L’analyse du sujet de Culture Générale HEC / emlyon 2025 est en ligne !
Notre décryptage vous permet de comprendre les enjeux de cette épreuve centrale du concours BCE, utilisée par la quasi-totalité des écoles. Nous vous aidons à cerner les attentes du jury, à identifier les références mobilisables et à affiner votre méthode.
Une ressource incontournable pour progresser dans l’art de la dissertation.
Retrouvez également notre kit dédié à la Culture Générale pour exceller à cette épreuve !
POUR VOIR LE SUJET DE CULTURE GÉNÉRALE HEC / EMLYON DU CONCOURS 2025
L’analyse du sujet de Culture Générale HEC / EMLYON 2025
Cet article n’est pas un corrigé exhaustif du sujet, mais propose simplement quelques pistes de réflexion.
Article rédigé par Sébastien COSTA et Antoine MAS (étudiants à HEC Paris)
Comme pour tout sujet de Lettres & Philosophie, il convient de s’intéresser au sujet dans sa singularité, et notamment aux termes autres que « l’image ». Autrement dit, que signifie « sauver »?
Lorsqu’on sauve quelque chose ou quelqu’un, cela signifie qu’on le met à l’abri d’un péril imminent. On peut sauver la vie de quelqu’un, par exemple. Le sauvetage suppose alors un danger dont il faut se protéger.
Le sujet est alors immédiatement étonnant : quel est ce péril ? Autrement dit, de quoi les images doivent-être sauvées ? On pourrait même être tenté de défendre que les images n’ont pas besoin d’être sauvées, mais plutôt qu’elles sauvent le monde, par leur caractère esthétique par exemple. Il convient d’avoir, sur chaque sujet, une phase d’étonnement dans laquelle vous soulignez que le sujet proposé n’a rien d’évident, qu’il est de prime abord absurde dans sa formulation.
Toutefois, prenons au sérieux un tel sujet. Les images, ces représentations physiques ou mentales d’un objet, d’une chose ou d’un individu, sont mises en danger par leurs détracteurs (exemple : ceux qui souhaitent brûler les idoles ? Pourquoi pas évoquer l’iconoclasme !) . Ceux qui veulent se débarrasser des images, car celles-ci tromperaient leur public, en n’étant qu’une pâle copie de la réalité, manipulable et modifiable. Une image vaut mille mots, et c’est bien là son danger : l’effet qu’elle a sur nous est disproportionné, incontrôlable. Alors, en sauvant les images, ne sommes-nous pas en train de nous mettre en danger nous, humains ? Sauver quelqu’un, c’est en effet se mettre en danger soi-même (penser à un sauveteur en montagne ou en mer, par exemple) : cela en vaut-il vraiment la peine dans notre cas ? Les images méritent-elles vraiment d’être sauvées ?
L’usage du verbe « sauver » est même révélateur ici : ce verbe transitif est généralement associé à un homme, ou à travers l’expression « sauver la vie ». Ne sommes-nous alors pas en train d’anthropomorphiser l’image, c’est-à-dire de la rendre humaine ? Une telle illusion ne vient-elle pas de l’image elle-même, qui se donne l’apparence de ce qu’elle n’est pas ? Sauver les images à tout prix, n’est-ce pas alors mettre en danger des morts les objets qu’elle représente, les faire tomber dans l’oubli ? Faut-il alors s’affranchir de l’image, c’est-à-dire la délaisser, la faire mourir à petit feu au profit de la réalité elle-même ?
Les questions possibles sur ce sujet sont donc nombreuses :
- Pourquoi l’image est-elle est en danger ? En quoi le verbe « sauver », habituellement réservé à un être vivant, peut-il être employé ici ?
- Si ce danger est bel et bien réel, faut-il se mettre à notre tour en danger pour sauver les images ? Ce danger est même double : le sauvetage en lui-même peut transférer le danger vers le sauveteur, mais les images peuvent en soi nous mettre en danger (images obscènes, par exemple ?)
- Et donc, qui serait prêt à sauver les images, et pourquoi ? Quel intérêt d’une telle action ?
Il était ici pertinent de s’appuyer sur la polysémie du terme d’image, avec l’étymologie : eikon pour une représentation fidèle de la réalité, phantasma, eidolon.. il était également pertinent de mobiliser plusieurs sens du terme d’image : peinture, sculpture, cinéma, photographie, imagination..
En 1ère partie, il était possible de questionner le sous-entendu du sujet selon lequel les images sont en danger, justifiant l’utilisation du verbe « sauver ». Pourquoi pas ici mentionner l’omniprésence des images dans notre société (publicités, par exemple ?). On pourrait défendre que les images peuvent justifier être utilisées pour sauver le monde, et n’ont donc pas à être sauvées (pourquoi pas développer l’idée selon laquelle « la beauté sauvera le monde », Dostoïevski). En transition, il aurait pu être pertinent de s’intéresser au pluriel « les images » : force est de constater que certaines images sont condamnées (penser à la controverse sur la représentation de Dieu dans l’art ou à l’iconoclasme) ou sont même oubliées.
En 2ème partie, il était alors possible de se demander l’idée de sauver toutes les images ne nous mettait pas nous-même en danger. L’image me trompe, m’induit en erreur (on aurait pu ici mobiliser un personnage de roman dévoré par sa propre imagination, Werther par exemple) si bien que le verbe « sauver », habituellement employé pour un être vivant, est utilisé pour une image (qui, elle, est fixe : pensez à la signification du latin « imago », signifiant un masque moulé sur une personne morte afin d’en conserver les traits, ou à l’expression « sage comme une image «) révèle une supercherie dont nous sommes victimes. Je crois sauver l’image, avoir un pouvoir total sur sa vie ou sa mort, alors que c’est elle qui me contrôle. Dès lors, un tel sujet devient tragique : sauver les images, c’est se condamner soi-même. Mais alors, faut-il s’affranchir des images ?
En 3ème partie, il était alors possible de questionner la radicalité du sujet. Il n’est pas possible ni souhaitable de sauver toutes les images : n’y a-t-il pas alors un choix à faire sur les images à sauver ? Tout sauvetage nécessite une prise de recul, une réflexion sur les potentiels dangers de cette opération : à vouloir sauver toutes les images en même temps, je n’en sauve en réalité aucune. Sauver, c’est alors protéger, mettre en avant au sein d’une société certaines images qui permettent la cohésion sociale, ou l’épanouissement personnel. Pourquoi pas ici s’intéresser à l’image comme moyen de repenser notre rapport à l’existence (avec l’art abstrait, par exemple ?). Dans un autre cadre, il était possible d’évoquer le rapport de la religion chrétienne avec l’image. Ici, l’image est considérée non pas comme une simple imitation, mais entre dans la sphère du sacré : l’image comme icône est alors un symbole qui révèle la présence du modèle divin. L’anthropomorphisation évoqué dans le II prend alors tout son sens : sauver les images, c’est alors se sauver soi-même. Plus encore, l’image permet de ne pas oublier, de ne pas faire table rase, d’accepter son passé. Choisir les images que l’on souhaite sauver, c’est donc appréhender l’histoire d’un nouveau regard, et changer notre société. Détruire les images, c’est vouloir tout oublier, mettre derrière soi comme si ça n’avait jamais existé (pourquoi pas mentionner la destruction des Bouddhas de Bamiyan en 2001 par les Talibans, comme s’ils voulaient effacer dans les mémoires l’histoire préislamique de l’Afghanistan : La destruction des images est ici utilisée comme une redoutable arme culturelle) et les sauver, c’est se remémorer (possible de mobiliser le film le Silence des Autres, retraçant le combat des victimes de la période franquiste en Argentine aux côtés de la juge Maria Servini). Il aurait alors été possible d’évoquer le rôle des musées, qui expriment un besoin universaliste d’avoir une compréhension exhaustive du monde (par exemple, le musée du Quai Branly). On pourrait également mobiliser le Musée Imaginaire de Malraux, qui défend que la reproduction d’œuvres d’art (notamment la photographie) transforme notre rapport à l’art. Il propose de réfléchir à la manière dont la culture visuelle mondiale devient accessible universellement, en s’affranchissant des limites de l’espace et du temps. Sauver les images, c’est alors non seulement effectuer un sauvetage, mais également une sauvegarde des images, à travers la constitution d’un patrimoine.
Bon courage pour la suite des concours !