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Y a-t-il de vrais et de faux désirs ?

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Avant de commencer le travail sur le sujet, nous souhaitons rappeler, qu’il n’y pas de bons ou mauvais plans du fait qu’il n’y a pas de plan type pour un sujet donné (du moins peu si l’on se réfère à la dissertation parfaite d’Hadrien l’an passé). Cette proposition de correction faite par Mister Prépa a pour but de vous aider à comprendre l’argumentation qu’il faut adopter durant la totalité de votre copie. Profitez-en pour rattacher le plan, les arguments ainsi que les références avec les vôtres de sorte à ajuster vos connaissances ou peaufiner les derniers détails. Avant de commencer la lecture du sujet, nous vous recommandons de travailler le sujet au brouillon afin d’élaborer un plan détaillé avec les références que vous souhaiteriez évoquer. Nous rappelons encore une fois qu’il s’agit d’une proposition de correction.

 

Y a-t-il de vrais et de faux désirs ?

Les parents demandent à leur enfant d’attendre un peu avant de réaliser son désir, afin qu’il puisse se rendre compte que finalement il ne désirait pas tant que ça l’objet. Bien souvent nos désirs sont des caprices qui passent avec le temps. Mais d’autres désirs ne passent pas. Nous désirons ardemment pratiquer un sport qui nous réjouit. Ainsi, il semble bien qu’il faille distinguer de vrais et de faux désirs. Mais comment définir le vrai dans le domaine du désir ? Car il peut se faire que des désirs intenses s’avèrent illusoires. Suffit-il d’avoir conscience de désirer pour que son désir soit vrai ? La conscience peut-elle nous tromper sur nos désirs ? Y aurait-il des désirs inconscients plus forts que nos désirs conscients ? Par ailleurs, si le caprice est un faux désir, c’est qu’il faut intégrer dans le vrai désir une détermination profonde de la volonté. Un vrai désir,  est-ce un désir que nous voulons vraiment ? Mais cette détermination de la volonté dans le désir peut-elle avoir un sens en dehors de la raison ? Le vrai désir, n’est-ce pas le désir conforme à la raison ?

 

l. Il y a une vérité du désir en lui-même, mais le désir peut être caché.

Le désir est une passion, c’est-à-dire un mouvement affectif vers l’objet tel qu’il nous touche.

 

I.1. Il y a d’abord une vérité du désir en lui-même

Je vois une pâtisserie que j’aime, je suis attiré vers elle, je la désire. Il y a une vérité du désir qui est aussi certaine que la vérité de nos sensations. Quand je vois, je sais que je vois. Quand j’aime, je sais que j’aime. Le désir a des manifestations qui ne trompent pas et qui relèvent de l’attirance. La passion, comme l’indique le mot, est une passivité, au sens d’une réceptivité. Or ce qui est passif en nous, c’est le corps. Dans la passion, notre corps subit une modification qui est l’effet de l’objet sur nous. Je vois une pâtisserie que j’aime, le goût me monte à la bouche, je la désire. A ce niveau de l’analyse, il ne peut pas y avoir de faux désirs, car le désir est un mouvement produit par l’objet extérieur sur nous, mouvement d’abord corporel qui gagne ensuite l’âme, comme l’explique Aristote. Il n’y a pas de faux désirs, il y a simplement des désirs faibles et des désirs forts. Le désir pour une pâtisserie est d’ordinaire un désir faible, bien que le gourmand éprouve un désir plus fort que le commun des mortels. Le désir de ne pas tomber malade du coronavirus est un désir fort qui nous pousse à accepter le confinement.

 

I.2. Encore faut-il qu’il porte sur un objet qui existe ou sur un moyen efficace. Hume

Encore faut-il que le désir porte sur quelque chose qui existe. Parfois, nous désirons quelque chose qui n’existe pas. C’est alors un faux désir. Il est courant que des gens soient trompés par leurs achats sur Internet. Un faux site vous fait croire qu’il vend tel produit, vous l’achetez, et vous ne recevez rien. C’était un faux désir parce qu’il portait sur une réalité qui n’existe pas. Le faux désir peut avoir une grande intensité : certains ont passé leur vie à chercher des cités qui n’existaient pas, de l’or où il n’y en avait pas, de la vie sur des planètes alors qu’il n’y en a pas… Dans la formation du faux désir, on peut évoquer aussi le rôle de la cristallisation, au sens de Stendhal. De même que les cristaux de sel donnent une apparence de bijou à une branche morte, de même le désir fait briller de mille feux une personne qui n’a pas les qualités qu’on lui attribue. Ainsi, même si le désir est vraiment vécu, il est faux en raison de son objet qui n’existe pas. Le faux désir peut porter aussi sur des moyens qui sont inappropriés. L’élève qui prépare les concours en jouant à des jeux sur Internet nourrit un faux désir de réussir. C’est un faux objet en raison de son caractère irréalisable.

 

I.3. Le vrai désir est un désir inconscient. Analyse de l’illusion. Freud.

