Le monde non-violent est un idéal auquel aspirent de nombreuses personnes. La non-violence évoque la paix, la sécurité et la prospérité à l’échelle mondiale. Cependant, la réalisation d’un tel monde est un défi complexe qui soulève de nombreuses questions philosophiques, sociologiques et politiques. Dans cet article, nous nous focaliserons sur le concept d’un monde sans-violence, les obstacles à sa réalisation et les moyens possibles d’atteindre cet objectif.
La non-violence est-elle une utopie ?
Tout d’abord, un monde sans violence serait un monde où les conflits entre individus, groupes, nations ou cultures seraient résolus de manière pacifique. Il s’agirait d’un monde débarrassé des guerres, du terrorisme, des crimes violents et de l’oppression. Les droits de l’homme et la dignité de chaque individu seraient respectés, tandis que l’injustice, la discrimination et l’inégalité seraient éradiquées. Dans cet idéal, la coopération, et le respect entre les peuples seraient encouragés.
Néanmoins, l’histoire nous montre que la violence a été omniprésente à travers l’histoire, soulevant ainsi des doutes quant à la possibilité d’envisager un monde dépourvu de violence. Cette incertitude est renforcée par des perspectives qui considèrent la violence comme inhérente à la nature humaine. Peut-on alors qualifier la non-violence de véritable utopie ?
L’utopie désigne un concept qui fait référence à un lieu, une société, ou un état idéal et imaginaire où tout serait parfait, harmonieux et en accord avec les aspirations humaines. Mais l’utopie peut également se référer à des idées, des projets ou des visions idéalistes qui semblent difficiles voire impossibles à réaliser dans la réalité actuelle.
En effet, plusieurs obstacles entravent la concrétisation d’un monde dépourvu de violence. Tout d’abord, la complexité de la nature humaine inclut des aspects conflictuels, rendant difficile la garantie que tous renonceront à la violence comme moyen de résoudre leurs différends. De plus, des intérêts économiques, politiques et géopolitiques peuvent inciter certains acteurs à recourir à la violence pour atteindre leurs objectifs, une perspective que souligne Machiavel dans “Le Prince“. Les inégalités économiques, sociales et culturelles constituent également des facteurs propices à la violence, engendrant frustration et désespoir.
Pour autant, nombreux sont les penseurs ou les personnages publiques ayant proposés des alternatives non-violentes.
Par exemple, Mahatma Gandhi, leader emblématique du mouvement d’indépendance de l’Inde, a élaboré une philosophie de la non-violence (Ahimsa) qui a exercé une influence majeure sur de nombreux mouvements sociaux et politiques. Ses œuvres, telles que “L’histoire de ma vie” et “La doctrine de la vérité en politique“, posent les fondements philosophiques de la non-violence en tant que moyen de lutte pour la justice.
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Si nous avons établi la possibilité d’appliquer la non-violence, elle-t-elle pour autant durable et généralisable?
La question de la durabilité et de la généralisation de la non-violence à l’échelle mondiale est complexe. Kant a abordé cette question dans son “Projet de paix perpétuelle” où il a avancé des idées sur la possibilité d’une paix durable entre les nations. Selon Kant, la paix perpétuelle peut être réalisée à travers trois idées fondamentales :
- La république démocratique des nations, selon Kant, repose sur l’idée que les nations démocratiques, dirigées par des constitutions républicaines, ont une propension à être plus pacifiques. Les gouvernements représentatifs, en impliquant la participation des citoyens dans le processus décisionnel, pourraient ainsi contribuer à prévenir les conflits.
- L’interdiction de la guerre d’agression: Kant propose l’idée selon laquelle les nations devraient renoncer à la guerre d’agression, c’est-à-dire à l’utilisation de la force pour atteindre des objectifs qui ne sont pas légitimes sur le plan moral.
- Finalement, Kant prône la création d’une fédération des nations : suggère l’établissement d’une union d’États souverains visant à réguler les relations internationales, encourager la résolution pacifique des conflits et assurer la sécurité collective.
Cependant, la généralisation de ces idées à l’échelle mondiale présente des défis importants. La diversité des régimes politiques, des cultures et des intérêts nationaux peut rendre difficile l’application universelle de principes spécifiques. De plus, la réalité politique internationale est souvent marquée par des tensions, des rivalités et des conflits d’intérêts.
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La suppression complète de la violence est-elle souhaitable ?
La violence a souvent été employée pour défendre des causes légitimes, résister à l’oppression ou assurer la sécurité nationale, soulevant ainsi des interrogations sur sa légitimité dans certaines circonstances. Cependant, il est logique que la violence ne trouve pas sa place dans les sociétés utopiques, où les populations semblent être endormies et manquent de remise en question. L‘Utopie de Thomas More, par exemple, représente une société sans conflit et donc sans violence, mais aussi sans diversité sociale, sans la conscience d’une autorité contestable, ce qui se traduit par une liberté illusoire.
D’autre part, la violence peut être envisagée comme une leçon morale, selon Kant dans Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique. Les guerres entre pays, bien que destructrices, ont pour objectif de sensibiliser les hommes à la prospérité résultant de la paix. Kant propose l’idée d’une histoire universelle en tant qu’idée régulatrice, une orientation vers laquelle tendre pour donner un sens à l’histoire, indiquant la direction à suivre vers la paix perpétuelle et la moralité.
Ce but final ne peut être réalisé que si les hommes en prennent conscience et s’efforcent de le réaliser, car il implique la participation active de l’homme à son propre progrès. Le potentiel de l’être humain se réalisera au fil de l’histoire, nécessitant que chaque génération tire des leçons du passé et aspire à devenir meilleure que la génération précédente.
En résumé, l’idéal d’un monde sans violence, symbolisant la paix mondiale, fait face à des défis complexes. Malgré les exemples inspirants de figures comme Gandhi, la réalisation de cet idéal est rendue difficile par la complexité humaine, les intérêts divergents et les inégalités persistantes. Ainsi, La question de la non-violence comme utopie persiste. Si l’on admet que la violence n’est pas intrinsèque à l’homme, l’aspiration à un monde pacifique est légitime et elle nécessiterait une prise de conscience collective et un engagement envers des idéaux tels que la paix perpétuelle.