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La santé : un enjeu géopolitique mondial

Sommaire

En 1946, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental ou social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’incapacité ». Avec la mondialisation, les enjeux de santé montrent le renforcement continu des interdépendances démographiques, sociétales et environnementales. La mondialisation des enjeux sanitaires s’applique aux risques, mais aussi aux stratégies de riposte. Nous nous demanderons donc si la globalisation de la santé a un impact positif ou négatif pour les Hommes. 

 

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La mondialisation des questions de santé

Les effets du changement climatique sur la santé

Par la mondialisation, on assiste à la densification humaine dans les espaces littoraux et urbanisés. Ainsi, les modifications du climat exposent les populations à des manifestations climatiques extrêmes, comme les vagues de chaleur ou de froid (causant la mort de personnes vulnérables), mais aussi les cyclones, les ouragans et l’élévation du niveau des mers (provoquant une hausse des réfugiés environnementaux). Le changement climatique a des effets sur les ressources alimentaires et en eau, mais aussi sur la géographie des risques infectieux. La spécialiste en géographie de la santé Jeanne-Marie Amat-Rose affirme même qu’ « une nouvelle géographie des insectes vecteurs bouleverserait la carte de plusieurs maladies à transmission vectorielle » comme le paludisme ou la fièvre jaune. 

Mobilités et maladies transmissibles

Mobilité et santé ont toujours été liées. En effet, les Grandes découvertes ont permis l’unification microbienne du monde au XVIe siècle, processus amplifié par la révolution des transports au XIXe siècle. La concentration massive des personnes associée à un manque de mesures hygiéniques a contribué à la hausse du risque épidémique. Les pratiques spatiales des sociétés montrent la vulnérabilité de notre monde globalisé face aux épidémies.

On peut prendre l’exemple ancien de la peste noire. Originaire de Chine et d’Asie centrale, la maladie s’est diffusée dans les provinces voisines jusqu’à atteindre l’Europe occidentale en empruntant les voies commerciales. Cette épidémie mondiale causa la mort de plus de 25 millions de personnes. Plus récemment, la Covid-19 montre la vulnérabilité de notre système globalisé face aux pandémies. La coronavirus est originaire de Chine et s’est diffusée mondialement par le contact physique. Les lieux d’échanges comme les aéroports sont des lieux à haut risque de transmission, ce qui montre bien le poids des mobilités dans la transmission du virus.

Cependant, certains continents entiers restent à l’écart des contaminations, comme l’Afrique. Cet écart montre leur moindre connexion aux réseaux mondiaux.

 

L’universalisation des maladies non transmissibles

L’évolution globalisée des modes de vie, l’urbanisation et la sédentarisation marquent fortement les dernières décennies, mais aussi la mondialisation des risques sanitaires. On pourrait parler d’une « maladie du développement ». Si les maladies cardiovasculaires et l’obésité étaient inhérentes aux pays du Nord, ces maladies non transmissibles sont désormais développées dans les pays du Sud.

 

La question du SIDA

Fin 2022, environ 39 millions de personnes vivaient avec le VIH, virus du SIDA. On compte 1,3 million de personnes contaminées supplémentaires cette année-là avec également 630 000 personnes décédées (Source : Sida Info Service). 70 % des personnes infectées se situent en Afrique. Le problème majeur dans cette région du monde est l’accès inégal à la prévention et aux soins, d’autant plus que l’accès aux traitements a été perturbé par la pandémie liée au coronavirus.

 

Lire plus : Oral HEC 2021 : La crise sanitaire de 2020-2021 bouleverse-t-elle la mondialisation des échanges ? 

 

L’industrie de la santé

Le secteur de la santé est fortement capitalistique et concentré. En effet, le marché mondial pharmaceutique représente 1 500 milliards de dollars en 2022 (Statista). Ce secteur exige de lourds investissements qui favorisent la concentration. Les acteurs principaux sont des géants s’appuyant sur des capitalisations importantes pour financer les frais de recherche et atteindre une taille convenable pour s’internationaliser.

