La mondialisation, moteur de l’économie mondiale depuis plusieurs décennies, est désormais à un tournant de son histoire. De nombreuses fractures deviennent de plus en plus larges, les guerres commerciales, les crises financières, les urgences climatiques et la pandémie de COVID-19 expose toute la faiblesse de ce moteur de l’économie des peuples.
Pourtant, plusieurs économistes modernes mettent en doute les capacités des états individuels à réagir de manière adéquate aux nombreux défis de l’avenir global. C’est pourquoi on peut se demander : n’est-ce pas la responsabilité européenne de répondre avec force aux défis de ce monde nouveau ?
Le mécanisme de bien public et l’adaptation européenne
Samuelson, dans sa théorie des biens publics, définit un bien public comme un bien caractérisé par deux propriétés : la non-rivalité et la non-exclusion. Autrement dit, la consommation de ce bien par un individu n’empêche pas sa consommation par un autre, et il est impossible ou inefficace d’en exclure un individu de l’usage. Appliqué à une échelle européenne, un bien public européen pourrait alors inclure des mesures comme la stabilité financière, la protection de l’environnement ou la sécurité collective.
De façon simplifiée, on peut concevoir ce mécanisme ainsi : lorsqu’un bien est public, il devient crucial pour un ensemble d’acteurs (ici, les États européens) d’en assurer la production et le financement conjointement, car aucun pays ne peut en garantir seul la jouissance totale ni éviter le phénomène de passager clandestin. Afin d’illustrer le mieux qu’obtenir, prenons un exemple de la protection des frontières. Une protection des frontières efficace de l’union européenne signifie moins d’insécurité pour chacun des états membres, qu’ils collaborent et prennent part ou non à cette protection. Par contre, il y a un problème lorsque chaque état tente de bénéficier autant que possible du peine des autres sans débourser de efforts équivalent – ce que, selon Samuelson, est le “free-riding”.
Samuelson a démontré ce mécanisme mathématiquement en développant le modèle de la fonction de bien public (F), où la production d’un bien public doit satisfaire la somme des utilités marginales des consommateurs égale au coût marginal de production. Formellement, cela s’écrit :
∑ UMi = CM
où UMi représente l’utilité marginale de chaque consommateur ii et CM le coût marginal de production du bien public. Dans un cadre européen, cela signifie que chaque État doit contribuer au bien public en fonction de sa capacité et de son utilité marginale perçue, ce qui mène à des arrangements de financement européens adaptés aux besoins spécifiques de chacun tout en évitant la sous-production du bien.
Pour démontrer l’importance de cette mutualisation européenne, reprenons le modèle de Samuelson et appliquons-le à la stabilité financière, considérée ici comme un bien public. Imaginons que les États européens aient des niveaux de contribution différents (variables Ci pour chaque pays i) au maintien de la stabilité. Le modèle de Samuelson montre qu’à l’équilibre, chaque État maximise son utilité en contribuant de façon proportionnelle à l’utilité collective perçue. Mathématiquement, on a :
Utilité totale = ∑ nUMi − ∑ nCi
Pour maximiser cette utilité totale, il est essentiel que ∑nUMi≥CM, autrement dit, la somme des contributions marginales de chaque État doit égaler ou dépasser le coût de production marginale. Ce modèle démontre que chaque État contribue non pas en fonction de sa capacité nationale, mais de son intégration au cadre européen, assurant ainsi une allocation optimale des ressources.
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Le cas de la crise de la dette souveraine en Europe
Un exemple marquant de l’efficacité de la coopération européenne face aux crises de la mondialisation est la réponse à la crise de la dette souveraine de 2010. Lorsque la Grèce, suivie d’autres pays du sud de l’Europe, fut menacée de défaut de paiement, l’UE a créé le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour mutualiser les ressources et stabiliser les économies en difficulté. Le FESF, suivi du Mécanisme européen de stabilité (MES), a ainsi permis de débloquer près de 440 milliards d’euros pour soutenir les économies fragilisées, évitant ainsi un effondrement généralisé de la zone euro. À travers ces dispositifs, la stabilité financière est devenue un bien public européen, accessible à tous les membres et financé de manière solidaire.
Le succès de cette approche est démontré par la baisse des taux d’intérêt grecs, passant de plus de 35 % en 2011 à environ 4 % en 2019, ainsi que par le retour de la croissance dans la zone euro.
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Citation punchy
« L’efficacité dans la fourniture des biens publics ne peut être atteinte que par une coordination collective. » (Samuelson, The Pure Theory of Public Expenditure, The Review of Economics and Statistics, 1954).
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