Alors que le secteur immobilier en Chine a connu un véritable boom depuis les années 80, il semble aujourd’hui connaitre un coup d’arrêt qui pourrait entrainer avec lui toute l’économie chinoise. En effet, la fin relative des politiques de nationalisation des terrains urbains sous Deng Xiaoping ont permis l’émergence d’un marché foncier boosté par une forte croissance démographique et du taux d’urbanisation (passé de 36% en 2000 à 61% en 2021 selon l’OCDE). Néanmoins, le fort taux d’endettement des ménages chinois et des promoteurs (le plus connu étant Evergrande avec une dette avoisinant les 260 milliards d’euros), les changements de politiques incessants (restrictives ou accommodantes, plutôt restrictives depuis 2020 afin de répondre à la fragilité financière et aux problèmes sociaux ) du gouvernement vis-à-vis du secteur de l’immobilier mais également le ralentissement de l’urbanisation et l’omniprésence des chantiers non terminés menacent aujourd’hui l’économie chinoise dans son ensemble.
Une dépendance accrue à la fois des ménages et du gouvernement vis-à-vis du secteur immobilier
Bien que le secteur immobilier ait joué un rôle prépondérant dans le ‘miracle économique chinois’ et représente aujourd’hui entre 14% (selon le bureau national de statistique chinois) et 30% (selon le bureau national de recherche économique aux Etats-Unis, donc à nuancer, il y inclut les secteurs en aval et en amont) du PIB chinois, son ralentissement actuel met en avant la dépendance de la Chine vis-à-vis de ce secteur et menace la philosophie du confucianisme comme en témoigne les récentes manifestations. De plus, les politiques du gouvernement chinois sont dépendantes de ce secteur. En effet, en plus d’utiliser ce secteur pour réguler l’économie en période de surchauffe ou de ralentissement, une part importante des recettes budgétaires proviennent de ce secteur et plus précisément des cessions des droits d’utilisations d’un terrain (45% des recettes budgétaires de l’Etat selon le NBER). En période de surchauffe, le gouvernement met en place des restrictions de crédit à la fois pour les promoteurs et les acheteurs afin de stopper la croissance du secteur immobilier.
En 2010, le gouvernement avait interdit l’achat d’une seconde résidence et conditionné l’accès au crédit à un apport important. Et inversement, en 2016 après un ralentissement de la croissance économique, l’Etat avait changé ses positions vis-à-vis de ces leviers afin de redynamiser l’économie. Ces changements de politiques récurrents illustrent une perte de contrôle de la part du pouvoir chinois sur ce secteur et sur l’économie en général, d’autant plus que la baisse des taux en Chine est contraire à la volonté du pouvoir de vouloir faire du yuan chinois une réserve internationale de valeur.
L’écroulement immobilier fait, d’autant plus, craindre le pire qu’il pourrait entrainer une vague de révolte des classes moyennes du fait que l’immobilier soit le premier canal d’investissement pour les ménages chinois (78% en 2017) et que de nombreux ménages ayant déjà payé leur logement n’aient toujours pas accès à celui-ci et craignent que celui-ci ne soit jamais construit.
L’immobilier, un fardeau pour l’économie chinoise
Mais alors est-ce-que ce secteur qui a fait la réussite de la Chine pourrait aujourd’hui l’entrainer vers la chute ? La rentabilité du secteur immobilier et sa croissance fulgurante ont entrainé une réorientation des investissements des entreprises au dépit d’investissements productifs. D’une part les banques ont davantage accordé de crédit à des acteurs du secteur immobilier provoquant une sorte d’effet d’éviction pour les autres acteurs en renchérissant le cout du crédit et nuisant ainsi au développement d’autres secteurs de l’économie. Pour parer cet effet et profiter de la hausse des prix de l’immobilier, les entreprises ont de leur côté investi massivement dans l’immobilier. Or selon la Banque Mondiale dans son étude publiée en 2019 et intitulée Innovative China : New Drivers of Growth, la baisse de la productivité chinoise s’explique par un surinvestissement dans le secteur immobilier du fait d’un rendement du capital en baisse et inférieur a d’autres secteurs.
A cette baisse de la productivité s’ajoute un ralentissement de la consommation en grande partie expliquée par l’emballement des prix de l’immobilier (baisse depuis 2020) et de la dette des ménages chinois. En effet, la part du revenu disponible pour les ménages n’a cessé d’augmenter passant de 5% en 1990 à 24% en 2021 et le taux d’endettement a lui explosé pour atteindre 130% du revenu disponible contre 40% en 2006. Cette augmentation des prix résulte d’un effet boule de neige, l’immobilier étant le seul placement possible pour les ménages, ces derniers ont investi massivement et donc alimenté la demande.
Ainsi la consommation a été fortement impactée du fait du resserrement des dépenses des ménages chinois contraint par le remboursement de leurs prêts. La révolte des classes moyennes est d’autant plus plausible que l’emballement des prix de l’immobilier provoque une forte hausse des inégalités, la répartition du patrimoine national des 90% les plus modestes étant passée de 60% à 33% entre 1995 et 2015.
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Conclusion
Bien que le secteur immobilier ait fait ses preuves et était devenu une composante majeure de la croissance en Chine, il semble être aujourd’hui à bout de souffle du fait de problèmes conjoncturels (stratégie Zéro Covid) et structurels (volonté de la part des pouvoirs publics de réguler davantage le secteur immobilier, ralentissement de l’urbanisation etc…). Néanmoins, la situation n’est pas si alarmante car l’effet de contagion vers le secteur bancaire semble être maitrisé. En effet le secteur bancaire semble tenir bon et ce malgré un doublement des encours total entre 2005 et 2021 vers le secteur immobilier (27% en 2021).
Source : La dépendance de la croissance chinoise au secteur immobilier