Terme encore absent du vocabulaire du grand public il y a à peine 10 ans, l’expression « fake news » est désormais connue de tous. Des deux dernières élections présidentielles américaines à la Guerre en Ukraine, du référendum sur le Brexit de 2016 à la crise du COVID, nombreuses sont les situations où les « fausses informations », dénomination de rigueur selon la loi française, ont pu fleurir de manière incontrôlée dans la société. D’où viennent les fake news ? Pourquoi se sont-elles autant développées ces dernières années ? Comment peut-on lutter contre elles ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre.
Un peu d’histoire
C’est peu dire que l’arrivée de la question des fake news dans le débat public est récente. On estime l’origine de cette expression à 1999 aux États-Unis dans le cadre de l’émission télévisée The Daily Show, basée sur la parodie de faits ou d’émissions réelles. Elle n’a réellement été démocratisée qu’à partir de 2016, année marquée par des campagnes électorales entachées de nombreuses transmissions volontaires comme involontaires d’informations erronées au public par le biais des médias dans deux grandes démocraties occidentales : au Royaume-Uni ans le cadre du Brexit et aux États-Unis lors de l’élection présidentielle de 2016 opposant Donald Trump et Hillary Clinton.
Ce phénomène n’est pourtant pas récent, des « infox » ont bien été véhiculées avant cette dernière décennie. C’est davantage la mise en exergue du phénomène et de son utilisation à des fins de manipulation de l’opinion publique qui s’est développée. Ainsi, le terme « fausse information » est entrée dans la loi française qui sanctionne l’utilisation de celle-ci dès 1849. L’affaire Dreyfus à la fin du XIXème siècle ou encore les explications gouvernementales concernant la propagation du nuage radioactif né de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1981 et son prétendu arrêt à la frontière franco-allemande sont deux exemples français de fake news bien antérieures aux XXIème siècle.
De plus, quel meilleur exemple de fake news que la propagande étatique employée en temps de guerre ? Que ce soit pour dénigrer un ennemi, unifier son pays ou réinsuffler de l’espoir à ses troupes, de nombreux gouvernements ont eu, quelle que soit l’époque, recours à ce type de procédé.
Un fait : la naturelle difficulté de transmission de l’information
L’origine des fake news est intimement liée avec la volatilité de l’information lors de sa transmission et la difficulté de vérification de celle-ci.
En effet, peu de canaux d’information peuvent être réellement considérés comme totalement fiables. Une première raison justifiant ce constat est que très peu d’informations qui nous parviennent sont de première main. Concernant les faits d’actualité, on pourrait schématiser en présentant le récit de l’évènement comme arrivant à notre connaissance après être passé par au moins deux intermédiaires : un observateur, qui le décrit, un média, qui nous repartage ce témoignage. A partir de là, si un mécanisme de vérification de l’information n’est pas mis en place à chaque étape du processus de transmission, il y a un risque réel de déformation de celle-ci jusqu’à arriver à une information finale qui n’aura plus grand chose à voir avec le fait sur lequel elle est sensée reposée.
Ce risque est accru par la naturelle subjectivité des courroies de transmission de l’information. En effet, sicertains acteurs et organismes spécialisés ont comme objet de rester objectifs (comme par exemple l’Agence France Presse, plus connu sous le sigle AFP, dont l’objectif est de fournir aux différents acteurs institutionnels, journalistiques, politiques ou encore économiques des informations factuelles et vérifiées ou à minima sourcées), la plupart des personnes rediffusant l’information le font, volontairement ou non et à différents degrés, en la déformant et en y incorporant leur propre opinion.
Enfin, la multiplication des fake news dans notre société va de pair avec celle des canaux de communications et donc du nombre de diffuseurs de l’information. Ici, on s’intéressera plus particulièrement à l’influence majeure des réseaux sociaux dans le renforcement de ce phénomène. En effet, l’apparition des Facebook, Twitter et autres Instagram ont fait de chaque utilisateur un potentiel diffuseur de l’information. Une fois ce constat fait, il est facile de comprendre qu’à présent que Monsieur tout le monde peut décider de communiquer sur un sujet, il suffit qu’une publication erronée devienne virale pour diffuser à grande échelle une fausse information. Cette tendance est renforcée par l’avènement des réseaux sociaux et de l’information continue, qui appelle à une communication toujours plus immédiate, qui conduit à une course au sujet brûlant pouvant entraîner erreur par manque de vérification, voire même déformation.
Ainsi, si, on va le voir, une série d’éléments conjoncturels est à l’origine du décuplement du nombre de fake news ces dernières années, il ne faut pas oublier que structurellement, le fonctionnement même du système d’information est à la base de beaucoup de celles-ci.
