Friedrich Nietzsche, l’un des plus grands penseurs de la modernité, s’attaque frontalement au christianisme et à sa morale, qu’il considère comme profondément nocive pour l’humanité. Nous verrons dans cet article en quoi ce philosophe considère la morale chrétienne comme étant dangereuse pour l’humanité, notamment à cause de la notion chrétienne de “vertu”.
I – La morale chrétienne : une morale dangereuse
Le paradoxe du christianisme selon Nietzsche
Friedrich Nietzsche, l’un des plus grands penseurs de la modernité, s’attaque frontalement au christianisme et à sa morale, qu’il considère comme profondément nocive pour l’humanité. Selon lui, l’homme, qu’il décrit comme un « créateur de dieux », est coupable d’idolâtrie, qu’elle soit religieuse ou liée à d’autres valeurs ou principes érigés en vérités absolues.. Le christianisme, en particulier, se trouve dans une situation paradoxale : sa morale de la vérité et de l’honnêteté entre en contradiction avec son dogme. Cette incohérence conduit à sa propre destruction.
Le christianisme engendre le nihilisme
Le christianisme, selon Nietzsche, impose une vision du monde qui dévalorise la vie terrestre au profit d’un au-delà imaginaire. Cela crée une forme de nihilisme où les véritables réalités et aspirations humaines sont niées au profit de valeurs transcendantales et spirituelles.
Le christianisme favorise la décadence
En encourageant la pitié et la compassion pour les faibles et les malades, la morale chrétienne va à l’encontre de la sélection naturelle et de la survie des plus aptes. Cela conduit, selon Nietzsche, à une dégénérescence de l’humanité, qui préserve ce qui est faible au lieu de se renforcer.
Nietzsche critique l’inversion des valeurs que la morale chrétienne introduit, en glorifiant la faiblesse (pitié, charité, humilité) et en condamnant la force, l’orgueil et l’affirmation de soi, qui sont pour lui des valeurs naturelles et vitales.
En mettant l’accent sur la souffrance, le sacrifice de soi et la résignation, la morale chrétienne décourage l’affirmation de la vie et la réalisation de soi. Elle valorise la douleur et la faiblesse, ce qui, pour Nietzsche, est profondément anti-vital.
II – La notion chrétienne de la pitié : une valeur aux antipodes de la morale nietzschéenne
Dégénérescence et affaiblissement
L’une des critiques les plus virulentes de Nietzsche concerne la notion chrétienne de pitié, qu’il considère comme un signe de déclin et de dégénérescence. Dans L’Antéchrist, il soutient que la pitié est une manifestation du nihilisme, une véritable « maladie » qui affaiblit l’humanité. Contrairement à l’idée traditionnelle selon laquelle la pitié est une vertu, Nietzsche la perçoit comme une force qui détruit la vie. Pour lui, elle détourne les êtres humains de leurs instincts naturels et les empêche de suivre les lois de la nature, notamment la vengeance et la sélection naturelle. Ainsi, la pitié n’est pas un impératif moral, mais une entrave à la vitalité et au renforcement de l’individu.
Citation de l’AntéChrist :
“On appelle le christianisme la religion de la compassion. La compassion est l’opposé des émotions toniques qui élèvent l’énergie du sentiment vital : elle a un effet déprimant. C’est perdre de sa force que compatir. Par la compassion s’augmente et s‘amplifie la déperdition de forces que la souffrance, à elle seule, inflige déjà à la vie. Quant à la souffrance, la compassion la rend contagieuse. Dans certains cas, elle fait que la somme de vie et d’énergie vitale perdue est absurdement disproportionnée à l’importance de sa cause.”
Si la pitié conduit à affaiblir ceux qui la pratiquent et préserve les faibles au détriment de la force vitale, elle est alors mauvaise en soi. Nietzsche y voit une émotion contraire aux lois de la vie, car elle permet la survie de ce qui devrait disparaître, bloquant ainsi l’évolution naturelle. En favorisant la compassion à tout prix, l’homme moderne se prive de sa capacité à se fortifier en acceptant les dures réalités de l’existence.
Vision comparée de Kant et Nietzsche sur la pitié
Ainsi, Nietzsche considère la pitié chrétienne comme une forme de nihilisme, c’est-à-dire une négation de la vie qui empêche l’humanité de se renforcer et de prospérer.
Notez que Nietzsche s’oppose ici à Kant.
- Nietzsche évalue la pitié par rapport à ses effets, ses conséquences sur la vitalité de l’homme. Pour lui, elle ne fait qu’affaiblir les individus. Loin de voir la pitié comme un vertu morale, il la considère plutôt comme un vice qui préserve la faiblesse.
- Kant évalue la pitié en fonction de ses intentions morales. Rappelons que, pour Kant, la moralité d’une action s’évalue à partir de la moralité des intentions qui ont motivé ses actions, et non à partir de l’action elle-même. De fait, la pitié peut selon lui être envisagée comme une intention morale.
III – Florilège de citations :
- La morale chrétienne c’est la pire forme de la volonté de mentir, c’est la vraie Circé de l’humanité : c’est ce qui l’a corrompue
Ecce homo, pourquoi je suis une fatalité
- Cette morale du renoncement, la seule qu’on ait enseignée jusqu’ici, trahit la volonté de mourir, elle nie la vie dans ses racines les plus profondes. Il nous reste une seule possibilité: que ce ne soit pas l’humanité qui soit en dégénérescence, mais seulement cette race parasite des prêtres qui s’est élevée par ses mensonges au rang d’arbitre des valeurs et qui a trouvé dans la morale chrétienne l’instrument de son ascension… car je suis bien d’avis que tous les maîtres et les meneurs de l’humanité, tous théologiens les uns comme les autres, étaient tous aussi décadents. C’est ce qui explique qu’ils aient détrôné les vraies valeurs pour les remplacer par des valeurs de mort, c’est ce qui explique la morale… Définition de la morale: une idiosyncrasie de décadents guidés par l’intention cachée de se venger de la vie, intention d’ailleurs couronnée de succès. J’attache de l’importance à cette définition.
Ecce homo, pourquoi je suis une fatalité
- Le christianisme est né de l’esprit du ressentiment
Ecce Homo, généalogie de la morale
Lire plus : Nietzsche et la « Généalogie de la morale »
- La décision chrétienne de trouver le monde laid et mauvais a rendu le monde laid et mauvais
Le gai savoir, III, 130
Conclusion
Enfin, Nietzsche exprime sa propre douleur face à ce qu’il perçoit comme un déclin inévitable de l’humanité, rendu possible par une morale chrétienne qu’il juge « contre-nature ». Cette morale affaiblit les instincts vitaux et plonge l’humanité dans la décadence. Le véritable problème, pour Nietzsche, est que la pitié, en favorisant la faiblesse, éloigne les êtres humains de la puissance de vie, et conduit inévitablement à leur affaiblissement. Nietzsche déplore donc l’affaiblissement de l’humanité sous l’influence de la morale chrétienne, c’est pourquoi il en appelle à la venue du “surhomme”, une figure libérée de ces valeurs décadentes, capable de créer ses propres valeurs.
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