Depuis le début du XXIe siècle, on assiste à un bras de fer entre pays émergents et laboratoires. En effet, les laboratoires sont désireux de défendre les investissements très lourds évités par la recherche de brevets, mais les pays émergents refusent de payer les droits de développement des génériques. On peut prendre l’exemple de l’Inde qui en a profité pour développer son industrie des génériques, protégée par une législation très favorable. Par exemple, le laboratoire Dr Reddy’s est devenu très influent, notamment à l’international.

 

La Recherche

La recherche joue un rôle fondamental dans la confrontation aux enjeux sanitaires. En effet, c’est par cette dernière que des traitements sont trouvés, mais l’investissement demandé est très important. En effet, les laboratoires destinent environ 10 à 12 % de leur chiffre d’affaires à la recherche et au développement. Mais les temps de développement sont très longs, sans parfois donner de résultats. De plus, les découvertes ne sont protégées par des brevets que pour une période limitée, ce qui entraine une compétition produisant des médicaments génériques libres de droits.

Face aux enjeux sanitaires, l’articulation entre les pouvoirs publics et les laboratoires privés est au centre de l’efficacité des systèmes de santé. L’État est indispensable en amont dans la recherche fondamentale, mais aussi en aval, car il est le premier client des laboratoires pharmaceutiques par le biais du remboursement des médicaments. À titre d’exemple, les États-Unis sont le pays qui consacre le plus d’argent public à la recherche médicale. D’autres pays se distinguent également comme le Japon, la Chine ou encore l’Allemagne.

 

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Les inégalités sanitaires

On a pu constater que la mondialisation a contribué à la diffusion d’une homogénéisation des pathologies (comme l’obésité ou les cancers). De plus, les progrès de l’espérance de vie tendent à un vieillissement global. Cependant, les problèmes sanitaires reflètent toujours l’inégalité de développement des sociétés mondiales. Selon l’OMS, 15 % de la population consommerait 91 % de la production de substances pharmaceutiques. Les inégalités liées à la mondialisation se reportent donc également d’un point de vue sanitaire.

Malgré des améliorations, l’espérance de vie est toujours inégalitaire selon les pays. Si l’on prend en compte l’Espérance de vie Corrigée de l’Incapacité (EVCI, chiffres de 2010), cette dernière est supérieure ou égale à 70 ans dans 24 pays, et supérieure à 60 ans dans plus de la moitié des pays. Si le Japon arrive en tête avec 74,5 ans, 32 pays se situent sous la barre des 40 ans. Ces pays, sauf l’Afghanistan, sont tous localisés en Afrique subsaharienne.

Enfin, l’encadrement médical est très inégalitaire. En effet, l’Afrique ne réunit que 3 % du personnel sanitaire mondial pour 17,2 % de la population mondiale en 2020. Sur 57 pays en situation critique de sous-équipement, on recense 36 pays d’Afrique Subsaharienne. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que les médecins des pays en développement sont sollicités par les pays riches vieillissants qui offrent de meilleures conditions de vie et d’exercice.

 

Lire plus : L’Afrique face à l’urgence sanitaire

 

Des stratégies de riposte mondialisées

L’OMS a été créée en 1948, mais son hégémonie en terme de politique sanitaire à l’échelle mondiale a débuté dans les années 1970. Son action s’est appliquée en premier lieu dans les pays pauvres, en particulier en Afrique Subsaharienne. C’est dans les années 1980 que son centre change d’échelle, car les problèmes sanitaires menacent le Nord comme le Sud (VIH, obésité, tabagisme).

Face aux défis de la lutte contre les pandémies et de l’amélioration de la santé des hommes, les organismes des Nations Unies cherchent l’association des acteurs (OMS, Unicef, Banque mondiale, ONG, fondations…), comme le montre l’Organisation mondiale de la lutte contre le sida. C’est par cette association que 14 milliards d’euros ont été consacrés à la lutte contre le SIDA en 2013.