Mais le faux désir peut être plus répandu qu’on ne le pense, car la conscience elle-même peut nous tromper. Nous avons conscience de désirer telle chose, mais la conscience elle-même nous renseigne-t-elle ? Selon Freud, nos vrais désirs restent inconscients. Nous n’apercevons d’eux que la partie qui est compatible avec la vie sociale. Dès la petite enfance, nous sommes habitués à refouler nos désirs sexuels pour pouvoir vivre en société. Si bien que nos désirs conscients sont des désirs idéalisés, sublimés, imprégnés donc de fausseté au sens où ils ne peuvent pas nous rendre heureux puisqu’ils sont le résultat d’une censure de nos vrais désirs. Les désirs conscients sont des désirs influencés par la société, des désirs qui entrent dans la norme. Il y a aussi les désirs qui constituent des illusions. Freud caractérise l’illusion par le fait que le désir prévaut sur la réalité. L’illusion n’est pas la simple erreur. Dans l’illusion, on se trompe, mais en plus on n’accepte pas de se confronter à la réalité. Et cela parce que l’illusion est due à un désir. Ainsi Christophe Colomb, lorsqu’il accoste l’Amérique, est dans l’illusion d’avoir atteint les Indes. L’illusion est un faux désir car elle est nourrie d’un désir incompatible avec la réalité.

 

II. Le désir doit accéder à la vérité

Mais n’y a-t-il pas un paradoxe à ce que nos plus vrais désirs soient inconscients et en même temps nourrissent des illusions, ce qui leur mérite d’être des faux désirs ?

 

II.1. Platon remet en question la vérité du désir sensible. Les stoïciens

Avec Platon, il faut considérer que le vrai et le faux dans le désir passe par la distinction du désir sensible et du désir rationnel. Désirer une pâtisserie, c’est un désir sensible. Vouloir renoncer à cette pâtisserie parce que je la digère mal est un désir rationnel, appelé aussi volonté. Les désirs sensibles ne sont pas de faux désirs au sens où nous croirions les avoir sans les avoir vraiment, mais au sens où ils nous attachent à des biens qui ne peuvent pas nous combler. L’âme humaine, en effet, « est de même parenté que les Idées », et donc c’est en aimant le Bien-Idée qu’elle est heureuse. En ce sens, désirer des biens sensibles en pensant que c’est à la hauteur du bien intelligible, c’est se tromper de désir. De plus, le désir sensible donne à penser que le bien désiré est vraiment bon. Le désir de pâtisserie me pousse à juger que cette pâtisserie est vraiment bonne pour moi, ce qui est faux si je la digère mal. Le vrai désir sera celui qui est éclairé par la raison. Si la raison me montre que je suis de santé fragile et qu’il est meilleur pour moi de renoncer à ce plaisir, le vrai désir sera d’y renoncer.

Les stoïciens aussi considèrent que les vrais désirs consistent dans les désirs vertueux. Ils radicalisent même la suspension des désirs sensibles à travers l’apatheia. Il nous faut désirer essentiellement le bien moral. Pour le reste, c’est-à-dire pour les choses qui ne dépendent pas de nous, il ne faut pas désirer qu’elles soient autrement qu’elles sont.

 

II.2. Le désir accède à la vérité en se soumettant à la raison. Morale et Vérité pratique.

Mais pourquoi le désir n’accède-t-il à la vérité qu’à travers des normes que l’on appelle la morale ? Pour le comprendre, il faut considérer la différence entre vérité spéculative et vérité pratique. Dans le domaine spéculatif, une pensée est vraie dans la mesure où elle est conforme à la réalité. Mais dans le domaine pratique, la vérité concerne l’action. L’action est vraie pour autant qu’elle est conforme à la règle, de même qu’une vraie maison est une construction conforme aux règles de la construction des maisons. L’action sera donc vraie dans la mesure où elle est conforme aux normes morales que la raison connaît. Dans cette perspective, le désir est vrai dans la mesure où il est conforme aux normes morales. Le désir qui motive mon action de consommer cette pâtisserie est vrai s’il est en adéquation avec les règles morales qui président à notre rapport avec la nourriture. Ainsi, le désir a à entrer dans la vérité pour mériter d’être un vrai désir humain ; pour cela il doit être conformé à la morale. Il est vrai pour autant qu’il est conforme à la morale, c’est-à-dire pour autant qu’il est moralement bon.

 

II.3. Le désir vrai selon Kant

Kant distingue dans le désir sensible l’émotion et la passion. « L’émotion agit comme une eau qui rompt la digue ; la passion comme un courant qui creuse toujours plus profondément son lit». La passion représente un danger pour la raison parce qu’elle est durable et profonde. Il la compare à une gangrène. Il considère même qu’elle est inguérissable, parce qu’elle ne veut pas être guérie. Seule la volonté est capable de vérité pratique. La volonté est libre lorsqu’elle obéit à la raison car alors elle se commande à elle-même, puisqu’elle n’est rien d’autre que la raison pratique. En suivant la morale, non seulement la volonté est dans le vrai, mais encore elle est dans la liberté puisqu’elle ne dépend que d’elle-même. Aucun désir sensible ne doit venir contaminer la volonté, pas même le désir de bonheur. En effet, le bonheur est un «idéal de l’imagination», dont le contenu est relatif à chacun. Il ne saurait donc être déterminant pour la morale. Il nous faut seulement faire le devoir pour le devoir, ce que Kant appelle « impératif catégorique», ce qui nous rend digne d’être heureux.

