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Fleuves et barrages, enjeux géopolitiques : 3 exemples précis pour briller dans une copie

Sommaire
barrage et fleuve enjeu géopolitique majeur

Dans cet article, tu comprendras l’importance cruciale des fleuves dans les rapports de puissance et la diplomatie entre États. A l’heure d’une raréfaction des ressources en eau, les fleuves et barrages revêtent un poids géopolitique de premier plan.

 

Le Nil et le barrage de la Renaissance éthiopien : un fleuve sous tension géopolitique

Le Nil, principal fleuve africain

Le fleuve Nil est long de 6700 kilomètres, ce qui en fait le fleuve le plus long du monde avec le fleuve Amazone. Il est composé de deux branches : le Nil Blanc et le Nil Bleu. Le Nil Blanc prend sa source dans le lac Victoria : c’est le plus grand lac d’Afrique, au nord de la Tanzanie. Le Nil Bleu, quant à lui, provient du lac Tana en Éthiopie. Ces deux branches fusionnent à Khartoum (Soudan) puis le Nil réunifié se jette dans la Méditerranée, après avoir traversé l’Égypte.

Les principaux pays africains concernés par l’exploitation de ce fleuve sont donc l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie.L’Égypte exploite déjà le fleuve de manière intensive, en particulier grâce au Haut barrage d’Assouan, et dépend à 90% du Nil pour ses approvisionnements en électricité.

 

Le projet éthiopien de barrage sur le fleuve Nil

L’Éthiopie a lancé en 2013 un projet colossal, celui du « barrage de la Renaissance ». Il doit permettre à l’Éthiopie de doubler sa production énergétique. Le financement du projet a d’abord posé problème, car les dégradations écologiques associées au projet ont dissuadé la majorité des investisseurs internationaux. La Chine, moins regardante, a accepté de financer une partie du barrage, dans le cadre de sa stratégie des nouvelles routes de la Soie.

Sur le plan diplomatique, l’Éthiopie avait obtenu en 2010 la signature d’un accord entre 6 pays riverains du Nil mettant fin au droit de veto égyptien sur le Nil. L’Égypte disposait de ce privilège sur le Nil depuis un traité signé en 1959 avec le Soudan pour le partage des eaux du fleuve.

En 2015 également, Soudan, Égypte et Éthiopie était parvenus à un accord sur ce projet de barrage. L’Éthiopie s’engageait à maintenir les débits du fleuve pour l’agriculture égyptienne. Le Soudan devait accéder à des prix préférentiels sur l’électricité produite par le barrage.

 

L’émergence de tensions géopolitiques autour du barrage de la Renaissance

En 2017, l’Éthiopie annonce vouloir augmenter la quantité d’eau prélevée sur le fleuve. L’Égypte en réfère à la Banque mondiale. Mais l’Éthiopie ne reconnaît pas l’arbitrage de l’institution puisque celle-ci lui a refusé de financer le projet éthiopien.

En 2019, une nouvelle réunion bilatérale entre Égypte et Éthiopie a lieu, mais aucun arrangement n’est trouvé.

En juillet 2023, en marge du Sommet du Caire des pays voisins du Soudan, une rencontre informelle a lieu entre le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, et le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Les deux hommes ont décidé de mettre en place des négociations accélérées pour trouver un accord avant quatre mois. Il s’agit d’un progrès significatif dans le contentieux qui oppose les deux pays depuis plusieurs années.

 

Le Fleuve Sénégal et le conflit géopolitique entre Sénégal et Mauritanie

Un premier succès diplomatique : l’OMVS en 1972

L’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) est créée par Mauritanie, le Mali et le Sénégal en 1972.L’OMVS siège à Dakar. Sa mission principale est de gérer le bassin versant du fleuve Sénégal (300 000 km2). Ce bassin est peuplé à 50% de Sénégalais, 45% de Mauritaniens, et 5% de Maliens. Les objectifs d’une telle diplomatie sont multiples. En premier lieu, il s’agit de développer l’autosuffisance alimentaire du bassin tout en favorisant son développement économique. En second lieu, l’OMVS s’attache à la réduction des vulnérabilités liées au changement climatique et à la protection des écosystèmes.

D’une telle coopération naît le barrage de Diama, projet commun aux trois pays de l’OMVS, construit de 1981 à 1986. Le barrage vise à enrayer la diffusion du sel dans les eaux intérieures, afin de préserver les cultures. Il favorise également l’irrigation des cultures.

 

La naissance d’un conflit géopolitique entre Sénégal et Mauritanie autour du barrage

Le barrage est construit dans un contexte de bouleversements sociaux en Mauritanie. En effet, la construction du barrage modifie les rapports de force entre éleveurs et agriculteurs. Au même moment, la réforme foncière mauritanienne (1983) fragilise les régimes coutumiers dans le pays.

En parallèle, la Mauritanie renforce ses liens avec le monde arabe alors que le Sénégal reste attaché à la Francophonie. Les deux pays sont de plus en plus distants sur les plans diplomatique, idéologique et culturel.

Le conflit naît en 1989, d’un accrochage entre bergers peuls mauritaniens et paysans soninkés sénégalais. S’ensuit une escalade de la violence entre les ethnies. Il convient également de noter le rôle des médias qui exagèrent la dimension ethnique du conflit, ce qui attise encore plus les tensions.

Les succès de coopération autour de l’OMVS et du barrage de Diama n’auront donc tenu que quelques années, et la diplomatie régionale restera fragilisée des années après la fin du conflit en 1991.

 

La diplomatie autour du fleuve Río Paraná entre Brésil, Paraguay et Argentine

Ce fleuve traverse plusieurs pays d’Amérique du Sud. Il prend sa source dans le Sud du Brésil et se jette dans l’Océan Atlantique depuis l’Argentine. Il est d’abord le prétexte à un rapprochement diplomatique entre Brésil, Paraguay et Argentine en 1979 (cf. article Le Monde de l’époque). Les trois pays mettent fin à dix ans de conflits en signant un accord sur l’exploitation conjuguée des eaux du Río Paraná. Ces accords sont signés par les dictateurs au pouvoir dans les trois pays : Pinochet au Chili, Stroessner au Paraguay, Figueiredo au Brésil.

 

Cet accord donne lieu à la construction du barrage d’Itaipu, à la frontière entre Brésil et Paraguay, en 1984. Il prévoyait également la construction du barrage de Corpus par l’Argentine et le Paraguay, mais celui-ci ne verra pas le jour.

Toutefois, le traité fait actuellement l’objet d’un mécontentement général au Paraguay. Ce dernier a déjà renégocié les prix de l’électricité qu’il vend au Brésil.

 

Lire aussi : La crise géopolitique de l’or bleu : tout comprendre !

 

Conclusion

Comme tu as pu le constater, les fleuves suscitent nombre de projets d’exploitation économique, qui ne sont pas sans conséquences géopolitiques. Les fleuves sont ainsi « sources, arènes et enjeux » de la puissance, pour reprendre la formule d’Alain Litzellmann dans son article « La puissance et la mer » (publié en 2005 dans la revue Questions Internationales).

 

 

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Constantin SIMON
Élève à HEC Paris après deux ans à Stanislas (Paris 6), je suis rédacteur pour Mister Prépa et Planète Grandes Écoles. J'écris des articles dans les rubriques Géopolitique, Mathématiques, Python, Langues.