De plus, dans les années 1970, des associations privées regroupant des professionnels de santé bénévoles sont nées pour venir en aide aux populations victimes de guerres ou de catastrophes, comme l’illustre la création de Médecins sans frontières en 1971.

 

Les nouveaux acteurs de la santé : les fondations

Face aux enjeux de la santé, de nouveaux acteurs sortent du lot : ce sont les fondations, en particulier les fondations américaines. Ces dernières représentent plus des trois quarts du financement de l’OMS. La fondation Bill & Melinda Gates (créée en 2000) est unique par l’importance de ses moyens. Bill Gates s’est imposé comme un acteur puissant en matière de santé publique mondiale. La majorité des versements est destinée à des cas particuliers. La fondation Bill & Melinda Gates se concentre sur le contrôle des maladies et mobilise des fonds dans des secteurs qui étaient trop chers pour les États africains, comme les maladies tropicales. La fondation a également participé à la lutte contre les risques sanitaires dans le cadre d’alliances mondiales. Elle s’est impliquée dans l’initiative  » Rollback Malaria « , mais aussi dans Gavi (une alliance globale pour les vaccins et la vaccination) ou encore dans COVAX (un dispositif réactif à la pandémie de Covid 19).

 

Les nouveaux défis sanitaires à surmonter

Le marché des faux médicaments

Face à l’ampleur des risques sanitaires, mais aussi face au prix des traitements, le marché des faux médicaments s’est développé à grande échelle. En effet, les médicaments contrefaits, placebos, produits périmés représenteraient 20 % du marché pharmaceutique mondial. Mais ce marché est une catastrophe sanitaire, puisqu’il tue. Selon l’OMS, les antipaludiques de contrefaçon tueraient chaque année 120 000 enfants. La Convention MÉDICRIME (2016), qui criminalise la fabrication et la vente de faux médicaments, n’est pas respectée. Ce sont les populations les plus défavorisées qui en pâtissent alors qu’elles sont déjà victimes des maladies et des inégalités sanitaires.

 

Manque de médecins : comment faire face aux endémies et aux cancers ?

Les États doivent faire face à une crise des ressources humaines de la santé. Les médecins manquent cruellement. La fuite des soignants aggrave la situation des pays du Sud. En effet, ces derniers préfèrent se tourner vers les pays du Nord, où la demande en médecins est forte, mais les conditions de vie et d’exercice meilleures. Par exemple, on compte plus de médecins béninois en France qu’au Bénin.

Face à la mondialisation des modes de vie et des maladies, les populations des pays du Sud sont elles aussi touchées par les cancers. Mais dans ces pays, seuls les établissements privés sont en mesure de fournir les soins adaptés, aggravant les inégalités.

Une extension d’une couverture médicale universelle pourrait être efficace, mais cela soulève le défi majeur du financement. Ce défi demeure primordial et d’échelle mondiale pour réduire les inégalités socio-économiques dans le monde.

 

La santé comme enjeu géopolitique : l’exemple de la pandémie de Covid-19

La sécurité internationale a été menacée sur tous les points par la pandémie de Covid-19. Les cartes ont été rebattues. Par un engagement direct, les États montrent leur pouvoir et leurs capacités. La Chine est sortie leader de cette recomposition. En effet, la lutte contre la pandémie a révélé ses forces (fabrication massive de masques et de vaccins) et son habilité (contrôle de l’OMS, dons de produits médicaux, transferts de technologie). Par sa « diplomatie du masque », la Chine a concurrencé les Occidentaux en privilégiant les expéditions vers quelques Etats partenaires et en intégrant des entreprises à capitaux privés pour conquérir les marchés.

 

Lire plus : Coronavirus : la mondialisation des enjeux sanitaires 

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Amelie Matray