Le fleurissement des fake news
Dans l’opinion générale, le terme de fake news est couramment associé au nom d’un homme politique américain qui s’est fait tristement connaître pour leur utilisation : Donald Trump. En effet, c’est durant la campagne présidentielle américaine de 2016 que le futur vainqueur s’est fait connaître à double titre dans le sujet. D’un côté, il n’a jamais hésité à utiliser toute forme d’information ou de chiffre non vérifiée pour défendre ses idées et propositions, notamment concernant l’immigration. De l’autre, il a lui-même popularisée l’expression, qualifiant de fake news les différentes accusations formulées contre lui qu’il s’agisse de celles portant sur des faits de harcèlement et d’agressions sexuels dont il se serait rendu coupable à l’égard de plusieurs femmes, ou sur des malversations financières. Une fois élu, le désormais ex-président avait poursuivi dans ses travers, jusqu’à la fake news « ultime » lors de l’élection suivante ou il accusa publiquement de fraude le camp de son opposant Joe Biden, avec comme conséquence l’instabilité sociale décuplée des semaines suivant l’annonce et la confirmation des résultats du scrutin et l’assaut du Capitole à Washington mené par les partisans les plus extrêmes de Donald Trump le 6 janvier 2021.
La même année au Royaume-Uni, la campagne pour le référendum sur le maintien ou non du pays dans l’Union Européenne a été marquée par plusieurs fake news propagées par les pro-Brexit. Jeu sur les peurs migratoires, mensonge sur de prétendues sommes récupérées par le pays si celui-ci quittait l’Union Européenne, annonce du soutien de la reine d’Angleterre Elizabeth II, tous les mensonges furent bons pour peser sur le résultat du scrutin que chacun connaît.
Depuis, de nombreux moments charnières ou de crise de notre époque ont été l’occasion de pouvoir prendre conscience du nombre de fake news pullulant dans notre société contemporaine. On peut notamment citer certaines déclarations du candidat Éric Zemmour (et de tant d’autres) lors des dernières élections présidentielles françaises en 2022, la désinformation massive menée lors de la crise du COVID à partir de 2020, que ce soit sur la contagiosité de la maladie, l’utilité des vaccins ou encore les prétendus risques liés au vaccin, ou encore la propagande d’état menée par le président russe Vladimir Poutine depuis le début de la guerre en Ukraine.
Dans chacun de ces cas, on comprend que l’on voit apparaître ces dernières années un usage clair et assumé des fake news comme outils pour faire avancer ses opinions ou pour créer la défiance vis-à-vis d’un pouvoir en place.
Quels moyens de lutte ?
Une fois le constat implacable de l’avènement des fake news à grande échelle fait, il convient de dresser un rapide panorama des solutions à disposition du grand public comme des professionnels de l’information pour lutter contre cette problématique.
Une première partie du travail sur le sujet doit bien évidemment être mené par les diffuseurs « classiques » d’information, puisque ce sont eux qui ont le plus grand public à l’écoute des informations qu’elles diffusent. Ainsi, de nombreux médias ont choisi de créer des cellules de « fact checking », chargées de vérifier en amont de leur diffusion les informations diffusées ou de corriger le plus rapidement possible celles données par un invité lorsque celui-ci recourt à des données erronées. Une différence de plus en plus marquée est également faite entre média dit d’opinion diffusant l’avis de chroniqueurs ou d’essayiste ou média objectif, s’efforçant de rendre compte des évènements de la manière la plus neutre possible.
Les réseaux sociaux commencent également à se pencher sur l’épineux sujets des fake news par différents procédés. On citera notamment le label « compte vérifié » fourni notamment par Instagram, censé être gage de sérieux pour un compte auprès de ses abonnés. Durant la crise COVID, plusieurs réseaux sociaux se sont également engagés à créer des canaux privilégiés pour diffuser des informations certifiées sur la lutte contre le virus. Enfin, durant les dernières élections américaines, le « roi de la fake news » Donald Trump finit par être banni purement et simplement de la plateforme Twitter en raison de ses mensonges répétés. Cependant, l’action via les réseaux sociaux demeure difficile, la faute à une limite floue entre la liberté d’expression et le maintien d’une information fiable. On note même un retour en arrière dans la lutte contre les fake news ces dernières années avec notamment l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter. En effet, l’une des premières décisions du PDG de Tesla vu de modifier l’attribution des « pastilles bleues », qui ne sont plus aujourd’hui données aux comptes vérifiés, mais uniquement sur des critères financiers.
Les États tentent également aujourd’hui de s’emparer du sujet. Ainsi, une loi « contre la manipulation de l’information » fut adoptée dès 2018 en France, visant à accélérer les procédures judiciaires pour lutter contre la diffusion de fausses informations, particulièrement en période électorale, ou encore à obliger les différentes plateformes de diffusion d’information à coopérer avec le gouvernement français.
Une fois toutes ces pistes évoquées, il ne faut pas pour autant infantiliser le consommateur d’information, car chacun peut par quelque gestes simples, lutter à son échelle contre la désinformation et la propagation de fake news. Choisir ses sources (fanfandu98Réel sera toujours moins fiable que Le Monde), les multiplier et les croiser entre elles, sont deux premières pistes intéressantes. On citera également le danger du partage massif en chaîne de messages non vérifiés concernant l’actualité. Enfin, se documenter soi-même de manière volontariste en choisissant des canaux fiables, sans attendre que l’information vienne à soi, permet également d’être mieux préparé et protéger le jour où une fake news est proposée. Le grand public, par une sensibilisation puis un travail personnel, joue donc un rôle majeur sinon central dans le désamorçage des fausses informations.