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Partager les richesses, Philippe Askenazy, 2019

Sommaire

Dans cet ouvrage, Philippe Askenazy présente une critique argumentée du capitalisme contemporain dans laquelle les grandes inégalités liées au libre fonctionnement des marchés sont vues comme des phénomènes naturels. Pour les auteurs, il convient de montrer que les inégalités qui s’accroissent manifestement et minent la cohésion sociale sont avant tout des constructions historiques, donc leur dynamique est réversible.

Constat 

La priorité immédiate est de supprimer les rentes qui ont envahi notre économie et produisent de nouvelles formes de domination, et de rétablir le travail afin que davantage de salariés puissent bénéficier de ces rentes. Mais c’est aussi une fin en soi pour affaiblir le capital et la primauté de la propriété privée qu’il dénonce, afin de sortir de la déflation et de la stagnation économique.

Au 21ème siècle, le capitalisme a changé de visage : il est devenu une machine au profit du 1% le plus riche de la population qui concentre une immense richesse, exposant un système structurellement aliénant les travailleurs et faisant des ravages profonds dans la société. Les auteurs soutiennent également que la social-démocratie ne constitue pas aujourd’hui une voie alternative, car elle s’est adaptée à l’ordre économique et financier dominant : elle légitime en quelque sorte des inégalités qui paraissent naturelles par l’inaction, voire adopte un modèle de concurrence fiscale fondé sur la concurrence et la baisse des coûts de main-d’œuvre, également prônée par les néolibéraux.

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Perspective historique

Une autre voie possible pour l’auteur, au-delà de la simple redistribution monétaire des richesses par l’État social, notamment s’attaquer aux causes profondes des inégalités en réévaluant le revenu du travail comme un élément important de la reconnaissance sociale, élément dont les individus sont en droit d’attendre. Mais selon lui, l’analyse doit d’abord être placée dans une perspective historique.

Trois phénomènes ont conduit à la formation d’un capitalisme sans véritables freins et contrepoids : la désintégration du bloc soviétique, qui a éliminé tout opposant à l’économie de marché ; l‘affaiblissement du monde du travail et la déconstruction du travail, conduisant à la désyndicalisation et à l’instabilité croissante et enfin l’économie du savoir, elle génère de nouvelles inégalités et des rentes importantes captées par les GAFA. Ces mutations du capitalisme permettent à de nouveaux acteurs d’obtenir des rentes, tout simplement en « dominant les règles du jeu ».

Philip Askenazy a poursuivi en traitant de l’idéologie du « propriétarisme », c’est-à-dire de la règle de la propriété privée comme forme légitime de richesse. L’effet d’agglomération de la nouvelle économie dans le secteur immobilier a réactivé la condamnation par Ricardo (Des Principes de l’économie politique et de l’impôt) au XIXe siècle du fermage des terres agricoles : la flambée des prix de l’immobilier dans les grands centres urbains a d’abord sévèrement puni les classes moyennes et populaires de la population, confrontées à des loyers en forte hausse. Le gouvernement encourage la « propriété privée » par le biais de divers systèmes d’incitations fiscales, renforçant ainsi la dépendance des citoyens, et contribuant à maintenir les inégalités de revenus et de richesse. En conséquence, les jeunes générations rencontrent des difficultés pour accéder au logement dans un contexte de creusement des inégalités géographiques.

Cette logique de rente est également à l’œuvre dans l’économie de la connaissance, caractérisée par des oligopoles privés qui contrôlent l’économie numérique et sont capables d’ériger des barrières à l’entrée pour conserver leur avantage concurrentiel. Ainsi, selon Philippe Askenazy, peu importe le repère historique sur lequel nous pouvons nous placer, «  la propriété et sa capacité à capturer des rentes ne cessent de s’étendre ».

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Un monde du travail sous la pression du dogme libéral

Dans le monde du travail, certaines catégories sociales peuvent également bénéficier de rentes. Au delà de l’exemple connu des patrons du CAC40, nous pouvons aussi citer les acteurs, designers, universitaires, etc. Les auteurs les appellent « humains-capital » car ils deviennent le capital financier ou productif des organisations qui les utilisent.

Il évoque ensuite les différentes formes de corporatisme et d’alliances d’intérêts qui confèrent aux professions réglementées un pouvoir considérable dans une économie de marché démocratique. Philippe Askenazy parle de ce qu’il appelle des entreprises « poujadistes », comme les entreprises de transport routier qui opposent les travailleurs à travers l’Europe, et des entreprises « autoréférentielles » qui ont le pouvoir de fixer leurs propres niveaux de rémunération (comme les dirigeants du CAC 40). Ces rentes capitalistiques ne sont dès lors pas naturelles, mais elles sont générées par le contexte institutionnel et le propriétarisme qui sont des constructions politiques et sociales.

Les auteurs discutent ensuite de la polarisation du marché du travail et des emplois : les changements dans le capitalisme ont affaibli les qualifications de niveau intermédiaire, creusant ainsi l’écart entre les professions hautement qualifiées et les professions peu qualifiées. Mais la mécanique à l’œuvre est en réalité plus complexe : les travailleurs peu qualifiés sont enfermés dans une idée, sûrement fausse qu’ils sont « improductifs », découlant d’une mauvaise mesure comptable de la productivité qui sous-estime leur contribution, sous-estimant ainsi leur rémunération légitime. La restructuration du travail et de la production a pesé lourdement sur les travailleurs les moins qualifiés, alors même que leurs niveaux de diplôme ont progressé sous l’effet de l’inflation scolaire (cela induit par exemple le « Paradoxe d’Anderson) et créé de nouvelles formes d’inégalités et de souffrances. Par ailleurs il ajoute que « les « improductifs » font donc face à une triple non-reconnaissance : celle de la dégradation de leurs conditions de travail, de leur productivité accrue et de la faiblesse de leur rémunération ».

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L’avenir du travail se trouve dans un nouveau paradigme

Selon lui, ce refus de reconnaître la rémunération du travail détruit non seulement le fondement même de notre démocratie, mais il enferme également notre économie dans un piège déflationniste. Avec une faible demande globale et un chômage élevé affectant les salaires, il existe des asymétries sur le marché du travail qui ne sont pas propices à l’emploi, laissant l’économie dans une zone de faible tension.

Alors que l’exécutif appelle à approfondir les réformes structurelles du marché du travail, la situation de ce dernier pourrait encore s’aggraver. Philippe Askenazy soutient que les emplois sont si bon marché aujourd’hui que les entreprises ont peu intérêt à investir, innover et former correctement leur main-d’œuvre. Malheureusement, cette stratégie peut être coûteuse en termes de croissance à long terme. Il défend l’idée que l’action collective peut être tournée à l’avantage des salariés en paralysant des secteurs clés du capitalisme contemporain ce qu’il appelle « le sursaut collectif du travail ». Les luttes syndicales dans le monde du travail pourraient même s’appuyer sur les outils numériques et créer de nouvelles solidarités internationales. 

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Pour conclure, il est temps de reconnaître que tout le monde est impliqué dans le système économique et social et de mettre fin à l’illusion d’une société de propriétaires, qui selon lui favorise l’individualisme, le conservatisme social et l’inégalité. C’est pour cette raison qu’il en appelle finalement à un nouveau pragmatisme politique face à ces évolutions du capitalisme, qui ne font qu’intensifier l’accaparement des rentes au détriment de la majorité.

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref