 romans, est son œuvre principale. Elle aborde des thématiques comme l’influence que peuvent avoir l’hérédité et l’environnement sur les individus.
Résumé de L’Assommoir
L’action se déroule à Paris, dans le quartier populaire de la Goutte-d’Or. On suit le quotidien de Gervaise Macquart, une blanchisseuse. Elle a été abandonnée par son mari, Lantier, et est donc obligée de s’occuper seule de ses deux enfants. Elle travaille d’arrache-pied pour leur assurer un confort de vie. Grâce à sa persévérance, elle arrive à ouvrir sa propre blanchisserie.
Elle fait la rencontre de Coupeau, un ouvrier, avec qui elle finit par se marier. Cependant, après leur mariage, leur situation empire. En effet, Coupeau se casse une jambe lors d’une journée de travail. Il est donc contraint de rester à la maison, où il ne fait plus rien de ses journées et devient alcoolique. Gervaise est donc obligée de travailler deux fois plus pour compenser la perte de revenus de son mari. La fatigue intense qu’elle ressent la fait également sombrer peu à peu dans l’alcoolisme. La santé du couple se dégrade et leurs enfants finissent par les abandonner. Coupeau meurt à 40 ans à cause de l’alcool. Gervaise connaîtra le même sort quelques mois plus tard.
Une œuvre qui illustre la misère sociale et la condition ouvrière
L’alcool, source de cette misère sociale
A travers ce roman, Zola cherche à démontrer au lecteur que les personnages sont le produit du milieu dans lequel ils évoluent. Par exemple, la fin tragique que connaissent Gervaise et Coupeau est la conséquence de l’environnement dans lequel ils ont vécu. Le roman emploie plusieurs métaphores animales. En effet, des disputes éclatent au cours du roman. Pendant l’une d’entre elles, il est précisé que les ouvriers “se chamaillaient comme des chiens, se mordant, se griffant, dans un fracas de vaisselle brisée”. A force d’être exploités et de vivre dans des conditions misérables, les personnages finissent par craquer et cèdent à la tentation de la violence. Ces comportements irrationnels s’expliquent par la pression quotidienne qu’ils doivent subir, mais aussi par l’alcool, qui est un des thèmes centraux de l’œuvre.
La seule signification du titre du roman fait référence aux conséquences désastreuses de l’alcool sur les classes sociales les plus basses. De fait, l’assommoir désigne le lieu où se vend l’alcool. Mais c’est aussi une allusion aux effets de cette boisson qui assomme ceux qui la boivent et les empêche de sortir de leur condition misérable.
Gervaise, une héroïne condamnée par la place qu’elle occupe dans la société
A la fin du roman, Gervaise est retrouvée morte dans une niche sous un escalier. Cette puissante image de fin incarne l’impuissance, la vanité de la lutte d’une femme face à ce milieu qui l’écrase et la domine. Il y a donc un fort contraste avec le début du récit. Elle y est présentée comme une jeune fille qui déborde d’ambition et a l’espoir d’un futur meilleur. Elle rêve de s’installer à son compte et met tout en place pour atteindre cet objectif, quitte à travailler encore plus qu’avant. Cependant, elle se retrouve rattrapée par sa condition. Elle se rend peu à peu compte que certains facteurs la retiennent piégés dans cet assommoir, où les hommes sont transformés en bêtes. Gervaise ressent un désespoir grandissant face à cette situation. En effet, un peu avant sa mort, “elle contemplait la machine à saoûler, en sentant que son malheur venait de là”. Elle identifie donc clairement la source du problème. L’alcool a détruit sa famille, ses aspirations, son envie de lutter pour un changement radical dans sa vie.
Il est possible de pousser la réflexion plus loin, en s’intéressant à la constitution du “moi”. Ceci se réfère à la manière dont l’individu va développer, au cours de sa vie, son caractère et ses traits de personnalité. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir un cadre auquel se raccrocher, un espace que l’on considère comme un lieu sûr, un chez-soi. Lorsque cet espace rassurant est perdu, la déstabilisation et la folie se manifestent.
Dans le cas de Gervaise, on peut remarquer qu’elle se replie progressivement sur elle-même. Elle devient amorphe, sa personnalité forte du début disparaît, réduite à néant par la pauvreté et l’alcool. L’héroïne finit par perdre son logement et meurt abandonnée de tous, dans cet espace minuscule, presque absurde, qu’est la cage d’escalier. En perdant son logement, elle perd donc le lieu qui lui permettait de s’affirmer dans son individualité, d’avoir un repère dans ce monde où les seuls mots d’ordre sont le chaos et la brutalité.
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