La bombe démographique : courons-nous vers un désastre ?
Jamais dans l’histoire de l’humanité la Terre ne fut aussi peuplée qu’aujourd’hui, et ce peu importe le jour où vous lirez cet article. L’humanité croit de façon exponentielle depuis la révolution industrielle. Pour illustrer cela par des chiffres, il faut savoir que notre population est passée de 1 milliard en 1800 à 2,3 milliards en 1940. Aujourd’hui, nous avons atteint le chiffre vertigineux de 7.7 milliards d’âmes. Certains prédicateurs de l’apocalypse y voient l’annonciation de catastrophes à venir : désastres écologiques, pressions insoutenables sur les ressources, pauvreté et famines, migrations incontrôlables et pandémies toujours plus meurtrières. Le tout dans un climat de chaos et de violence ravageurs. Au-delà des raccourcis de pensée, la géopolitique nous offre la possibilité de raisonner et de penser ces changements à venir.
Les phases de transitions : concept clé pour comprendre les changements
Régime démographique traditionnel (pré-transition) :
La stagnation de la population mondiale pour la majeure partie de l’Histoire de l’humanité est due au fait que le solde naturel (la différence entre le nombre de naissances vivantes et le nombre de décès sur un territoire au cours d’une période) était proche de zéro. Certains pics de mortalité, sont dus à la guerre ou aux épidémies. C’était le cas de tous les pays du monde avant la révolution industrielle. Beaucoup de personnes naissaient mais beaucoup mourraient tout aussi vite, ainsi la population stagnait. Les femmes avaient en moyenne entre 4 et 6 enfants mais, faute d’hygiène, de nourriture et de médecine précise, seuls 2 d’entre eux survivaient jusqu’à l’âge adulte.
Première phase de transition : baisse de la mortalité
Une alimentation plus saine, une hygiène plus minutieuse et une médecine plus avancée font que le taux de mortalité baisse progressivement. Les enfants ont ainsi une plus grande chance de survivre jusqu’à l’âge adulte : le résultat est une explosion de la population. À titre d’exemple, la population du Royaume Uni est passée de 6 millions d’individus en 1750 à 15 millions d’individus en 1850.
Seconde phase de transition : baisse de la fécondité
La baisse du taux de mortalité continue mais plus lentement. En liaison avec les progrès de l’éducation, le changement des mentalités et des structures socio-économiques, le taux de natalité se met alors à décroître. C’est au début de cette phase que le solde naturel atteint son maximum.
Régime démographique moderne
Le taux de natalité ainsi que le taux de mortalité atteignent des niveaux bas et équivalents. Ce qui fait que sur le long terme la population stagne autour d’un nombre fixe. Le tableau ci-dessous résume tout ce que l’on vient de dire.
Si les pays occidentaux ont achevé leurs transitions démographiques en approximativement 80 ans, d’autres pays tels que la Malaisie ou l’Afrique du Sud l’ont fait en 34 ans. Le Bangladesh a achevé sa transition en 20 ans et l’Iran n’a eu besoin que de 10 années pour passer au régime démographique moderne. Ainsi, les Nations Unies prévoient que le 12 milliardième humain ne naitra jamais !
La démographie au coeur de la géopolitique
Les caractéristiques démographiques expliquent bien des situations géopolitiques, aussi faut-il les étudier avec soin et méthode. Explication par Patrice Gourdin, à partir d’un extrait de son célèbre Manuel de géopolitique.
Le nombre peut être un atout décisif tout comme il peut être un handicap, tout dépend des circonstances et de la finesse de son encadrement. À titre d’exemple, l’Allemagne possède plus de sièges au Parlement européen de Strasbourg que la France du fait de sa population plus nombreuse. Le nombre est un atout économique et militaire si l’État est solide tel que le Haut Empire romain, la France du XVIIe siècle ou les empires chinois à plusieurs reprises. Toutefois, lorsque le nombre se transforme en fardeau insoutenable pour les États à cause de crises internes ou tout simplement car ce dernier n’est pas capable de répondre aux besoins alimentaires, sanitaires ou économiques de ses habitants. En ce sens Patrice Gourdin affirme que « Une population en forte augmentation appuie ou impose l’affirmation d’un État en tant que puissance et aide à sa reconnaissance internationale. La Mésopotamie, l’Égypte, la Chine ou Rome émergèrent dans l’Antiquité pour former de grandes civilisations, avec des États structurés et conquérants, en partie sous l’impulsion d’une vigoureuse croissance démographique. Sans un accroissement important de sa population, aux XVIIIe et XIXe siècles, l’édification par la Grande-Bretagne d’un immense empire et de la première puissance économique mondiale n’aurait pas été possible. »
Mais la démographie n’est pas seulement le nombre : elle regroupe aussi un ensemble de caractéristiques selon lesquelles on peut classifier une population. La répartition entre les sexes, l’accès à l’emploi, la distribution des richesses, les multiples confessions religieuses, l’opinion politique sont autant de paramètres qui permettent de mieux déchiffrer des éléments de géopolitique. À titre d’exemple, au Liban, alors que l’équilibre fragile du pays repose sur un partage entre les communautés religieuses, on ignore ce qu’elles pèsent réellement. Le dernier recensement date de… 1932. Ainsi, La très forte natalité des populations musulmanes constitue un facteur déstabilisateur au Liban, où elle réduit la part des Chrétiens dans la population totale et induit chez eux le sentiment d’une menace pour leur place et pouvoir dans le pays.
La bombe démographique en Afrique subsaharienne
Nombre d’experts affirment que la forte natalité de l’Afrique subsaharienne constitue l’un des principaux freins au développement. Toutefois, sachant que la population de l’Afrique subsaharienne va doubler d’ici 2050 : la main d’œuvre jeune sera abondante alors que les données macroéconomiques devraient être favorables au développement de l’Afrique. La qualité des encadrements sociaux, économiques et politiques de la population déterminera donc largement l’avenir. Le nombre apparaît comme une donnée neutre par elle-même. Elle devient positive ou négative sous l’effet de plusieurs facteurs, parmi lesquels sa bonne ou sa mauvaise administration.