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L’instabilité éthiopienne : des conflits internes faisant intervenir de multiples belligérants

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Alors que l’Éthiopie cherche à s’imposer comme un leader régional dans la Corne de l’Afrique grâce à son essor économique et son poids démographique, le pays a connu une guerre civile et des ingérences étrangères récentes. Des accords internationaux sont signés pour trouver une solution efficace sur le long terme mais cette situation interroge la capacité de l’Éthiopie à avoir un leadership régional.

 

L’instabilité interne de l’Éthiopie fait intervenir de nombreux acteurs étrangers dans le conflit.

Le 3 novembre 2020, la Guerre du Tigrée commence avec l’annonce de la sécession de la région du Tigré. Peu de temps après, la région des Nations et la région de Sidama viennent en soutien au Tigré. Les régions de l’Amhara et de l’Afar soutiennent le gouvernement central éthiopien. En 2021, la région de l’Oromia rentre aussi en guerre contre l’État central. La guerre civile cause le départ de plus de 2 millions d’Éthiopiens de leur habitation et 50 000 trouvent refuge au Soudan.

De nombreux acteurs internationaux s’impliquent dans le conflit. En effet, l’Érythrée réalise des opérations militaires conjointes avec l’Éthiopie et les Émirats Arabes Unis ont mis en place un pont aérien avec des livraisons d’armes en soutien au gouvernement éthiopien. La Turquie a signé un accord de coopération financière militaire et un accord-cadre militaire le 18 août 2021. Puis en fin d’année 2021, elle a signé un contrat de vente de drones à l’Éthiopie qui a aussi bénéficié du soutien diplomatique de l’Iran.

Cependant, le territoire éthiopien est aussi menacé par d’autres États. En décembre 2020, l’armée soudanaise lance une offensive dans le triangle d’Al-Fashaga, territoire convoité pour sa fertilité et contrôlé depuis 1996 par l’Éthiopie après un accord conclu entre Omar el-Béchir et Meles Zenawi. Ainsi des affrontements ont eu lien entre les armées soudanaises et éthiopiennes durant la guerre du Tigré pour le contrôle du Triangle d’Al-Fashaga occupé à 95% par le Soudan en novembre 2022.

 

Les négociations difficiles pour la résolution des conflits en Éthiopie sont assurées par des acteurs étrangers

Dès 2020, l’Union africaine a essayé de jouer le rôle de médiateur dans la résolution du conflit. En octobre 2022, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas appellent à des pourparlers sous l’égide de l’Union africaine. Ainsi, des pourparlers ont lieu durant le mois en Afrique du Sud entre les rebelles tigréens et le gouvernement fédéral sous l’égide de l’UA. L’Éthiopie se plie à la volonté des organisations internationales et des pays étrangers. La guerre se termine le 3 novembre et le 12 novembre 2022 un accord de paix entre les deux partis est signé. L’accord comprend une fin définitive des hostilités, la démobilisation des soldats tigréens, la conservation de l’intégrité territoriale éthiopienne et une aide humanitaire pour le Tigré.

Au mois de décembre 2022, 65% des troupes tigréennes se sont désengagées du conflit. Grâce au cessez le feu, l’ONU, qui fait le constat d’un Tigré isolé, asphyxié et dont 90% de la population a besoin d’aide humanitaire, envoie avec le Programme alimentaire mondial de nombreuses ressources alimentaires au Tigré. Au mois de janvier 2023, les ministres des affaires étrangères français et allemands se rendent en Éthiopie pour soutenir le processus de paix. Enfin en mars 2023, le Parti des autorités rebelles du Tigré est retiré de la liste des organisations terroristes par le Parlement éthiopien. L’accord de paix est donc suivi d’actions.

 

Une paix fragile et un conflit qui terni l’image de l’Éthiopie : un frein au leadership du pays

L’Éthiopie cherche à s’assurer une place de leader régional dans la Corne de l’Afrique. Comme symbole de la puissance éthiopienne, le gouvernement a par exemple fait construire le barrage de la Renaissance sur le Nil, ce qui représente une menace selon l’Égypte qui dépend à 97% du Nil pour ses ressources en eau.

Cependant, la guerre du Tigré et ses conséquences ternissent l’image de l’Éthiopie et sont un frein au leadership éthiopien dans la région. En effet, lors de sa visite en mars 2023, Anthony Blinken, chef de la diplomatie des États-Unis, déclare que de nombreux crimes de guerre ont été commis par les forces éthiopiennes et tigréennes durant la guerre. Il a aussi évoqué des crimes contre l’humanité réalisés par les forces éthiopiennes ternissant l’image du pays sur la scène internationale. Les violences de la guerre s’expriment aussi avec le lourd bilan de 500 000 morts selon les États-Unis.

De plus, la pauvreté et la faim se sont accentuées durant la guerre et notamment au Tigré qui est dans une situation alimentaire critique. Or, à cause des détournements des aides alimentaires, l’USAID et le Programme alimentaire mondial ont suspendu les envois d’aide jusqu’à nouvel ordre alors qu’encore 84% de la région du Tigré vit une crise alimentaire. Il est difficile pour un État de prétendre au leadership lorsqu’une de ses régions est dans une situation alimentaire aussi critique.

 

Pour conclure, la guerre du Tigré est un frein au leadership éthiopien sur la Corne de l’Afrique à cause des conséquences économiques et sociales, de l’insécurité encore présente et de l’image ternie du gouvernement. L’Éthiopie doit encore assurer la sécurité et la souveraineté, alimentaire et territoriale notamment, du pays pour pouvoir s’affirmer comme leader régional.

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Margaux Le Thuc