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La Banque centrale japonaise serait-elle sur le point de mettre fin à l’argent facile ?

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Banque centrale japonaise

Le vendredi 28 juillet 2023, la Banque centrale japonaise a adopté une attitude un peu moins accommodante qu’à son habitude en achetant de la dette japonaise à cinq et dix ans sur le marché à hauteur de quelque 1,9 milliard d’euros. L’opération visait à freiner la hausse des rendements à 10 ans qui avaient franchi le seuil des 0,6%, au plus haut depuis 2014. Face à une politique monétaire ultra-accommodante depuis dix ans, cette décision sonne-t-elle le glas de l’argent facile au Japon ?

La politique monétaire japonaise est ultra-accommandante depuis 10 ans

Baptisée Abenomics et héritage de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe, la politique économique japonaise s’appuie depuis 2013 sur une politique monétaire ultra-accommodante qui tente de faire sortir l’archipel de la déflation. Abenomics est un mot-valise formé d’Abe et d’economics et se réfère de fait à la politique économique de Shinzo Abe, théorisée et illustrée par ce dernier au moyen de ce qu’il appelle les trois flèches : une politique monétaire très accommodante et audacieuse, une relance budgétaire et une stratégie de croissance à long terme.

Preuve que la politique monétaire de Tokyo depuis 10 ans est ultra-accommandante, la Banque du Japon est la seule banque centrale majeure à avoir maintenu en 2022 ses taux directeurs à un niveau négatif. Plus précisément, au mois d’avril 2023, l’institution monétaire rémunérait à un taux négatif de 0,1% sur les dépôts que les banques font auprès d’elle (pour les inciter à prêter davantage) et les achats d’obligations publiques japonaises avaient un rendement à dix ans plafonné à 0,25%. Avant de quitter son poste à l’issue de deux mandats en avril 2023, le gouverneur de la Banque centrale avait regretté de n’avoir pas pu atteindre son but d’une inflation de 2% « de manière durable et stable », métaphore de l’échec de dix ans de politique monétaire.

Néanmoins, durant la semaine du 23 juillet 2023, malgré les deux nouvelles hausses de taux, très attendues, de part et d’autre de l’Atlantique, c’est bien la Banque du Japon qui a créé la surprise en annonçant une opération d’achat sur le marché obligataire nippon pour freiner la hausse de ses rendements à dix ans, revenus à leurs plus hauts niveaux depuis 2014. Cette décision est-elle un signe avant-coureur de la fin de l’argent facile au Japon ?

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La Banque centrale japonaise fait face au retour de l’inflation, incompatible avec l’argent facile

Kazuo Ueda, le récent gouverneur de la Banque centrale du Japon, a fait un petit pas supplémentaire en direction de la normalisation de la politique monétaire de l’Archipel. L’objectif du taux à 10 ans est officiellement maintenu à 0 %, mais le niveau de 0,5 % qui était jusque-là un plafond, une limite rigide, devient un simple point de référence. L’institution monétaire a également indiqué qu’elle offrirait désormais un taux fixe de 1 % pour ses opérations quotidiennes d’achats d’obligations publiques japonaises, au lieu de 0,5 % précédemment. En clair, les emprunts d’État japonais vont rapporter un peu plus, ce qui constitue une avancée en direction d’une possible normalisation de la politique monétaire japonaise, ultra-accommodante depuis dix ans.

Pour la première fois depuis 1981, l’Archipel semble renouer avec l’inflation, qui a atteint 3% en 2022-2023 et les dernières prévisions ont dû être revues à la hausse : l’inflation est désormais attendue à 2,5 % hors produits frais pour l’exercice 2023-2024. De récentes critiques accusant la Banque du Japon avaient alors émergées, laissant dire l’institution aggravait l’inflation avec sa politique d’argent facile.

Le mécanisme à l’œuvre au Japon est le suivant : la hausse des prix qui fragilise le pouvoir d’achat des ménages est alimentée par la faiblesse du yen, via les importations. La devise japonaise souffre de l’écart grandissant entre la rémunération de l’argent au Japon et à l’étranger, alors que les grandes banques centrales, Fed et BCE en tête, sont engagées dans un cycle de hausse des taux d’une ampleur et d’une rapidité inédites depuis un an à un an et demi. Mais d’un autre côté, la Banque centrale ne peut infléchir sa politique monétaire que très graduellement pour éviter un choc au Japon et à l’étranger car toute envolée serait problématique compte tenu de l’énorme stock de dette publique (260 % du PIB).

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Pour conclure, le gouverneur de la banque centrale, Kazuo Ueda, a néanmoins annoncé que malgré cette décision, la politique monétaire ultra-accommodante était maintenue, d’autant qu’il anticipe une baisse de l’inflation pour les années 2024 et 2025

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref