Alors que la Russie s’enlisait dans son quinzième mois de guerre en Ukraine, le pays est surpris par un coup de théâtre. Le 23 juin 2023, le chef du groupe militaire WAGNER, Evgueni Prigogine, déclare la guerre au gouvernement russe, s’attaquant tout particulièrement au ministre des armées, Sergueï Choïgou, qu’il accuse d’être responsable de la mort de « dizaines de milliers de Russes » en Ukraine et d’avoir « cédé des territoires à l’ennemi ». Dès lors, même si les menaces du groupe d’envahir Moscou se sont finalement conclues sur un accord avec le gouvernement russe, tuant dans l’œuf la mutinerie d’Evgueni Prigogine, cet événement a montré que le meilleur allié de Vladimir Poutine pouvait lui aussi se retourner contre lui. Entre hybris, néonazisme et crimes de guerre, on est en droit de se demander qui est réellement Wagner, comment ce groupe s’est de plus en plus imposé dans la géopolitique mondiale et surtout quel avenir a-t-il suite à cette tentative ratée de renversement du pouvoir russe.
Qu’est-ce qu’une SMP ?
Avant de chercher à comprendre ce qu’est le groupe Wagner, il faut définir ce qu’est une société militaire privée. Une société militaire privée, ou SMP, est une entreprise spécialisée dans le secteur militaire proposant des prestations d’aide, de conseil et de soutien aux forces armées conventionnelles. Si elles sont peu connues du grand public, force est de constater qu’il en existe de multiples, comme Academi (américaine – 2011, ancien Blackwater – 1997), G4S Risk Management (britannique – 2013) ou encore Spearhead Ltd (israélienne – 2019). Elles ont pour avantages à la fois de permettre une réduction des coûts d’engagement et une externalisation des risques pour les États, tout en opérant dans un cadre juridique flou et donc moins contraignant.
D’où vient le Groupe Wagner ?
Ce dernier avantage explique en partie l’apparition et le développement rapide du groupe Wagner. Créé en 2014 par Dmitri Utkin et Evgueni Prigogine (*Tout deux décédés le 23/08/2023 dans un accident d’avion !), cette société militaire privée a déjà opéré aussi bien en Europe (invasion de la Crimée en 2014, guerre en Ukraine depuis 2022…), au Moyen-Orient (Syrie pendant la guerre civile débutée en 2011), en Afrique (Soudan, Centrafrique, Libye, Mali, Madagascar, Mozambique, Burkina Faso…), ou encore en Amérique du Sud (Venezuela). Son expansion s’est néanmoins décuplée surtout grâce à la guerre en Ukraine. Ayant reçu l’autorisation du gouvernement russe de recruter des prisonniers russes pour les intégrer dans ses rangs en échange d’une remise de peine, le groupe compte aujourd’hui 50 000 soldats, dont 10 000 anciens prisonniers dévoués corps et âme aux décisions d’Evgueni Prigogine. Le groupe est ainsi devenu un acteur crucial dans la géopolitique mondiale, plus que capable d’aider Vladimir Poutine à s’imposer dans sa lutte contre « l’Occident collectif ».
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Les scandales liés à Wagner
Évidemment, une telle expansion n’est pas sans être accompagnée de scandales et de controverses. Le groupe est fréquemment attaqué par les médias internationaux, aussi bien pour l’orientation politique douteuse de ses responsables et membres que pour ses exactions sur les théâtres internationaux. En effet, tout d’abord, le groupe est accusé de faire l’apologie du néonazisme. À noter que Dmitri Utkin est accusé d’avoir choisi le nom « Wagner » en référence au musicien préféré d’Hitler et de promouvoir ses idéaux au sein de ses rangs, comme en témoigne son unité « Rosich” adepte des positions d’extrême droite.
Outre ces accusations idéologiques, Wagner est également tenu pour responsable de nombreux crimes de guerre. On notera, par exemple, le massacre de Gossi en 2022, dans lequel le groupe a cherché à accuser calomnieusement les troupes françaises au Mali d’être responsables d’un massacre de population. Cet exemple met aussi bien en évidence l’impunité du groupe que sa capacité de désinformation qui a fait sa marque de fabrique dans le conflit en Ukraine. Ces scandales sont difficilement punissables, comme en témoigne la mise en place d’une sanction contre l’entreprise en 2022 par l’Union européenne visant à affaiblir le groupe, en vain.
Le groupe Wagner sur le déclin ?
Si le groupe Wagner semblait jusqu’à présent s’imposer dans ce que l’OTAN appelle les « guerres hybrides » comme un acteur nouveau et puissant, l’échec de la mutinerie de juin 2023 met en évidence les limites de l’organisation et plonge l’avenir de cette dernière dans l’incertitude. En effet, le président Vladimir Poutine, suite à son entretien avec Evgueni Prigogine, entend continuer à laisser le groupe combattre et est de plus en plus enclin à légaliser les sociétés militaires privées en Russie. Néanmoins, le Kremlin a également annoncé vouloir imposer un remaniement au sein de la direction du groupe Wagner, évinçant ainsi Evgueni Prigogine de ses fonctions. Si aucun nom n’a officiellement été évoqué, les médias russes semblent se tourner vers Andrei Trochev, un ancien colonel russe, membre fondateur et directeur exécutif du groupe Wagner. Un avenir à l’échelle nationale incertain, donc, qui tend à s’homogénéiser à l’échelle internationale. L’Agence France-Presse (AFP) a récemment évoqué un retrait des troupes Wagner de la Centrafrique et la reconversion de certains de ses membres en « formateurs » pour des armées régionales, comme celle de la Biélorussie. Le groupe Wagner n’est donc pas à l’abri de grands changements dans les prochains mois.
En conclusion, bien que l’avenir du groupe paraît incertain après cette tentative de coup d’État ratée, il est indéniable que cette société militaire privée demeure parmi les armées les plus influentes du monde. Il reste ainsi à observer jusqu’où s’étendra son influence et quelles conséquences cela pourrait avoir sur l’avenir de la géopolitique mondiale.
