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Géopo ESCP 2022 – Analyse du sujet

Sommaire

Découvrez sans plus attendre l’analyse du sujet de Géopo ESCP du concours 2022. Il s’agit d’une épreuve pour les candidats de la voie scientifique (ECS).

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L’analyse du sujet de Géopolitique ESCP 2022

 

Sujet assez classique, vu et revu par la plupart des candidats en prépa ECG et pourtant encore dans l’air du temps, pas plus loin qu’en fin février 2022, sur ordre du Président russe Vladimir Poutine, la Russie envahit l’Ukraine, et opère ce que le Président syrien appelle « une correction de l’Histoire ». La guerre est alors très vive aux frontières de l’UE tandis que l’Espagne prolonge la fermeture de ses frontières terrestres avec le Maroc sur fond de crise diplomatique, alors même que les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellilia se trouvent au nord du Maroc et permettaient l’importation par le Maroc de biens espagnols sur son territoire.

Bref vous l’aurez compris, aussi « classique » soit-il, un sujet sur les frontières reste pleinement d’actualité et nécessiterait une très fine analyse :

 

Proposition d’accroche et de paradoxe :

Dans son essai Le Retour des frontières publié en 2016, le géopolitologue Michel Foucher remarque que si certains États s’obstinent à construire plus de murs qu’auparavant à l’instar de la Grèce ou des pays membres du Groupe de Visegrád “V4” (Pologne, République tchèque, Hongrie et Slovaquie) , d’autres en vont jusqu’à la fermeture unilatérale de leurs frontières comme Malte en 2015. On assisterait alors à un retour des frontières. Pour autant, le titre est trompeur et l’auteur estime en réalité que les frontières n’avaient jamais disparu, « sauf sur nos cartes mentales d’Européens ». Elles sont nécessaires car sans frontières il n’y a pas d’États ni de souverainetés, et un monde sans États est un monde barbare. En effet, la Doxa selon laquelle la mondialisation s’accompagnerait d’une dynamique d’effacement des frontières étatiques. Pour Foucher, c’est une erreur, la mondialisation s’accompagne d’un mouvement de consolidation territoriale. Sur les 248 000 km de frontières, 26 000 ont été instituées depuis 1991.

 

Définition des termes du sujet :

