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Le monde confronté à la question de la nation Partie 2 : Asie

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Le monde confronté à la question de la nation

Partie 2 : Asie

 

Le cœur, animé par une passion ardente, a été plus fort que la raison. La nation renait, elle apparait comme une évidence de la vie politique et sociale et tend à prendre de plus en plus de place dans le discours politique des dirigeants et politiciens du monde. Dans la première partie de cette série dédiée à l’Europe, nous nous sommes attardés sur le concept difficile à définir de « nation ». Ernest Renan distinguait, dans son Discours à la Sorbonne de 1882, deux composantes du « principe spirituel » qui fondent la nation : « L’une est la possession en commun d’un riche leg de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble ». Mais il serait crédule de croire que le projet national est intrinsèquement inclusif. En Asie, la nation prend de nouvelles formes. Le nationalisme hindou de Narendra Modi prend des formes de plus en plus violentes dans un pays qui se veut être la plus grande démocratie du monde. La Chine communiste renoue avec l’héritage de l’empire et Xi Jinping ne cesse de citer Confucius dans ses discours même si, du temps de Mao, le philosophe chinois fût cloué au pilori par les communistes. Au Japon, le fantôme du passé impérial plane toujours sur la politique et la société.

Mister Prepa vous propose de revenir sur les mutations que traverse le monde contemporain. Et de voir le poids de cette problématique sur la politique et la géopolitique des puissances de L’Asie. A noter qu’un autre article, dédié au Moyen-Orient, paraitra ultérieurement.

 

L’Inde : la violence grandissante du nationalisme hindou

Narendra Modi est né le 7 septembre 1950 au Gujarat. Très jeune, il rejoindra le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) un groupe nationaliste hindou d’extrême droite. L’objectif de ce groupe était de lutter contre le colonialisme britannique et le séparatisme musulman (qui donnera lieu à la république islamique du Pakistan en 1947). Un ancien membre de ce groupe est tenu coupable du meurtre du Mahatma Gandhi.  Aujourd’hui Narendra Modi est membre du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP). Depuis son arrivée au pouvoir, les violences contre les minorités musulmanes et chrétiennes du pays font rage. Economie libérale et rhétorique sectaire sont les deux piliers de la politique de Modi. Ce discours a permis le développement de milices : de simples citoyens qui défendent par le sang et la violence ce qu’ils pensent être ou devrait être la loi. Ces groupes se donnent pour mission d’interdire l’abattage et la consommation de bovidés, agressent les minorités religieuses et détruisent leurs propriétés. L’administration de Modi est accusée de fermer les yeux sur ces violences voire de donner la liste des propriétés appartenant à des familles musulmanes aux milices hindous. De plus, la loi sur la nationalité en Inde de Décembre 2019 incarne cette volonté de la part du gouvernement de mettre au ban la minorité musulmane du pays. « Un grand jour pour l’Inde et [la loi] symbolise notre esprit de compassion et de fraternité. Elle va mettre fin aux souffrances de ceux qui sont persécutés depuis des années », c’est avec des mots à la tonalité humaniste que Narendra Modi a introduit cette loi mais, dans les faits, la loi permet l’obtention de la citoyenneté indienne par les réfugiés d’Afghanistan, du Bangladesh et du Pakistan, arrivés avant 2015, à l’exception des musulmans. Elle est, de fait, jugée discriminatoire envers la minorité musulmane qui constitue 14% des 1,3 milliard d’habitants et bafoue le caractère laïque de la constitution.

 

La nation selon Xi Jinping : Un projet national tout aussi ambitieux que violent

Le narratif selon lequel l’histoire de la Chine était décrite dans les manuels scolaires il y a 40 ans faisait état d’une Chine affaiblie par les guerres, les séparatismes et une mauvaise gouvernance, par conséquent, la nation méritait l’amour de ses fils et de ses filles pour renaitre. Avec la montée en puissance de la Chine, le fondement du patriotisme chinois a changé : la Chine est une grande nation, et les autres nations doivent la considérer de la sorte.  Le Parti Communiste Chinois renoue avec l’héritage des empires et celui du confucianisme pourtant jugé réfractaire au changement et favorable aux classes bourgeoises selon Mao Zedong. La Chine a été humiliée par le colonialisme et les traités inégaux du XIXe siècle, lors de cette période la Chine était morcelée et affaiblie. Désormais, Xi Jinping veut faire de la Chine une nation unie et la première puissance mondiale pour le centenaire de la révolution du parti, c’est-à-dire l’année 2049. Cela passe évidemment par l’unification du pays et laver « les affronts » du passé : Hong Kong, Taiwan, Macao, les iles Senkaku/Diaoyu sont autant de territoires perdus pendant la période de faiblesse de la Chine qu’il s’agit de récupérer, il en va de la crédibilité du parti.  Le Xinjiang, pays des Ouighours, est aussi victime de la politique nationaliste de Xi Jinping : le Parti Communiste Chinois veut  « rééduquer » la population locale pour en faire une partie intégrale de la nation chinoise, même si cela implique l’éradication d’une culture millénaire et l’utilisation de méthodes de torture immondes.

Japon : Le fantôme du passé

La signature des traités inégaux de 1858 avec l’Occident ouvre une période d’instabilité qui se terminera par la restauration Meiji en 1868. La réponse du Japon est résumée dans les deux slogans de l’ère Meiji : « esprit Japonais, technique occidentale » et « armée forte, pays riche ». Un courant nationaliste apparait au Japon et fait de celui-ci un puissant empire qui s’emparera d’une grande partie de l’Asie du Sud et de l’Est. Mais le bilan humain est terrible : selon R. J. Rummel, professeur de sciences politiques à l’Université de Hawaii, entre 1937 et 1945, les Japonais ont « tué entre 3 et 10 millions de personnes, vraisemblablement 6 millions de Chinois, d’Indonésiens, de Coréens, de Philippins et d’Indochinois entre autres, y compris des prisonniers de guerre occidentaux. Des tensions subsistent toujours entre le Japon et ses pays voisins : contrairement à l’Europe, il n’y a pas eu de travail de mémoire. Pour cette raison, le « révisionnisme » japonais est aujourd’hui très diffus. Il ne s’est pas institutionnalisé à l’image des mouvements néo-nazis en Allemagne, mais reste fermement ancré dans une frange marginale de la population. Dans son immense majorité, il s’agit essentiellement d’un fort nationalisme aux yeux mi-clos, où l’on tente autant qu’on peut de passer sous silence les parties encombrantes du fardeau historique. Le néonationalisme japonais s’attache d’avantage aux différences culturelles sur le registre de la distinction entre le « nous » et le « vous ». De plus, plusieurs décisions politiques attestent du fait que le nationalisme japonais est encore présent : révisions des manuels scolaires pour réviser à la baisse le bilan humain de l’empire du Japon (1982), le refus des gouvernements successifs de reconnaitre la réalité des esclaves sexuelles coréennes durant l’invasion, de multiples visites officielles au sanctuaire Yasukuni dédié aux soldats morts de l’empire dont des criminels de guerre. 

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Khalil Lbadaoui
Je m'appelle Khalil, passé par une prépa ECS et aujourd'hui étudiant à NEOMA BS campus de Reims. Passionné de géopolitique, j'ai à coeur de vous donner une approche synthétique des grands enjeux de cette matière et de vous aider à bétonner votre méthode.