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Le monde dans la peinture romantique

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Réfléchir à la notion de monde, c’est notamment s’intéresser à la manière dont celui-ci a pu être représenté, par exemple dans la peinture. Dans cet article, nous te proposons de réfléchir à la question du monde dans la peinture romantique. Le romantisme (né en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle) est un mouvement artistique qu’on retrouve aussi bien dans la littérature que dans la musique, l’architecture ou encore, et c’est ce qui nous intéressera ici, dans la peinture. Le romantisme, en opposition au néo-classicisme, se caractérise notamment par une expression de la sensibilité de l’artiste, de l’émotion et de l’imagination sur la raison et la morale. Les peintres laissent ainsi apparaître avec passion leurs impressions et sentiments personnels à travers leurs œuvres.

Cette question de la sensibilité se retrouve notamment en peinture. Nous allons ici nous intéresser à la manière dont les peintres ont représenté le monde et leur rapport à celui-ci, notamment dans les peintures romantiques allemandes et anglaises, selon les analyses issues de l’essai Naissance de l’art romantique de Pierre Wat. 

Contre le désenchantement du monde

Le romantisme s’inscrit ainsi en opposition au courant néo-classique qui le précédait et à la science moderne : en effet, il lui reprochent le fait qu’elle réduit le  champ de la connaissance à un monde fini, mesurable, qui a ainsi mené à un “désenchantement du monde”. Cela se remarque dans la peinture, avec par exemple, le compas : tandis que dans la tradition classique, cet outil qui permet de tracer des cercles est associé à l’idée de perfection, il apparaît pour les romantiques comme l’instrument du désenchantement : celui par lequel le mathématicien réduit le monde à ses apparences finies, mesurables. 

Ainsi, ce que le romantisme, et notamment par la voix de Caspar David Friedrich, reproche à la science classique, c’est d’avoir brisé le lien entre le monde fini et son fondement infini. Ce n’est pas la science dans son ensemble que rejette Friedrich, mais celle qui réduit le champ de l’expérimentation au monde empirique et organise le savoir en taxinomies. A la connaissance lumineuse, rationnelle, le romantisme oppose une connaissance obscure, une plus haute connaissance, née de l’union de la science et de la mystique.

En effet, Comme son « élève » Carus, Goethe lutte contre cette crise du regard qui mène l’homme à perdre la connaissance sensible au profit d’une connaissance théorique, abstraite, coupée du monde. Comme lui la l’ambition de participer à l’éducation de l’artiste et en tant qu’observateur car c’est celui ci que peut nous réconcilier avec le visible, c’est celui qui peut par l’art restaurer en nous la visibilité du monde.

Cette nouvelle connaissance du monde, éclairée par les romantiques, est celle qui permet de mettre au jour le lien entre monde fini et son fondement infini. En effet, le monde chez les romantiques prend une dimension mystique, divine. 

Le Voyageur contemplant une mer de nuages, Caspar David Friedrich, 1817-1818

Une unité divine du monde

En effet, selon les romantiques, le regard doit commencer par saisir le principe divin d’organisation du monde qui se cache derrière les apparences de celui-ci. Il s’agit de prendre conscience de la nature organique du principe divin qui régit la vie, et par conséquence de la solidarité des parties du monde et du tout. 

Le peintre est alors ce qui nous rend le monde de nouveau visible : compréhensible dans sa divine organisation. La démarche des peintres romantiques comme Blake, mais aussi celle de Friedrich, Turner ou Constable, s’inscrit donc dans un projet biblique : l’œuvre d’art est à la fois conscience de l’infini et instrument du Salut mystique, elle vise à être un double du monde restauré dans son unité. Elle est un nouveau testament, une nouvelle alliance entre l’homme et dieu. Chaque peinture est un retable, un fragment d’un tout inachevé : une peinture infinie.

Comment ce projet se traduit-il dans la peinture ?  Dans leurs tableaux, les peintres romantiques effacent ce qui pourrait donner lieu à un récit, et leur peinture se présente ainsi comme un objet sans contenu, c’est à dire susceptible d’être investi par un plus haut contenu. La peintre romantique ne fait jamais l’économie du monde naturel. Elle la peint non pas comme une fin en soi, mais comme l’enveloppe transparente d’un élément éternel. 

Ainsi, il s’agit pour le peintre romantique, notamment chez Turner ou Friedrich, de révéler toute l’énigme du monde, notamment  travers des phénomènes naturels qui vont le troubler : brume, nuit, ou bien encore vive lumière : ils conduisent tous à une perturbation du regard du spectateur sur le monde, à même d’en montrer tout le mystère, à lui donner une charge divine. Cela explique également la grande préférence des peintres romantiques pour la peinture du paysage, à même de pouvoir exprimer toute le mystère divin du monde. 

Lever de soleil avec monstres marins, William Turner, 1845

Oeuvre d’art et monde

Quel est alors le rôle de la peinture ? La peinture, selon les peintres romantiques, nous élève de la représentation de la nature jusqu’à la contemplation de son origine divine. L’œuvre est un miroir révélateur du monde tel qu’il est.

Ainsi, les peintres comme Constable, Turner et Friedrich reprennent à leur compte l’injonction de Novalis selon lequel le monde doit être romantisé : romantiser le monde, ici, ce n’est pas le transformer, mais en accomplir le potentiel prophétique. Non pas inventer un monde nouveau, mais faire surgir ce qui n’est là qu’à l’état latent, pratiquer un art d’extraction, qui donne forme à ce qui réside, en puissance, au sein de la nature. 

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Corentin Viault