En Argentine, le 9 octobre 2024, le président Javier Milei a opposé son véto pour s’opposer à l’allocation de fonds supplémentaires aux universités publiques, argumentant que cela compromettrait l’équilibre fiscal du pays. Cette décision, qui a déjà suscité des vagues de manifestations étudiantes et un débat intense au sein du gouvernement, polarise l’opinion. Alors que Milei affirme que le système universitaire est inefficace et coûteux, de nombreux étudiants et professeurs y voient une attaque contre un pilier historique de l’ascension sociale argentine.
La Justification de Milei : l’équilibre budgétaire est prioritaire
Javier Milei s’est opposé à la récente loi de financement universitaire adoptée par les deux chambres du Congrès en septembre. Cette loi visait à allouer des fonds additionnels pour combler les besoins croissants des universités publiques, qui ont vu leur budget réduit de 30 % au cours des neuf premiers mois de 2024. Milei soutient que le financement des universités publiques pèse lourdement sur les finances nationales, quand bien même cela représente environ 0,14 % du PIB. Selon lui, le secteur universitaire argentin est non seulement inefficace mais également en proie à la corruption et à un excès de personnel administratif.
Les accusations de Milei soulèvent de vives réactions. En effet, le président affirme qu’il y aurait huit employés pour chaque étudiant inscrit dans le système public. Cependant, des représentants du corps professoral réfutent ce chiffre, affirmant que le ratio serait en réalité de 0,1 employé par étudiant. Ils considèrent cette affirmation de Milei comme une tentative de discréditer un système qui, pour de nombreuses familles argentines, représente un accès précieux à l’éducation et à la mobilité sociale.
Lire plus : Javier Milei, une révolution brutale en Argentine
Coupures budgétaires : une mobilisation massive des universités
En réaction aux coupures, des milliers d’étudiants et de professeurs sont descendus dans la rue pour défendre leurs droits et l’avenir des universités publiques. La manifestation d’octobre est la deuxième en l’espace de quelques mois, après une première mobilisation en avril dernier qui avait rassemblé plus de 500 000 personnes. Les manifestants dénoncent l’« asphyxie financière » qui menace de paralyser les institutions d’enseignement supérieur, des établissements historiques et gratuits depuis 1949.
Les professeurs, durement touchés par l’inflation qui a atteint 95 % entre janvier et août, exigent également des augmentations salariales. Les baisses de financement ont poussé certains enseignants à chercher des emplois dans le secteur privé, menaçant ainsi la qualité de l’enseignement public. Face à l’impasse budgétaire, les cours se déroulent parfois dans la rue, manifestant l’indignation de la communauté académique.
Déclin de la popularité de Milei alors que la pauvreté augmente
Alors que le président persiste dans ses mesures d’austérité, sa popularité montre des signes de faiblesse. Les récents sondages indiquent une baisse de soutien pour Milei, avec une image positive oscillant désormais entre 40 % et 45 %, contre 50 % il y a deux mois. Cette chute de popularité semble en partie liée à l’augmentation de la pauvreté, qui touche désormais 52,9 % de la population argentine. En dépit d’une réduction de l’inflation à 4 % mensuel – après avoir atteint des sommets de 17 % en 2023 – la politique de rigueur économique de Milei suscite des interrogations.
Javier Milei avance que les universités sont des lieux d’endoctrinement idéologique où des « idées de gauche » sont inculquées aux jeunes générations. Selon lui, cette influence politique justifierait une réforme en profondeur du système éducatif, pour réduire ce qu’il perçoit comme un bastion de « communistes ».
Lire plus : Les femmes en Argentine : histoire et enjeux
La politique d’austérité : un pari risqué pour l’avenir
La politique d’austérité de Milei fait face à un dilemme majeur : si la réduction des dépenses publiques vise à maîtriser l’inflation et à offrir un sentier de croissance, elle met en péril l’enseignement public, élément essentiel pour entamer et maintenir une croissance future. En effet, l’éducation, perçue par de nombreux économistes comme un pilier stratégique, est directement menacée par cette austérité. Si les étudiants des milieux modestes se retrouvent dans l’incapacité d’accéder aux études supérieures en raison de l’augmentation des coûts indirects – tel le prix du transport en commun passant de 15 centimes à 1 euro –, le potentiel de formation de professionnels qualifiés et d’innovation risque de s’affaiblir considérablement. Cette fragilisation de l’université publique pourrait non seulement compromettre la qualité de la main-d’œuvre future, mais aussi miner les bases d’une croissance durable, essentielle pour sortir de la récession actuelle.
D’autant plus que, selon les chiffres officiels, les universités publiques argentines accueillent environ 1,7 million d’étudiants, répartis dans 65 établissements gérés par l’État. Cependant, seuls 40 % de ces étudiants sont régulièrement inscrits, et les taux de diplomation sont relativement faibles. L’augmentation de la pauvreté pourrait décourager de nombreux étudiants de poursuivre leurs études à l’heure où environ 70% des enfants argentins vivent en situation de pauvreté