Envoyer des humains dans l’espace est un sujet controversé. Son utilité même est sujet de débats. Cependant, l’espace a été et est toujours un sujet de préoccupation pour les grandes puissances internationales qui continuent d’investir dans ces recherches.
Nous pouvons alors nous demander si l’enjeu spatial est toujours au coeur des préoccupations internationales. La conquête spatiale a-t-elle toujours un sens ? À quelles difficultés fait-elle face ?
La conquête de l’espace a permis des avancées scientifiques majeures
D’un point de vue scientifique, il est intéressant de continuer à aller explorer l’espace. En effet, les différentes missions Apollo ont changé notre vision du système solaire. Ces différentes missions ont permis de ramener sur Terre des centaines de kilos de roches lunaires, ce qui nous a amené à approfondir nos connaissances sur la Lune.
De plus, la Lune représente un accès privilégié vers la planète Mars, comme on peut le voir avec le programme Artemis de la NASA. Ce programme a pour but de construire une base sur la lune et une station spatiale orbitant autour de cet astre. Ces bases serviront d’étapes intermédiaires vers Mars. Avec ce programme, d’ici 2025, les hommes devraient pouvoir fouler de nouveau le terrain lunaire.
Enfin, les progrès scientifiques et technologiques semblent être indispensables pour le fonctionnement de notre système. Les satellites autour de la Terre ont permis certaines avancées comme la météorologie, les télécommunications ou encore la navigation GPS. Ces satellites ont changé notre vision de la Terre et notre manière de vivre.
On peut voir que cet intérêt pour l’espace persiste avec le vaisseau spatial Orion par exemple. Le 12 décembre 2022, après 25 jours passés dans l’espace et en orbite autour de la Lune, le vaisseau spatial Orion de la NASA (de la mission Artemis) s’est posé dans l’océan Pacifique. Il s’agit de la dernière étape d’une mission réussie qui préfigure le retour de l’homme sur la Lune dans les années à venir. De plus, en avril 2023, l’Agence Spatiale Européenne a lancé la sonde JUICE. Son but est de découvrir Jupiter et ses lunes glacées, destinations qu’elle atteindrait en 2031.
La conquête spatiale représente un enjeu pour les puissances en matière de soft power
L’intérêt pour la conquête spatiale n’est pas uniquement scientifique, il est également motivé par les enjeux géopolitiques. Pendant la Guerre Froide, les Etats-Unis et l’URSS s’étaient engagés dans une course folle à l’espace. La Russie a d’abord dominé les Etats-Unis en envoyant dans l’espace un satellite artificiel, Spoutnik 1, mais les Etats-Unis ont répondu en créant la NASA en 1958. La Lune était au coeur des préoccupations. La NASA est à l’origine des programmes Apollo. C’est ainsi qu’en 1969, Neil Armstrong et Buzz Aldrin furent les premiers hommes à marcher sur la Lune. Les Etats-Unis sont sortis victorieux de cette course à l’espace, et furent admirés à travers le monde entier.
Désormais, le retour de l’intérêt américain pour la Lune provient de la rivalité avec la Chine. Le pays a planifié d’envoyer des humains sur la Lune à l’horizon 2030, montrant qu’elle est capable de rivaliser avec le géant américain dans le domaine du soft power. Dans ce domaine, si le budget alloué par la Chine (8,4 milliards de dollars – 2017) reste inférieur à celui des Etats-Unis (48 milliards de dollars – 2017), il reste supérieur à celui de la Russie (3 milliards de dollars – 2017). La rivalité avec les Etats-Unis se joue plus particulièrement sur le plan militaire à court terme et sur l’exploitation des ressources spatiales à long terme.
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L’intérêt pour la conquête spatiale est remise en question pour plusieurs raisons
Tout d’abord, on peut percevoir un manque d’intérêt pour l’espace. En effet, la découverte de l’espace fait face à de nouveaux défis. Aller dans l’espace coûte très cher. Par exemple, la mission Artemis coûte à elle seule environ 90 milliards de dollars. Il peut donc paraître ahurissant de dépenser de telles sommes dans ce domaine.
De plus, la conquête de l’espace a un impact environnemental fort. Qu’il s’agisse de la construction d’une fusée ou du CO2 rejeté, les voyages spatiaux sont très polluants. En seulement 10 minutes de vol, une fusée rejette l’équivalent de 6 ans d’émissions de CO2 d’une seule personne. De plus, de nombreux déchets finissent dans l’espace, ce qui fait d’elle une poubelle géante.
Enfin, l’opinion publique n’est plus émerveillée par ces conquêtes, elle rêve de plus grand, ce qui signifie que l’espace n’est plus nécessairement un outil de soft power efficace.
Face à ces nouveaux enjeux et difficultés de la conquête spatiale, de nombreux acteurs privés sont en train d’émerger.
D’autres acteurs s’emparent alors de ce secteur
Space X est la première entreprise privée à se voir confier des missions par la NASA. Et ce n’est qu’un début. Elle a été sélectionnée par l’agence américaine pour effectuer les prochains voyages sur la Lune. En effet, le nouveau lanceur Ariane 6 n’est pas encore opérationnel, alors la NASA s’est tournée vers Space X, avec ces lanceurs Falcon Heavy et Falcon 9. Elon Musk a séduit la NASA avec un meilleur rapport qualité-prix. L’Europe, attendant le lanceur Ariane 6, devient alors elle aussi dépendante de SpaceX pour lancer ses satellites.
De son coté, Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a développé son propre vaisseau spatial avec la société Blue Origin. Richard Branson (Virgin) a également lancé sa propre société de tourisme spatial, Virgin Galactic.
Ces entreprises changent la donne spatiale
Le marché des nouvelles technologies spatiales a doublé en l’espace de 15 ans et attire donc une multitude de start-ups, notamment américaines. Les plus prometteuses lèvent des milliards de dollars en bourse. Désormais, ces entreprises ne sont plus de simples prestataires de services pour ces agences, mais des acteurs aux projets indépendants. En Israël, une start-up financée par le secteur privé s’apprête à retourner sur la Lune.
L’espace représente la nouvelle ruée vers l’or. La perspective de découvrir de l’or, du lithium ou du cobalt dans notre univers fait fantasmer les entrepreneurs de l’espace. Même s’il faudra plusieurs décennies pour atteindre cet idéal, les milliardaires se tournent vers des activités plus réalistes : les lancements de satellites et les voyages dans l’espace, un tourisme réservé aux ultra-riches. Les entreprises sont attirées par l’espace car elles y voient une nouvelle source de croissance.
Cependant, on ne peut parler d’une marginalisation des acteurs publics dans ce domaine. L’agence américaine, comme ses rivales étatiques, reste dans une position largement dominante. 80 à 90 % du financement de l’industrie spatiale reste public.