Le 11 juin 2024 marque une étape historique pour le Sénégal. Le pays entre officiellement dans le cercle des pays producteurs de pétrole. En effet, une première extraction est réalisée par la compagnie australienne Woodside Energy sur le champ de Sangomar, situé au large des côtes sénégalaises. Cette évolution intervient dans un contexte de transition politique, avec l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye. Ce leader est porteur d’une vision de transformation économique. Il souhaite une renégociation des contrats pétroliers et gaziers hérités de la présidence de Macky Sall.
Un nouveau gouvernement pour une nouvelle ère
Le nouveau gouvernement de Faye, annoncé le 5 avril 2024, se caractérise par une majorité de nouveaux visages au niveau ministériel. Il incarne une volonté de rupture et de transformation systémique.
“Le gouvernement ici mis en place ce 5 avril 2024 est un gouvernement de rupture“, a déclaré le Premier ministre, Ousmane Sonko. Ce gouvernement, composé de 25 ministres dont 4 femmes incarne le projet de transformation systémique. Ce système a été plébiscité par le peuple sénégalais lors de l’élection du 24 mars 2024. Bassirou Diomaye Faye a remporté l’élection au premier tour avec 54 % des suffrages. Néanmoins, cette victoire inédite pour un parti d’alternance souligne également les défis qui attendent ce gouvernement largement composé de “novices” en matière ministérielle.
Les défis internes, régionaux et internationaux du Sénégal
Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye doit faire face à une série d’obstacles internes et géopolitiques. Sur le plan interne, la majorité de l’Assemblée nationale est encore détenue par l’ancien pouvoir. Cette situation pourrait pousser D.Faye à organiser des élections législatives anticipées, afin de consolider une majorité favorable à son administration.
De plus, l’inexpérience des nouveaux ministres pourrait également compliquer la gouvernance efficace du pays, bien que leur dynamisme et volonté de changement peuvent compenser leur inexpérience.
Sur le plan géopolitique, la relation avec la Mauritanie est cruciale. Les relations bilatérales se sont nettement améliorées sous la présidence de Mohamed Ould Ghazouani, facilitant une coopération essentielle pour la renégociation des coûts de production. Les deux pays doivent à présent s’entendre concernant le champ gazier de Grand Tortue Ahmeyim (GTA).
Également, la coopération internationale avec des partenaires comme la France reste une question délicate. Le Pastef, parti du président D.Faye, envisage une réflexion sur la coopération monétaire avec la France. Le gouvernement parle d’une possibilité de sortir du franc CFA. Cette décision serait motivée par la volonté de renforcer la souveraineté économique du Sénégal et de réduire sa dépendance vis-à-vis de la France.
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L’extraction pétrolière, une nouvelle donne économique (et géopolitique)
L’entrée du Sénégal dans le secteur pétrolier est perçue comme une opportunité de transformation économique. Avec une production estimée à environ 100 000 barils par jour et des revenus annuels potentiels de 700 milliards de francs CFA (plus d’un milliard d’euros) sur une période de 30 ans, le pays pourrait bénéficier de marges de manœuvre financières accrues.
Cependant, cette production reste modeste par rapport aux géants africains comme le Nigeria. Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), souligne que cette nouvelle source de revenus, bien que substantielle, ne modifiera pas fondamentalement la structure de l’économie sénégalaise. Cet événement suscite des espoirs et des défis quant à l’impact de cette nouvelle manne financière sur l’économie sénégalaise et les relations géopolitiques de la région.
Le véritable défi pour le gouvernement de Diomaye Faye réside dans la capacité à utiliser ces ressources pour impulser une véritable transformation économique conformément aux promesses électorales. Lors de sa campagne, le nouveau président avait promis de renégocier les accords pétroliers et gaziers signés sous la présidence précédente. Toutefois, renégocier des contrats avec des sociétés privées comme Woodside Energy et British Petroleum (BP) s’avère complexe. Les règles internationales garantissent la stabilité des contrats et les tentatives de renégociation peuvent entraîner des arbitrages internationaux risqués.
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Pour conclure, l’entrée du Sénégal dans le cercle des producteurs de pétrole ouvre des perspectives prometteuses pour son développement économique. Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye doit naviguer habilement entre l’optimisation des bénéfices des ressources naturelles et la stabilité contractuelle nécessaire pour attirer les investissements internationaux. La réussite de cette transition repose sur la capacité du gouvernement à transformer les revenus pétroliers en moteurs de développement durable et à maintenir des relations géopolitiques stables, notamment avec la Mauritanie. La transition vers un statut de producteur d’hydrocarbures pourrait inaugurer une nouvelle ère de prospérité pour le Sénégal.