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EXISTE-T-IL DES INÉGALITÉS JUSTES ?

Sommaire

« Tous les êtres sont égaux, mais il y en a qui sont plus égaux que les autres » avait formulé Georges ORWELL dans son ouvrage « La ferme des animaux » (1945).

Autrement dit, il montre que si les victimes semblent égales entre elles, elles ne le sont pas envers leurs bourreaux. Au delà, d’une simple allégation, cela est la preuve que la notion d’inégalité peut être corrélée avec la notion d’injustice.

La question qui est posée est de savoir, dès lors qu’il existe différentes formes d’inegalites, si certaines, demeurent malgré tout légitimes.
Il conviendra alors de se demander : Toutes les formes d’inégalités sont-elles systématiquement injustes ?

Nous examinerons que, par sa nature même, une inégalité est intrinsèquement injuste, et nous explorerons les raisons sous-jacentes à cette affirmation. Puis, nous nuancerons notre propos pour montrer que toutes les inégalités ne sont pas forcément injustes. Au contraire, certaines paraissent légitimées, ce qui les rend moins injustes qu’il n’y parait.

I Différencier les inégalités pour mieux appréhender et définir les injustices. 

A) Différencier les origines et interprétations des inégalités : une polysémie conceptuelle

 Nous pouvons différencier les inégalités sociales issues des structures mêmes de la société, des inégalités économiques provenant du revenu ou du patrimoine. À la manière de ROUSSEAU dans « du Contrat social » (1762), nous pouvons aussi distinguer les inégalités morales ou politiques qui dépendent d’une sorte de convention entre les hommes, des inégalités naturelles. Ces dernières étant affiliées aux forces du corps et aux qualités de l’esprit. Dès lors, nous pouvons remarquer que le terme « inégalités » peut revêtir diverses acceptions selon les domaines d’études.

Par ailleurs, comme le disait Mahatma GANDHI, « le monde est assez vaste pour satisfaire les besoins de tous mais trop peu pour contenter les désirs de chacun ». Nous évoluons donc dans ce que nommait R. FREEDMAN, une « économie d’Apartheid ». Très peu possèdent beaucoup et beaucoup possèdent très peu. Cela se vérifie aussi à l’échelle internationale. En témoigne l’apparition de termes comme « Tiers-Monde » ou encore « pays sous développés ». Par conséquent, il existe un grand nombre d’inégalités entre les individus à l’échelle nationale et à l’échelle internationale. Celles ci ne pouvant toutes être prises en charges par l’Etat, il convient de les hiérarchiser. 

B) Hiérarchiser les inégalités : à la recherche de la justice distributive

En effet, les services publics sont des leviers décisifs pour gérer les inégalités. Ils peuvent adapter les prélèvements obligatoires pour plus de justice sociale et surtout garantir la sécurité sociale qui crée un lien de solidarité entre tous les individus. Or, de nombreux facteurs comme l’asymétrie d’informations font que l’Etat ne peut pas prendre en charge toutes les inégalités. Dès lors, il sera contraint de classer ces dernières selon un ordre de valeur ou d’importance. Autrement dit, il va différencier les inégalités injustes et justes. Lorsque nous parlons d’injustice, nous jugeons par rapport à certaines valeurs, c’est à dire à des idéaux d’existence. Au cours de ce propos, nous choisirons de privilégier la notion de justice distributive formulée par Aristote dans « Ethique à Nicomaque ». Celle-ci est basée sur le principe de « à chacun selon mérite ». Elle repartit les droits et obligations selon les rangs et le mérite. Ainsi, le caractère juste d’une inégalité se base sur la valeur que nous lui attribuons. Les inégalités sont objectives: la preuve, c’est qu’elles peuvent être mesurées. L’injustice, en revanche, dépend du sens que nous attribuons à la justice. Ce sens varie en fonction des croyances religieuses et des convictions morales, politiques, philosophiques, etc… Par souci d’objectivité, il convient donc de mettre en place des outils de mesure tels que le coefficient de Gini qui permet de mesurer l’inégalité des revenus ou de la richesse au sein d’une population.

Transition : Il est important de reconnaître que la quête de justice peut impliquer des inégalités, mais celles-ci doivent être justifiées par des critères équitables et conformes à des principes de justice, tels que le mérite ou la nécessité, pour être considérées comme justes. La différence entre égalité et équité est cruciale pour analyser dans quelle mesure certaines inégalités peuvent être perçues comme justes dans une société donnée.