  • Vers un retour : Cela suppose un mouvement vers le point d’origine, au point de départ à savoir un monde où les frontières étaient fermées. Or, la construction des frontières dans le monde est d’abord la construction de limites administratives séparant les Etats et, plus généralement de discontinuités spatiales. Comme l’illustre les cinq moments clés de la construction frontalière dans le monde : 1/ le traité de Tordesillas en 1494 qui partage l’Amérique entre Portugais et Espagnols ; 2/ le traité de Westphalie de 1648 qui entérine le découpage de l’Europe et donne naissance à la définition contemporaine de l’État-nation 3/ la conférence de Berlin en 1884-1885 qui lance une « course aux clochets » pour la colonisation et le partage de l’Afrique entre puissances européennes 4/ fin de la SGM et début de la Guerre froide : division par le rideau de fer, début décolonisation 5/ après la Guerre froide :  réunification allemande, éclatement de l’URSS et élargissement de l’UE..
  • Frontières : Les frontières sont, pour Michel Foucher, des « espaces terrestres de configuration linéaire » in Fronts et frontières, des « enveloppes linéaires d’ensemble spatiaux de nature politique » à distinguer des dyades, « frontière(s) commune(s) associant deux États» . Si la frontière a toujours une fonction de « délimitation symétrique de compétence », elle prend des formes diverses. Ainsi Jean Gottmann se demande si elle est « une ligne ou une zone ». La rupture ne se borne pas à une ligne, elle affecte des paysages ; survolant la frontière entre RDA et RFA, il observe des « contrastes de structures agraires, produits des systèmes socio-politiques ». L’horogenèse, science des frontières, étudie leur tracé, leur démarcation, et « l’usage que les hommes s’en font ». La démarcation prend des formes diverses : « lignes, murs, barrières à éléphants des parcs naturels, simples fils barbelés d’exploitations agricoles ». La frontière est une « construction récente » et une notion polysémique : si border (ou boundary) évoque une limite politique, frontier renvoie à un front pionnier à mettre en valeur. Elle n’est pas irréversible, notamment dans le cadre de la globalisation : « l’effacement économique et démographique ne s’accompagne pas nécessairement d’un abaissement des barrières fiscales et d’une disparition des frontières stratégiques ». Les frontières ont souvent une origine exogène, notamment dans le tiers-monde, qui compte pour 79 % du kilométrage : 17,2 % ont été tracées par les Français et 21,5 % par les Anglais. En Europe, seuls 2 % des frontières tracées au XX° siècle résultent d’un plébiscite. Même si les frontières unilatérales restent nombreuses, l’auteur concède que « le plus souvent, il faut être jeux pour tracer frontière», L’État n’a pas le monopole de la création frontalière: des peuples et des groupes particuliers en créent aussi Foucher traque les « faux dilemmes » , les oppositions simplistes : frontière naturelle (Ligne de partage des eaux, fleuve, montagne) / artificielle (trace géométrique) ; bon tracé (consensuel) / mauvais trace (conflictuel); frontière arbitraire (coloniale, dite « de chancellerie. », )ou conventionnelle (issue d’un traité). Ces approches n’ont aucune pertinence : un accord frontalier n’empêche nullement une guerre (cf. Iran et Irak malgré l’accord d’Alger de 1975), et l’idée de frontière bonne parce que naturelle elle ne résiste pas aux faits : « Si l’Himalaya était la barrière que l’on persiste à se représenter, comment expliquer alors la tension permanente entre Chinois et Indiens aujourd’hui» . Il analyse ainsi le potentiel de conflictualité de la frontière : « Si des frontières posent problème, aujourd’hui, c’est moins parce qu’elles découpent que parce qu’elles regroupent ». Elles imposent la cohabitation à des peuples inconciliables historiquement et culturellement.

 

Proposition de problématique :

De la « Fin des territoires » de Bertrand Badie à « L’éloge des frontières » de Régis Debray où se situe l’avenir des frontières dans cette dynamique de déterritorialisation et de reterritorialisation permanente des économies ?

 

Proposition de plan :

I / Le renouveau et retour des frontières est une réponse historique aux maux du monde

  1. A) Les frontières : un phénomène ancien
  • Des frontières instaurés par des conférences internationales redessinant les contours des états vaincus et créant des états nouveaux : Tordesillas, Westphalie, Paris (1763), Vienne, Berlin, Versailles, Yalta, Potsdam… soit au total 261 570 km (dont 29464 créés après 1990) et traités d’intangibilité (1963, 1975)
  • Pour autant des conflits frontaliers restent persistants : Sahara occidental, cachemire, Soudan-Sud, Grèce-Turquie, Palestine…
  • Une structure de plus remise en cause partiellement par le processus de mondialisation : le fameux Bordeless World, construction de zones de libre-échange, d’intégrations régionales dans les années 1990 (pour l’Europe double mouvement à la fois d’intégration autour de l’UE et création de nouveaux états issus de l’ex-Yougoslavie et de l’ex Urss.
  1. B) Cependant un renouveau et retour des frontières est constaté
  • Persistance ou aggravation des tensions frontalières au Moyen-Orient et en Afrique, violation en Crimée, etc…
  • Développement de pratiques de durcissement (clôtures ou murs) EU, Europe, Asie du Sud…
  • Prégnance des questions migratoires en Amérique du Nord, Europe,..
  • Territorialisation des océans (Arctique ou encore mer de chine méridionale)
  • Ou encore mise en place de mesures protectionnismes
  1. C) Qui est l’expression de maux ou de peurs
  • Maux sociaux : inégalités
  • Maux identitaires : peur de perdre sa souveraineté face aux migrations, face à l’universalisation des normes
  • Maux géoéconomiques : peur des Etats face aux FTN
  • Maux sécuritaires : Terrorismes, peurs d’expansionnisme

II/ Cependant, le retour des dynamiques des frontières est complexe : elles apparaissent à la fois comme des coupures et des coutures, des zones de coopération.

