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Que retenir de notre célèbre économiste Daniel COHEN ?

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L’économiste français Daniel COHEN est décédé ce dimanche 20 août 2023. Né en 1953, Cohen était professeur à l’Ecole Normale Supérieure, directeur du Centre pour la Recherche économique et ses Applications (CEPREMAP), et cofondateur de l’Ecole d’Economie de Paris. Ce dernier est également l’auteur de nombreux ouvrages phares dans la littérature économique parmi lesquels nous retrouvons Le Monde est clos et le désir infini (2015), Richesse du monde, pauvretés des nations (1997), Homo economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux (2012), Homo numericus (2022) ou encore Nos temps modernes, dont il a été le lauréat du Prix du livre d’économie en 2000. A ne pas confondre avec l’autre économiste Elie COHEN ou notre très cher Jonathan, Daniel Cohen aimait croiser les disciplines (philosophie, mathématiques, sociologie ou encore sciences politiques), ce qui lui permettait de sortir d’un certain académisme pur et dur et d’accrocher ainsi son lecteur. En son hommage, nous te proposons dans cet article d’en apprendre davantage sur sa pensée tout en révisant quelques notions !

 

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Homo politicus et homo economicus entrent parfois en conflit selon Daniel Cohen

Dans son ouvrage Homo economicus, Daniel Cohen rappelle à l’ordre cette incessante discordance entre, d’un côté, les progrès réalisés dans la société qui sont rapidement banalisés, et de l’autre, les besoins inépuisables des individus. Si dans les préceptes néoclassiques, les agents économiques sont des homo economicus mus par des incitations financières, l’auteur nous montre qu’en réalité, les individus réagissent également aux considérations éthiques et morales.

  • L’homo economicus est un individu fictif de la théorie néoclassique qui, dans un contexte de rareté, fait des choix en fonction d’un calcul coût bénéfice.
  • Dans la théorie néoclassique, les agents économiques sont qualifiés de « rationnels », c’est-à-dire qu’ils sont à la recherche du maximum ou du minimum d’une fonction, compte tenu de l’information dont ils disposent, de leurs ressources, et des contraintes que leur impose la société.

Pour appuyer ses propos, Daniel Cohen prend l’exemple de ce directeur d’un centre de transfusion sanguine qui décida d’offrir une prime aux donneurs de sang pour inciter à davantage de dons, et provoqua l’effet exactement inverse, soit une diminution du nombre de donneurs de sang, lesquels le font avant tout par générosité et altruisme. Nous pouvons ainsi parler « d’anomie sociale » dans une analyse durkheimienne dans la mesure où les « progrès » réalisés dans nos sociétés marchandes, ici cette logique pécuniaire, séparent les personnes de leurs attaches.

  • L’anomie sociale est décrite par Emile DURKHEIM (Le Suicide, 1897) comme étant le sentiment que la société n’obéit plus à des lois connues. Daniel Cohen cite le sociologue dans son ouvrage Homo numericus en rajoutant qu’il s’agit d’un état dans lequel l’ordre du monde nous devient inintelligible.

 

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La post-modernité est-elle réellement synonyme de progrès ?

Conformément aux analyses de Daniel Cohen dans son dernier ouvrage, l’essor de l’IA nous laisse beaucoup d’opportunités tout en limitant à la fois notre visibilité sur cette société du numérique. Il cite ainsi la loi dite d’Amara, du nom de l’ancien président de l’Institut du futur de Palo Alto.

  • La loi d’Amara explique que nous avons tendance à exagérer les impacts de court terme des nouvelles technologies, mais à en sous-estimer les effets de long terme.

La révolution numérique va donc, selon lui, profondément bouleverser la sphère sociale. Il convient de préciser que l’essor de ce « cyberespace » a su porter en germe la promesse d’un monde plus harmonieux et notamment une réconciliation de la communauté elle-même avec pour mots d’ordre : démocratie et liberté. Pourtant, les réseaux sociaux ne parviennent pas toujours à renforcer les liens sociaux, certains parlent même d’une nouvelle frontière. Cohen met exergue ce point en citant les données du CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) : 45 % des Français disent n’appartenir à aucune communauté, parmi lesquels seuls 25% appartiennent à la classe supérieure.

 

Et pour finir, quelques citations incontournables de Daniel Cohen

Le monde est clos et le désir infini (2015) :

  • « La croissance économique est devenue intermittente, fugitive. A l’image du climat, elle alterne le chaud et le froid, les booms et les krachs. » (Quatrième de couverture).

Homo numericus, la « civilisation » qui vient (2022) :

  • « Hier, avec le travail à la chaîne, l’homme devenait machine. Aujourd’hui, avec l’intelligence artificielle, c’est la machine qui devient humaine. »
  • « Le premier avantage comparatif des humains, dans le langage des économistes, se joue ici : l’homme peut inventer un monde qui n’existe pas. Le problème est qu’il peut y croire aussi. Car l’homme est à la fois créatif et crédule. »
  • « En termes économiques, on peut dire que la révolution numérique « industrialise la société post-industrielle » : ce terme désignant un monde où l’essentiel de l’activité ne consiste plus à cultiver la terre ou fabriquer des biens manufacturés mais à s’occuper des humains eux-mêmes, de leur corps et de leur imaginaire. »

La Prospérité du vice (2009) :

  • « Les sociétés modernes sont avides de croissance, davantage que de richesse. Mieux vaut vivre dans un pays pauvre qui s’enrichit (vite) que dans un pays (déjà) riche et qui stagne. »
  • « La consommation est devenue comme une drogue, une addiction : le plaisir qu’elle procure est éphémère. »
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