II Les dilemmes de la justice : L’équité dans la distribution des inégalités comme idéal démocratique.

A) La légitimité des inégalités : nuancer le concept d’injustice

Une société basée sur l’égalité vise à garantir un traitement uniforme et identique pour tous les individus. Un traitement égal des individus peut être considéré comme injuste dans la mesure où il ne prend pas en compte des inégalités inhérentes à leur identité ou comportement. Une société basée sur l’équité, quant à elle, se préoccupe de distribuer les ressources de manière juste, en tenant compte des besoins individuels, des mérites et des différences entre les individus. Elle peut être considérée comme un moyen de réaliser la justice, en reconnaissant que tous les individus ne partent pas d’une situation identique et en ajustant la distribution des biens ou des opportunités en conséquence. Dans le domaine de l’éducation, par exemple, des inégalités peuvent découler du mérite et de l’effort individuel. En récompensant le mérite, les sociétés peuvent encourager l’excellence contribuant ainsi au progrès global. Autrement dit, des inégalités basées sur le mérite et l’effort individuel peuvent être justes car elles constituent des incitations positives au sein de la société.

Du point de vue utilitariste, l’acceptabilité des inégalités dépend de leur contribution au bien-être global de la société. Si des inégalités accroissent le bonheur global ou améliorent la situation des plus défavorisés, elles pourraient être justifiées. En ce sens, selon la théorie de la justice comme équité de Rawls, les inégalités économiques sont acceptables si elles profitent particulièrement aux membres les moins favorisés de la société.

Cependant, les sociétés doivent veiller à ce que les inégalités ne soient pas le résultat de facteurs indépendants de la volonté des individus, tels que la naissance, le sexe ou d’autres formes de discrimination. De plus, les inégalités justes ne doivent pas atteindre un niveau tel que l’accès à une éducation de qualité soit hors de portée pour une grande partie de la population.

B) Les leviers de l’État pour gérer les inégalités injustes 

Dans les sociétés démocratiques contemporaines, l’égalité est considérée comme une dimension de la justice, et réciproquement, la justice est souvent perçue comme une forme particulière d’égalité. Par conséquent, selon une logique cohérente, les inégalités devraient toujours être intrinsèquement injustes.

Les inégalités sociales sont jugées injustes lorsqu’elles compromettent l’égalité fondamentale nécessaire pour satisfaire les besoins essentiels des individus. Soient l’équité qui guide la distribution des ressources limitées et l’égalité des droits.

L’État joue un rôle crucial dans la gestion des inégalités injustes et dans la création d’un environnement plus équitable. Plusieurs politiques peuvent être déployées pour atténuer les disparités qui résultent de circonstances injustes. L’État peut mettre en place des politiques de redistribution à la fois fiscales et sociales visant à réduire les écarts de richesse. Cela peut inclure des taxes progressives sur le revenu, des transferts sociaux aux personnes défavorisées, et des programmes de protection sociale pour assurer un filet de sécurité aux individus vulnérables. Par ailleurs, l’investissement dans l’éducation, en particulier pour les groupes défavorisés, peut jouer un rôle majeur dans la réduction des inégalités. Des programmes visant à améliorer l’accès à une éducation de qualité, à fournir des bourses aux étudiants défavorisés et à garantir l’égalité des chances peuvent contribuer à corriger les inégalités structurelles.

En conclusion, la question complexe de l’existence d’inégalités justes soulève des dilemmes profonds dans nos sociétés. Alors que certains arguments favorisent la reconnaissance d’inégalités basées sur le mérite, l’effort individuel, ou la nécessité, d’autres insistent sur la nécessité de lutter contre les inégalités structurelles et injustes.

La nuance est cruciale : certaines inégalités peuvent découler de différences naturelles, de choix individuels ou d’efforts méritoires, et peuvent être perçues comme justes dans la mesure où elles renforcent la motivation individuelle et contribuent au bien-être collectif. Cependant, il est tout aussi crucial de s’opposer aux inégalités injustes résultant de discriminations, de privilèges indus, ou de barrières systémiques.

Le rôle de l’État et de la société dans la gestion des inégalités est primordial. Les politiques publiques, telles que la redistribution équitable des ressources et l’accès égal à l’éducation, peuvent contribuer à atténuer les inégalités injustes tout en préservant des incitations légitimes à l’effort et au mérite. En somme,  reconnaître des inégalités justes tout en luttant contre celles qui sont injustes nécessite des politiques dynamiques et une volonté collective de construire une société plus juste et équitable pour tous.

 

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Maeva Santos