  1. A) La dévaluation des frontières : chronique d’une mort annoncée et d’une utopie révélée ?
  • De Benjamin Constant dès 1813 « plus la tendance commerciale domine plus la tendance guerrière s’affaiblit » à Mac Luhan le village planétaire ou à T Friedman l’essayiste consensuel « le monde est plat » la terre est devenue plate du fait de la création d’un espace homogène donnant accès universel sur la toile qui rend possible la collaboration en matière de recherche et de travail en temps réelle indépendamment de la géographie et de la distance » (2006) en passant par Kenichi Ohmae père de la Triadisation et auteur de « Borderless world » (1990) au titre sans appel de R O’Brien et sa prophétie : « la fin de la géographie » (1992), à ou à Bertrand Badie « la fin des territoires » conçu comme supports d’une identité politique citoyenne, nombreux sont les fossoyeurs des frontières ou plutôt de certaines frontières.
  • Des dynamiques convergent donc pour désactiver les frontières et donner corps à l’utopie de la fin des frontières. Les transferts de souveraineté des États au profit d’une gouvernance régionale ou planétaire même si elle est lente et erratique (globalisation financière et ses règles prudentielles), protocole de Kyoto et ses engagements même si non partagés par l’ensemble des pays, règles de l’OMC à l’amont des échanges (même si exception culturelle et lenteur des accords de Bali au TIPP). 

  1. B) Les frontières et les Etats reconvoqués ; beaucoup d’acteurs rappellent avec réalisme l’importance des frontières à constituer des interfaces de la mondialisation. 

  • Les frontières sont historiquement des lignes de front ; d’ailleurs, le terme de frontière dérive de front. Le front est au sens strict la ligne de feu entre deux armées. Il est militaire, toujours mobile et mouvant, conquérant. En témoignent les expressions « faire front », « affronter » et « attaquer de front « , et les dérives militaires : « ligne de front », « front fortifié ». D’obstacles, les frontières deviennent peu à peu des interfaces après 1945 au nom du libéralisme économique : pour une allocation optimale des ressources, au nom du libéralisme politique, porteurs de valeurs universelles…
  1. C) Les frontières ont un avenir
  • Il est un espace qui se dote de frontières : l’espace maritime. Après la seconde guerre mondiale, l’approche de H. Truman prévaut petit à petit : « le plateau continental peut être regardé comme l’extension de la masse terrestre de la nation souveraine » déclaration opportune pour maîtriser les gisements du Golfe du Mexique et à l’image de pays comme le Chili ou le Pérou initiateur de zones exclusives la conférence de Montego Bay en 1982 conclue par 130 pays, crée un zonage précis de l’espace maritime : les récalcitrants se rallient, ex la Chine récemment et des pays font de ces espaces maritimes la base de leur puissance la France et ses 12 millions Km2 de ZEE (2ème RM).
  • Les frontières du crime peuvent être matérialisées comme à Los Angeles où la voie ferrée qui sépare le quartier de Watts est l’interdit absolu pour les Crips et les Bloods qui se livrent une guerre fratricide depuis 40 ans des frontières lignes de démarcation demeurent comme les barbelés de Kim Jong-il maintenues par Kim Jung Un qui séparent famine et eldorado capitaliste mais ne laissant qu’une périlleuse échappatoire via la Chine aux transfuges.

III/ Dès lors, la controverse sur le renouveau des frontières apparaît cyclique et pas toujours pertinente selon les régions et espaces du monde 

  1. A) Repouser les facteurs de tension au-delà des frontières Étatiques. 

  • C’est le cas de l’UE. C’est notamment le sens de la PEV (Politique européenne de voisinage) et du partenariat oriental signé avec la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine. L’UE tend ainsi la main à son voisinage par des accords de coopération et des conditions commerciales avantageuses. La frontière avec certains de ces pays – la Géorgie n’a pas de frontière directe avec l’UE – reste ainsi relativement ouverte. Cela permet aussi, en favorisant le développement de ces pays, d’atténuer le gradient de développement avec l’UE qui peut être un facteur de tension. Sur un autre plan, l’UE cherche aussi à repousser ses frontières migratoires. L’accord Syriens contre Syrien signé en 2016 avec la Turquie moyennant une contrepartie financière de 6 MM d’Euros, allège la pression migratoire sur la Grèce.
  • C’est également la volonté de Trump lors de son mandat pour fortifier le mur à frontière mexicaine.
  • Gestion interne des tensions liées aux frontières en Afrique grâce à l’UA.
  1. B) La mondialisation culturelle et lréticulaire semble transcender les frontières
  • Les frontières culturelles séparent deux modes de vie, deux langues ou deux religions
  • 
La Méditerranée coupe l’islam du christianisme, le Rio Grande l’anglais de l’espagnol. Encore ces limites sont-elles mouvantes, l’espagnol remontant vers le nord. Il s’agit de marges étalées dans l’espace plus que de frontières linéaires. Pourtant elles sont souvent issues de frontières anciennes. Ainsi, la séparation entre orthodoxie et catholicisme qui perpétue celle entre Empires romains d’Orient et d’Occident.
  • Le sport est d’abord réservé à une élite puis est devenu un phénomène mondial et un enjeu économique. Le football s’est propagé à la domination britannique au début du 20ème siècle. La participation de pays toujours plus nombreux aux JO témoigne de la mondialisation du sport. 

  1. C) Quel avenir des frontières ?
  • Concernant les frontières du cyber espace :  médias et centres de commandement sont concentrés dans de grands groupes comme News Corps (Rupert Murdoch : Fox News, My space), Bertelsmann (RTL, part dans M6). Depuis 1998, ICAN gère les noms de domaines et le fonctionnement des adresses IP, organisme indirectement sous le contrôle des USA. ICAN peut suspendre des domaines entiers (.iq -> Irak). Europe et Chine revendiquent un droit de regard.

Quant à la cartographie :

On aurait pu soit affiner notre analyse sur une région du monde en particulier (notamment l’UE, la mer de chine méridionale, le bassin indo-pacifique ou encore le golfe arabo-persique) ou garder un plan global. 



Proposition de plan de cartographie :

Titre : Les enjeux paradoxaux de la scène frontalière contemporaine.

I/ Une horogenèse mondiale encore active :

  1. A) Un pavage Étatique serré et encore complexe…

 (Gradients de couleurs selon des : États anciens avec des frontières stables / États anciens avec des frontières ponctuellement instables / États aux tracés frontaliers redessinés récemment depuis les années 1970)

  1. B) susceptibles de nouvelles modifications frontalières et territoriales 

(États faillis, « balkanisables », incapables d’assumer leurs fonctions régaliennes dont le contrôle et la sécurité de leurs frontières, la menace des indépendantismes, des séparatismes ou des irrédentismes, revendications territoriales étatiques)

II/ Les frontières de l’effacement au développement des zones transfrontalières.

  1. A) Un monde sans frontière devenu « plat » (T. Friedman) 

(Siège de l’OMC : au cœur de la dynamique d’abaissement des barrières douanières, Asean et Mercosur, deux associations commerciales régionales parmi d’autres dédiées au libre-échange, l’espace Schengen : la liberté de circulation des hommes dans 28 États , les mégapoles de l’AMM : des villes en réseau qui se «jouent» des frontières, principaux Hubs aéroportuaires : plus de 3 milliards de voyageurs par an )

  1. B) Zones de croissance et flux transfrontaliers 

(Quelques zones franches : ZES, EPZ et autres FTZ, grandes zones transfrontalières, Flux d’IDE, triangles de croissances)

III/ Maintien et renforcement des tensions frontalières

  1. A) Tensions et conflits terrestres

(Le renforcement des flux migratoires internationaux (des « flux mixtes » du travail, du réchauffement climatique et de l’asile, etc.).  La construction de murs : un syndrome obsidional)

  1. B) Tensions et conflits maritimes

(Barrières maritimes, Conflits maritimes de haute intensité. Conflits maritimes de basse intensité)

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