Lundi 7 août 2023, le vice-premier ministre italien, Matteo Salvini, a annoncé la création d’une taxe de 40 % sur les « surprofits » de « milliards » d’euros des banques pour compenser le coût pour les ménages et les entreprises de l’envolée des taux d’intérêt.
L’Italie va prélever une taxe de 40% sur les surprofits des banques
Le gouvernement italien fustigeait depuis des mois la politique monétaire de la BCE. « Il est juste de lutter de manière ferme contre l’inflation, mais pour de nombreuses personnes, la recette simpliste des hausses de taux suivie par la BCE ne semble pas être la bonne voie », avait déclaré devant le Parlement Giorgia Meloni. Son vice-président du Conseil, Matteo Salvini, qualifiait même cette hausse de « dangereuse pour l’économie transalpine et néfaste aussi bien pour les ménages que pour les entreprises ». En effet, la remontée brutale des taux d’intérêt directeurs, précisément pour juguler l’inflation, dope les revenus des établissements de crédits, en particulier dans les pays où priment les emprunts à taux variables.
Les banques italiennes, à l’instar de leurs concurrentes dans d’autres pays européens, ont vu leurs revenus nets d’intérêts s’envoler dans la foulée de la hausse des taux, sans pour autant augmenter la rémunération des comptes courants de leurs clients. La première banque italienne, Intesa Sanpaolo, a ainsi vu son bénéfice net bondir de 80 %, à 4,2 milliards d’euros, au cours des six premiers mois de l’année, grâce aux revenus générés par la hausse des taux d’intérêt. Sa rivale UniCredit a affiché un bénéfice net semestriel de 4,4 milliards d’euros.
Le gouvernement italien a donc décidé de les soutenir en instaurant une taxe sur les surprofits des banques, qui visera à « compenser la hausse des taux de la BCE qui a entraîné une augmentation du coût de l’argent pour les ménages et les entreprises ». Cette nouvelle taxe devrait rapporter à l’Etat environ 4 milliards d’euros, selon les premières estimations. Elle devra être réglée d’ici juin 2024 et concernera les exercices comptables de 2022 et 2023. Le prélèvement de 40 % sera effectué si le revenu net d’intérêts enregistré en 2022 dépasse d’au moins 3 % la valeur de l’exercice 2021. Cet impôt sera appliqué sur la partie excédant le montant de l’exercice précédent. Les recettes découlant de cette taxe seront versées à un fonds destiné à financer des mesures de réduction de la charge fiscale des ménages et des entreprises.
Lire plus : L’augmentation des taux d’intérêt directeurs des banques centrales, bonne ou mauvaise solution ?
L’Italie dans le giron d’autres pays européens
La quasi-totalité des pays membres de l’Union européenne a mis en place, sous une forme ou sous une autre, une taxation exceptionnelle des entreprises de l’énergie, dont les recettes ont bondi avec l’augmentation des prix liée à la guerre en Ukraine. Et quatre pays (la Hongrie, la République tchèque, la Lituanie et l’Espagne) ciblent déjà par la même occasion les entreprises bancaires.
Au printemps dernier, le gouvernement lituanien arguait ainsi que les bénéfices du secteur bancaire seraient deux fois plus élevés en 2023 qu’en 2022, constituant une « rente économique » qu’il était pleinement justifié d’imposer à titre exceptionnel. Idem en Espagne, où le ministre des Finances, María Jesús Montero, insistait en début d’année sur le caractère « tout à fait raisonnable » de sa taxe sur les revenus exceptionnels du secteur bancaire, puisqu’elle doit rapporter 2,6 milliards d’euros dans les caisses de Madrid sur deux ans, alors que les bénéfices du secteur bancaire espagnol ont dépassé les 20 milliards d’euros en 2022.
Lire plus : Olivier Blanchard appelle les banques centrales à relever l’objectif d’inflation à 3%
La Banque centrale européenne et le secteur bancaire sont loin d’être en faveur de ces mesures
Si l’idée de taxer les banques séduit un nombre croissant de gouvernements européens, elle ne fait pas l’unanimité. Son contempteur le plus explicite n’est autre que la BCE, qui a ouvertement critiqué ces derniers mois les innovations fiscales hongroises, tchèques, lituaniennes ou espagnoles. Pour l’institution de Francfort, ces mesures risquent de grignoter les fonds propres du secteur, pourtant essentiels à la sécurité du système bancaire. Elles sont aussi susceptibles de raréfier et de renchérir le crédit si les banques souhaitent répercuter ce manque à gagner.
Sans surprise, les banques sont également opposées à toute taxation exceptionnelle de leurs revenus. En Espagne, les deux plus grandes associations représentatives de l’industrie ont contesté en justice la légalité de la taxe espagnole votée en décembre. De fait, le prélèvement espagnol, à hauteur de 4,8 % des revenus nets d’intérêts au-dessus de 800 millions d’euros, grève les résultats du secteur. Santander, la banque numéro une en Espagne, a dû s’acquitter d’une facture de 224 millions d’euros en début d’année, amputant son bénéfice du premier trimestre de 9 %. L’ordre de grandeur est le même pour l’autre géant ibérique, BBVA.
Les banques françaises, notamment le Crédit Agricole et la BNP Paribas, très présentes en Italie, pourraient être concernées par cette taxe sur les superprofits. Avec 1 120 agences et 12 200 collaborateurs pour 2,7 millions de clients à fin 2022 Crédit Agricole Italia, est devenue la septième banque du pays par le total des actifs et le nombre de clients. De son côté, BNP Paribas est présent en Italie à travers sa filiale BNL Banca Commerciale, qui compte 10 000 collaborateurs et représentait la cinquième banque du pays pour ses prêts à la clientèle à fin 2022.
Lire plus : Le resserrement anticipé des politiques monétaires des banques centrales sud-américaines a porté ses fruits
Pour conclure, en Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni a décidé de prélever une taxe de 40 % sur les surprofits des banques commerciales générés par la hausse des taux d’intérêt. Cette décision surprise a pris de cours les investisseurs qui se sont rapidement détournés des actions bancaires italiennes. A la Bourse de Milan, mardi après-midi, Intesa Sanpaolo perdait 8 %, Unicredit 6,5 % et Monte dei Paschi di Siena 8,8 %.