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Être Kurde : quelle reconnaissance ?

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Les Kurdes représentent 48,45 millions*1 de personnes, ce qui constitue le peuple apatride le plus important du monde. Les Kurdes sont répartis entre la Turquie (22 millions*1), l’Iran (12 millions*1), l’Irak (8,6 millions*1), la Syrie (2,6 millions*1) et en diaspora (3,25 millions*1). Ils semblent être au cœur d’une situation géopolitique tendue, et subir des tensions de toutes parts dans la région. Les Kurdes ont la même langue, la même culture et la même histoire (descendants des Mèdes). Bien qu’ils soient assimilés dans leur pays de manière bien souvent violente, ils espèrent conserver une identité forte, mais ne sont pas toujours entendus… 

 

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Le Kurdistan : une cause oubliée

En 2019, la cause kurde connaît un regain de popularité avec l’opération « Source de paix » menée par l’armée turque dont l’objectif est de neutraliser la présence kurde au Rojava afin d’empêcher le Parti de l’Union Démocratique (PYD, un parti politique kurde syrien) de réaliser une région autonome à la frontière turque qui pourrait déstabiliser l’ordre du pays. Seulement, depuis 2019, les revendications kurdes ne sont que très peu écoutées, alors même qu’ils subissent des violences, souvent le fruit de l’assimilation forcée orchestrée.

En Turquie, on semble vouloir effacer les revendications kurdes, car même s’ils sont représentés par le Parti démocratique des peuples (HDP), celui-ci ne peut pas pour autant se développer comme les autres partis, et se retrouve souvent censuré. Le parti a dû se présenter sous la bannière du Parti vert de gauche (Yeşil Sol Parti) aux élections législatives de mai 2023, car il était visé par une procédure d’interdiction. 

En Iran, on y mène une grande répression envers les Kurdes à base d’interdictions, d’arrestations et d’exécutions. Ce qui réduit la cause kurde encore une fois au silence. Même si la mort de Mahsa Amini, une kurde morte pour avoir refusé de porter son voile, a fait parler d’elle, le fait qu’elle soit kurde ne s’est pas ébruité.

En Irak, là où la situation semble être en apparence la plus souhaitable pour les Kurdes, car il y existe un gouvernement kurde autonome, la situation n’est pourtant pas viable : le système politique corrompu et clientéliste semble accroitre la discrimination et dans lequel chaque parti œuvre pour ses propres intérêts. Près de la frontière, les habitants du Kurdistan irakien subissent des attaques de la part de la Turquie voisine qui a amplifié récemment ses incursions dans la région. On constate donc qu’en Irak, les Kurdes ne paraissent pas avoir trouvé une situation souhaitable et ne sont que très peu entendus par le gouvernement irakien. 

En Syrie, les Kurdes possèdent un territoire partiellement autonome à la frontière avec la Turquie. Territoire qui ne semble pas viable, car il est la cible de l’État islamique, de Damas, Ankara, Moscou et Téhéran.

Enfin, la diaspora kurde tente de se faire entendre depuis différents pays, mais ne se sent pas toujours écoutée. En France par exemple, les Kurdes reprochent à l’État français de ne pas lever le secret-défense à propos d’un assassinat en 2013 pour la mort de trois militants kurdes exécutés en pleine rue.

Mais alors pourquoi, alors que les Kurdes constituent le peuple apatride le plus important démographiquement au monde, ne sont-ils pas entendus ?

 

Les Kurdes, victimes de violence systémique

Premièrement, on peut facilement affirmer que les divisions des différentes composantes kurdes les empêchent de mener une lutte commune. Les Kurdes, comme dit précédemment, sont divisés géographiquement entre quatre pays, ce qui rend la conservation de leur combat et de leur culture difficile. Dans chacun de ces pays, ils prennent une forme différente avec des revendications qui diffèrent parfois. Sans une unicité des peuples kurdes, il semble difficile de se faire entendre de manière satisfaisante.

Les Kurdes sont de plus, souvent à travers l’histoire et même encore aujourd’hui, assimilés de force à une culture. Pour exemple dans la décennie qui a suivi 1925, de la déportation des Kurdes pour les rendre plus Turcs afin d’unifier la Turquie de Mustafa Kemal Atatürk. Au point qu’en 2006, dans les 1440 bibliothèques publiques turques, il était impossible de trouver un seul ouvrage en langue kurde, alors même que les Kurdes représentent environ un quart de la population en Turquie. On peut aussi mentionner le décret n*199 sous le régime de Saddam Hussein en 2001 qui instaurait une « correction de nationalité ». Ces politiques visant à rendre Arabes, Perses ou Turques les Kurdes qui ont des origines indo-européennes, rendent la tâche de défense des causes kurdes presque impossible.

Il est également difficile pour les Kurdes de se faire entendre alors même qu’ils sont persécutés. Ce qui est le cas aujourd’hui en Iran où ils fuient pour beaucoup en Kurdistan irakien. En 2019, on comptait soixante-quatre habitants de la province kurde d’Iran qui se sont suicidés en raison de la situation de pauvreté et de divers facteurs sociaux.

Enfin, le sentiment d’abandon des Kurdes est exacerbé par de nombreuses déceptions de la part de soutiens extérieurs. Comme l’abandon du soutien américain au Rojava (en Syrie) en 2019, qui les a laissés seuls face à une Turquie qui en a profité pour mener l’opération militaire Source de paix afin d’empêcher la pérennisation d’une région contrôlée par des forces liées au YPG (les Unités de protection du peuple).

Mais alors, quel avenir pour ce peuple qui semble abandonné de tous ?

 

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Quel avenir pour les Kurdes ?

La conséquence du fait que les Kurdes ne soient pas entendus, est que les autorités turques, iranienne, irakienne et syrienne en profitent pour discriminer le peuple kurde. Le rêve d’un unique Kurdistan paraît aujourd’hui impossible à cause des nombreuses disparités qu’il peut y avoir au sein de ce peuple. Dans chaque pays, le destin des Kurdes semble prendre une forme différente.

En Turquie l’espoir pour les Kurdes semble résider dans une solution politique avec le parti du Parti démocratique des peuples, même si celui-ci est souvent attaqué en justice comme vu précédemment, il peut continuer à se faire entendre à travers la politique, davantage, il semble, que par la force avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

En Iran, les Kurdes ne paraissent pas avoir de places dans une théocratie toujours plus répressive, qui les contraint à fuir en Irak voisin. En effet, en Iran, près de la moitié des prisonniers politiques, dont le nombre est évalué à plusieurs centaines, sont des Kurdes, alors que cette minorité représente moins du dixième de la population.*2 

En Irak, même si les Kurdes semblent avoir trouvé une certaine reconnaissance avec le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), les conditions dans cette région y sont difficiles et les jeunes ne rêvent que d’une chose : partir.

Le Rojava, une région rebelle autonome de fait, contrôlée en majorité par des Kurdes, a un avenir incertain, car ils ont peu de soutien et ni de Recep Tayyip Erdoğan, ni de Bachar al-Assad ne veulent de cette autonomie.

Enfin, la diaspora kurde, bien qu’elle soit éclatée (majoritairement en Europe), elle, a su se créer un référentiel commun.

 

Le sort des Kurdes résonne comme un cri silencieux. Malgré leur histoire millénaire et leur nombre, ils sont confrontés à une oppression systémique qui nie leurs droits fondamentaux. Divisés par les frontières et les intérêts des grandes puissances, les Kurdes aspirent à une reconnaissance internationale et à une autonomie qui leur permettrait de préserver leur identité et leur culture. L’avenir des Kurdes reste incertain, suspendu aux aléas de la géopolitique régionale…

 

*1 Chiffres d’après l’estimation courante de la Fondation de l’Institut Kurde de Paris https://www.institutkurde.org/info/la-population-kurde-1232550992.

*2 Jean-Pierre Filiu, « Les Kurdes d’Iran oubliés de tous », Un si Proche Orient, 24 novembre 2019.

Nous remercions l’association GEM ONU, partenaire de Mister Prépa et un de ses rédacteurs Thomas Richard et Noémie Phélipon, pour l’écriture de cet article.

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