Dans son livre Les Ambitions Inavouées paru en 2023, le directeur de l’IFRI Thomas Gomart analyse 9 pays qui façonneront la géopolitique de demain. Voici plusieurs citations tirées de cet ouvrage que j’ai souvent utilisées en copies !
Le multilatéralisme
“Plusieurs pays veulent démembrer le cadastre planétaire à leur avantage. D’autres cherchent à le maintenir quoi qu’il en coûte. Il en résulte un “déséquilibre systémique”, dans la mesure où aucune grande puissance n’est capable de stabiliser seule les relations internationales.”
Depuis 2001 et la fin de “l’hyperpuissance américaine” (Hubert Védrine) le monde est passé d’une organisation unipolaire (les Etats-Unis dominaient les relations internationales) à une organisation multipolaire. Or s’il est multipolaire, il est loin d’être multilatéral (cette simple phrase peut souvent être la base d’une bonne troisième partie). Thomas Gomart explique que cela entraîne un “déséquilibre systémique” s’expliquant par la course à la première place dans la hiérarchie des puissances.
Il oppose alors ceux en faveur du maintien de l’ordre actuel (l’occident mené par les Etats-Unis et leurs alliés) à ceux qui le déstabilisent (la Russie dans son étranger proche, la Chine en mer de chine du sud).
Lire plus : le multilatéralisme est-il menacé ? (GEM 2019)
L’énergie
“Jusqu’à présent, l’exercice de la puissance passait par le contrôle des énergies fossiles : le charbon jadis pour le Royaume-Uni, le pétrole et le gaz aujourd’hui pour les USA et la Russie. Quoi qu’on en dise, ce lien est appelé à perdurer”
Alors même que le monde semblait s’engager depuis plusieurs années dans la voie de la transition énergétique, avec comme volonté d’enterrer les énergies fossiles, la guerre en Ukraine a rappelé à quel point ces dernières étaient indispensables à l’économie mondiale. Le renouvelable n’est pas encore prêt à prendre la relève : le pétrole et le gaz sont redevenus des armes non négligeables de la géopolitique contemporaine en permettant de faire pression sur les pays importateurs. En témoigne la hausse des prix du pétrole dans l’UE en 2022 suite aux sanctions russes. Pour rappel, la Russie l’avait déjà fait en 2004 et en 2014 sur l’Ukraine. Cette citation illustre bien à quel point énergie et rapports de forces sont liés : le contrôle de cette dernière assure la domination dans l’ordre mondial.
Thomas Gomart appuie cette thèse en citant Joe Manshin, un sénateur démocrate proche des lobbys pétroliers :
“Nous ne devons pas nuire à notre statut de superpuissance mondiale en éliminant une énergie fiable et économique avant que les nouvelles technologies soient prêtes à prendre la relève”
Cette phrase incarne parfaitement le lien entre puissance et énergie tout en rappelant le pragmatisme et la realpolitik des USA : la transition énergétique ne doit pas remettre en cause la puissance américaine.
Le modèle américain : entre ambition et déclassement
“L’Amérique ne fait plus rêver le monde, elle l’inquiète”
“Ils-les USA-conservent un pouvoir de structuration sans équivalent, qui repose notamment sur leurs systèmes d’alliance”
Thomas Gomart souligne ici un sujet au cœur des débats aujourd’hui : les Etats-Unis sont-ils encore une grande puissance ? Son constat est le suivant : si le soft power (Joseph Nye), le modèle des Etats-Unis, est extrêmement affaibli et remis en cause, tant de l’extérieur que de l’intérieur, ces derniers restent dominants sur la scène internationale et conservent leur place en haut du classement grâce à leurs alliances et leur place de leader au sein de l’Occident. Celle-ci leur confère un pouvoir de structuration important dans la mesure où les Etats-Unis, au travers des institutions internationales, continuent d’organiser le monde à leur image. Pour rappel, ils ont une place privilégiée dans la majorité de ces instances (conseil de sécurité de l’ONU, premier créancier de l’ONU, pierre angulaire de l’Otan, capacité de blocage au FMI…).
Lire plus : la puissance américaine depuis 1991
La France et la Russie
“Le problème russe de la France”
Selon l’auteur, le problème de la France est qu’elle s’illusionne sur sa relation avec la Russie. Pour rappel, Paris et Moscou entretiennent des liens depuis de nombreuses années : De Gaulle s’était rendu en URSS, Nicolas Sarkozy puis François Hollande ont rencontré Vladimir Poutine et Emmanuel Macron l’a reçu au fort de Brégançon en 2019, puis a conversé avec lui à plusieurs reprises pour aborder le sujet ukrainien. Si Paris a pu avoir une relation privilégiée avec Moscou par le passé, il n’en est plus rien aujourd’hui, en témoignent par exemple les échecs de François Hollande avec les accords de Minsk et ceux d’Emmanuel Macron quant à la politique du reset (repartir à zéro avec la Russie) et aux tentatives de dialogue avec le président russe. Ainsi, le problème russe de la France, c’est l’idée qu’elle se fait de sa relation avec la Russie : Paris doit reconsidérer sa place vis-à-vis de Moscou.
L’Europe et la guerre
“Avec le retour de la guerre de haute intensité, le continent européen perd son principal avantage comparatif dans la mondialisation, celui de la stabilité stratégique”
Depuis sa création, l’UE a fait de la paix le fer de lance de son intégration. Celle-ci est devenue l’élément principal de la politique d’influence européenne : la paix est assurée dans l’UE et Bruxelles lutte pour la maintenir à ses frontières, instaurant un climat social et économique stable et attractif pour les investisseurs. Or le retour de la guerre aux frontières de l’UE rappelle que celle-ci n’a pas disparu du Vieux Continent. Déjà que Zaki Laïdi accusait l’UE d’avoir “la norme sans la force” dans la géopolitique mondiale (une géopolitique axée essentiellement sur du soft power), que lui reste-t-il si elle perd aussi cette norme ?
Ces quelques citations s’intègrent facilement en copie et peuvent faire la différence en étant bien étayées : Thomas Gomart est très apprécié des correcteurs !