Silicon Valley Bank est la seizième banque américaine avec 209 milliards de dollars d’actifs sous gestion à la fin de l’année 2022. Vendredi 10 mars, les autorités américaines ont pris contrôle de la banque californienne après une dégringolade boursière suite à l’annonce de pertes importantes. Ce tremblement sur le marché bancaire peut faire craindre le pire à l’économie mondiale.
Silicon Valley Bank a fait faillite en quelques heures
La Silicon Valley Bank (SVB), est une banque américaine spécialisée dans le capital-risque (private equity), c’est-à-dire qu’elle finance de jeunes entreprises innovantes, sous une forme de participation au capital. Les investisseurs apportent du capital en fonds propres à une entreprise considérée comme étant innovante et/ou avec un fort potentiel de développement et de retour sur investissement. En décembre 2022, elle avait près de 175 milliards de dollars déposés par 35 000 clients.
Le mouvement de panique a débuté jeudi 9 mars, après que SVB eut reçu 42 milliards de dollars d’ordres de retraits inattendus. Elle s’est empressée d’annoncer qu’elle cherchait à lever rapidement du capital pour faire face aux retraits massifs de ses clients, sans y parvenir, et avoir vendu pour 21 milliards de dollars de titres financiers, en perdant 1,8 milliard de dollars au passage. Pour comprendre ce qui a causé cette perte, il faut se pencher sur les bons du Trésor (un bon du Trésor est un titre d’emprunt émis par l’État et remboursable à échéance).
SVB a paradoxalement fait un pari risqué en pensant jouer la sécurité. Une bonne partie des fonds levés au plus fort du boom de la Silicon Valley, en 2021, ont été placés dans des obligations garanties par le gouvernement, bons du Trésor et autres. Or, avec le relèvement des taux d’intérêt de la Fed, l’argent est plus cher, et la valeur des obligations a dégringolé de 15%. Faisant face à un grand nombre de retraits (bank run), SVB tente de vendre ses placements à 1,5 % pour obtenir de la liquidité mais la Fed fait la même chose avec un taux plus intéressant : à 4,5 %, ce qui induit de fortes pertes.
Vendredi à la mi-journée, le régulateur bancaire, la Federal Deposit Insurance Corp, a dû fermer la Silicon Valley Bank et transférer ses dépôts à une nouvelle entité ad hoc. Il s’agit de la deuxième plus grosse banqueroute bancaire dans l’histoire de la FDIC, derrière celle de Washington Mutual en septembre 2008.
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Les autorités américaines ont choisi de sauver la Silicon Valley Bank
Les autorités américaines ont annoncé dimanche 12 mars qu’elles allaient permettre aux clients de la banque en faillite Silicon Valley Bank de retirer l’intégralité de leurs dépôts, une décision hors norme pour rassurer particuliers et entreprises. En effet, 96% des dépôts n’étaient pas couverts par la garantie traditionnelle des dépôts, qui assure jusqu’à 250.000 dollars par client et par banque. La mesure a été prise par la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, et annoncée conjointement avec la Réserve fédérale et l’Agence de garantie des dépôts (FDIC), après consultation avec le président américain Joe Biden.
La Réserve fédérale s’est également engagée à prêter les fonds nécessaires à d’autres banques qui en auraient besoin pour honorer les demandes de retraits de leurs clients. Parallèlement, les autorités mettent aux enchères SVB avec l’objectif de trouver un repreneur au plus vite. Ce lundi, HSBC annonçait d’ores et déjà avoir racheté pour un pound la filiale britannique de la banque.
L’ensemble du dispositif témoigne des turbulences qui menacent le système bancaire américain, perturbé par les resserrements monétaires de la Fed à marche forcée. La hausse des taux a mis sous pression les banques, qui prêtent à long terme et empruntent à court terme, les taux courts étant actuellement très supérieurs aux taux longs. Elle a aussi incité des clients à placer leur argent dans des produits financiers mieux rémunérés que les comptes courants et a bousculé plusieurs secteurs économiques, en particulier les nouvelles technologies.
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“Je ne vois pas de risque de contagion, donc il n’y pas d’alerte spécifique”, Bruno Le Maire
Selon Patrick Artus, garantir les dépôts de SVB, même ceux non-couverts par la garantie des dépôts, a été une “sage décision” de la Fed. “Les déposants ne perdront rien, car ils seront remboursés à hauteur de leurs dépôts. Le mouvement de contagion observé sur les banques en Bourse pourrait donc bientôt prendre fin”, selon l’économiste, qui dit ainsi ne “pas avoir d’inquiétudes pour les banques américaines et européennes”, à ce stade.
Interrogé par l’AFP, Stephen Innes, analyste chez SPI Asset Management, se veut rassurant, estimant que le risque d’un incident pour les grandes banques était “faible”. Depuis la crise financière de 2008-2009 et la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, les établissements doivent donner des gages renforcés de solidité à leurs régulateurs nationaux et européens. Ils doivent par exemple justifier d’un niveau minimal de capital plus important destiné à éponger les éventuelles pertes. Pour les analystes de Morgan Stanley, cités par l’AFP, “les pressions de financement auxquelles la SVB est confrontée sont très particulières” et les autres banques ne font pas face à une “pénurie de liquidités”.
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Pour conclure, malgré un bank run (fortes demandes simultanées de retraits d’argent par les clients d’une banque, alors mise en difficulté) qui a provoqué la faillite d’une grande banque américaine, les autorités américaines ont su réagir en garantissant les dépôts des épargnants. Cette décision va sûrement permettre d’éviter un risque de contagion au niveau mondial.