III. Vrai et faux désir par rapport au bonheur

Mais peut-on ainsi désolidariser le vrai désir du désir heureux, peut-on priver la réussite du désir de la formidable aspiration au bonheur ?

 

III.1. Le vrai désir est un désir utile

On ne peut pas ne pas chercher à être heureux. Tout désir est désir d’épanouissement, de développement humain. C’est ce que Spinoza appelle conatus. Tout ce que nous désirons, nous le désirons comme nous étant utile. Mais il faut distinguer ce qui nous est vraiment utile et ce qui ne l’est pas, bien que nous le croyions utile. C’est qu’en effet nous pouvons avoir une idée adéquate ou une idée inadéquate de ce qui nous est utile. L’idée inadéquate est une idée qui nous est imposée de l’extérieur par la chose qui agit sur nous, ce qui correspond à une passion. Dans la passion, je subis l’action de la chose sur moi et cela se traduit par une idée qui est conforme à l’effet que je ressens dans mon corps, idée – passion, qui est nécessairement inadéquate. L’idée adéquate est au contraire une idée qui vient de la raison, une idée vraie. Elle consiste dans la connaissance de ce que sont les choses à l’intérieur de l’ordre du monde. C’est à l’intérieur de la sagesse que je peux savoir ce qui m’est vraiment utile. Dès lors que je connais ce qui m’est vraiment utile, je le veux. Le désir est alors libre parce qu’il n’est pas influencé par les choses qui agissent sur moi. En même temps, ce que je désire m’est vraiment utile car je le désire à partir de ma raison et rien n’est plus désirable que de vivre selon la raison.

 

III.2. Désir de bonheur et divertissement, Pascal

Le vrai désir ne saurait donc s’affranchir du désir d’être heureux. C’est aussi ce que dit Pascal soulignant que même celui qui va se pendre désire le bonheur. Mais le vrai désir est aussi désir du vrai et la vérité absolue, c’est Dieu lui-même, présent dans l’âme par mode de création et par mode de grâce. Le désir ne peut donc accéder à la vérité que s’il consiste à désirer d’abord et avant tout s’unir à ce Dieu présent à la racine de l’âme. Mais nous avons du mal à chercher Dieu en nous- mêmes car nous ne trouvons en nous que de l’ennui. Et il est vrai que «le moi est haïssable», en raison du péché originel, pense Pascal. Nous avons donc raison de nous fuir nous-mêmes, à travers le divertissement, qui n’en représente pas moins des faux désirs, car on ne pourra jamais trouver le bonheur dans le divertissement. Ainsi, selon Pascal, il nous faut apprendre à désirer en Dieu. Le désir se divise en vrai désir, c’est-à-dire désir de Dieu et désir en Dieu, et faux désir, c’est-à-dire désir hors de Dieu.

 

III.3. Dans la perspective existentialiste

-de saint Thomas (perspective religieuse vertueuse) : en choisissant de désirer Dieu comme son bonheur, le sujet humain règle ses désirs sur le bien moral (car Dieu est le bien moral subsistant) et sur le vrai bonheur (par mode de béatitude, ce qui suppose la grâce). Ce faisant, il est appelé à vouloir de plus en plus dans sa vie Dieu comme son bien total, par mode de vertu, c’est-à-dire par un enracinement progressif de sa volonté enracinée dans le Dieu – bien. Ses désirs deviennent de plus en plus vrais, non seulement parce qu’ils portent sur de vrais biens, mais encore parce que leur volonté veut plus fermement ce qu’elle veut. L’absence de trouble fait que la volonté est de plus en plus maîtresse d’elle-même et des passions.

-de Kierkegaard (perspective religieuse) : en choisissant de désirer Dieu comme son bonheur, le «chevalier de la foi» se choisit lui-même pour l’éternité, car il ne peut y avoir de choix sérieux sur soi-même qu’à travers un choix qui nous engage éternellement, c’est-à-dire un choix en Dieu et pour Dieu. Cf. Abraham.

– de Sartre (perspective athée) : la mauvaise foi, c’est de ne pas assumer qu’on est libre, c’est de se faire croire à soi-même qu’on est déterminé à désirer ce qu’on désire. Le désir est alors une excuse pour justifier après coup la décision libre qu’on a prise et qu’on n’assume pas. Le faux désir, c’est alors le désir réalisé dans la mauvaise foi. Le vrai désir, c’est le désir assumé comme acte libre, sachant que l’acte libre consiste à se donner à soi-même une essence, ce qui exclut que nous soyons des créatures (car alors l’essence serait fixée par Dieu, et non par soi-même).

 

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Dorian Zerroudi
Co-fondateur d'elevenact (Mister Prépa, Planète Grandes Ecoles...), j'ai à coeur d'accompagner un maximum d'étudiants vers la réussite !