S’il convient de parler de « politique énergétique russe », c’est parce qu’il s’agit du pays ou les ressources naturelles sont les plus abondantes, avec environ 20% des ressources naturelles mondiales. Les sous-sols sont d’ailleurs le centre de son économie et représentent 95,7% de la richesse nationale nette russe. Cependant sa stratégie énergétique se voit subir des modifications, de nouvelles orientations, se faisant au gré des dynamiques géopolitiques mondiales et des stratégies de pouvoir.
La Russie : puissance énergétique mondiale
Les ressources naturelles russes sont nombreuses et diverses, en voici un bref résumé :
- Pétrole : 12,6% des ressources mondiales. Ce nombre se verrait être bien plus grand depuis la découverte par la Russie de l’équivalent de 511 milliards de barils de pétrole en Antarctique en mai 2024. La Russie en est le troisième producteur et le deuxième exportateur mondial.
- Gaz : 32% des ressources mondiales de gaz, 27% du PIB.
- Charbon : 12,5% des réserves mondiales se classant ainsi en troisième position.
- Uranium : 9,5% des réserves mondiales se classant ainsi en deuxième position (derrière l’Australie)
En effet, cette importance donnée aux ressources fossiles est indéniablement à l’origine d’une certaine dépendance aux exportations. La Russie était dépendante à l’époque du marché́ européen qui absorbait environ 70% de ses exportations totales de gaz naturel. Mais les entreprises russes du secteur énergétique (Gazprom, Rosneft, Lukoil) diversifient de plus en plus leurs exportations et leurs collaborations.
Lire plus : L’intérêt de la Russie pour l’Asie centrale
Le gaz, le pétrole, des armes dans la stratégie politique
Si je vous parle de « stratégie de pouvoir » c’est parce qu’en Russie, le secteur du gaz, du pétrole, ou plus généralement de l’énergie, est étroitement lié au gouvernement. En dépit du fait que le secteur énergétique ait été largement privatisé dans les années 1990 sous la présidence de Boris Eltsine, les deux mandats successifs de Vladimir Poutine ont donné lieu à une reprise en main par l’État. La centralisation du pouvoir et la nationalisation des ressources énergétiques font donc du secteur une arme politique et géopolitique du gouvernement.
À titre d’exemple, nous pourrions citer l’interruption des livraisons de gaz par Gazprom au groupe français Engie en août 2022, coïncidant avec la dégradation des relations politiques entre la Russie et l’Union Européenne. Ceci révèle alors la portée du gaz dans l’échiquier politique russe, ainsi que dans les stratégies menées par le gouvernement.
Lire plus : Interruption des livraisons à Engie par Gazprom
Pourquoi l’énergie est-elle un levier d’influence pour la Russie ?
LE CAS DE L’EUROPE : L’Europe est étroitement liée au secteur énergétique russe, de part ses dépendances multiples. Amorcés dans les années 1970, les échanges gaziers entre l’Union européenne et la Russie n’ont cessé́ de croître depuis.
À titre d’exemple : la Russie, c’est 45 % des importations européennes de gaz naturel, 25 % des importations européennes de pétrole et environ 40% des importations européennes de combustibles solides. En dépit de la diversification des importations énergétiques voulues par la Russie, l’Europe reste tout de même liée cette dernière. En effet, les gazoducs qui traversent l’Ukraine sont non seulement toujours en activité, mais l’UE a aussi vu bondir les importations de GNL provenant de Russie par bateau. De plus, les européennes tentent de contourner leurs propres sanctions officielles, en s’approvisionnant auprès de l’Azerbaïdjan par exemple. Néanmoins, comme l’indique Céline Bayou “On ne lui achète pas directement, mais la molécule est quand même russe.”. C’est donc cette interdépendance, qui pousse la Russie à faire usage de l’énergie comme d’un levier de pouvoir dans le cadre de sa politique internationale.
On remarque d’ailleurs que les interconnexions sont nombreuses, voici les chiffres de l’augmentation du prix de l’énergie en Europe depuis la guerre en Ukraine (ou plus précisément, depuis le sabotage des gazoducs Nord Stream) :
- Entre +70% et +110% par rapport à 2021 pour le gaz
- Entre +40% et +75% environ pour l’électricité
De son côté, la Russie fait le choix de diversifier ses acheteurs, dans une perspective commerciale. Si l’Occident souhaite réduire sa dépendance, l’Inde par exemple, y voit une occasion pour s’enrichir. En effet, c’est entre autres, pour cette raison que paradoxalement, la Russie n’a jamais autant exporté de pétrole. L’Agence internationale de l’énergie comptabilise dans son rapport pour le mois d’avril 8,3 millions de barils de pétrole par jour exportés par les Russes, 600 000 de plus que la moyenne de l’an dernier. Pour reprendre l’exemple de l’Inde, qui n’importait quasiment pas de pétrole russe avant le conflit russo-ukrainien ayant débuté en 2021. Aujourd’hui, ce géant de l’Asie Méridionale est aujourd’hui devenu “un centre” de réexportation de “sous-produits” d’origine russe, vers l’Europe.
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