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La géopolitique des métaux rares

Sommaire

La lutte pour le contrôle des métaux rares, essentiels aux nouvelles technologies et à la défense, façonne les relations internationales et les enjeux économiques mondiaux.

 

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Terres rares, métaux rares, métaux critiques : quelles différences ?

Parmi ces trois appellations, celle de métaux rares est la plus large ; elle désigne les métaux dont l’abondance moyenne et/ou la disponibilité dans la croûte terrestre est faible. Le cobalt, le tungstène, le lithium ou encore le mercure sont des métaux rares.

Au sein de cette catégorie, on retrouve les terres rares, 17 métaux avec des propriétés similaires dont 15 font partie de la famille des lanthanides. Le néodyme, le prométhéum et le scandium en font partie. Contrairement à ce que leur nom implique, les métaux et terres rares ne sont pas vraiment rares, car ils sont présents sur tous les continents, simplement en petites quantités.

Enfin, le terme de métaux critiques revêt une dimension géopolitique. Il désigne tous les métaux stratégiques pour les acteurs géopolitiques ; leur caractère « critique » est défini par l’importance des enjeux qui les entourent et le risque de perturbation de leur approvisionnement. La Commission européenne a ainsi dressé une liste de 30 métaux critiques dont elle surveille l’approvisionnement.

 

Métaux rares : nouvelles frontières, nouveaux enjeux

Les métaux rares jouent un rôle central dans les dynamiques géopolitiques en raison de leurs nombreuses applications. Ils sont essentiels aujourd’hui dans les domaines de la défense et des nouvelles technologies. Par exemple, le tungstène est utilisé dans les technologies de vibration des téléphones, tandis que le lithium, le cobalt et le nickel sont essentiels à la fabrication des voitures électriques. Quant au silicium, il est indispensable à la production de semi-conducteurs.

Les métaux rares sont disséminés partout sur terre, mais certains espaces en regorgent et sont par cette occasion des zones de convoitise.

On trouve en Arctique une grande quantité de métaux rares, ce qui explique en partie les tensions grandissantes autour du pôle. Par exemple, les Russes extraient 90% du nickel, du cobalt, des terres rares, ainsi que 40% de l’or qu’ils utilisent de l’Arctique, d’où l’importance stratégique qu’ils accordent à cet espace.

L’espace extra-atmosphérique est lui aussi un espace stratégique pour les grandes puissances en quête de métaux rares et pourrait devenir une zone clé de minage car la lune, mars et d’autres corps célestes recèlent de minerais précieux. La NASA prévoit par exemple d’envoyer une sonde en 2026 pour exploiter l’astéroïde 16 Psyché, composé à plus de 50% de métaux précieux.

Enfin, les fonds marins sont riches en nodules polymétalliques, des petits galets pleins de métaux rares. Leur exploitation bute sur des difficultés techniques, mais commence à prendre de l’ampleur. Par exemple, les îles Nauru en partenariat avec des entreprises chinoises voudraient commencer à exploiter les nodules polymétalliques présents dans la zone de Clarion-Clipperton, dans le Pacifique.

Consciente du risque de surexploitation des ressources, la communauté internationale s’efforce de réguler le minage pour préserver les espaces en question, non sans difficultés. A l’été 2023, l’AIFM (Autorité internationale des fonds marins) devait légiférer sur l’exploitation des nodules polymétalliques mais a finalement reporté l’adoption d’un potentiel code minier à 2025. Le traité sur l’Antarctique (1959) qui interdit toute prospection sur le pôle Sud ainsi que le traité de la Lune (1979) sont très flous et donc faciles à contourner. En somme, le droit international demeure largement insuffisant en matière de métaux rares.

Les terres rares, un terrain d’affrontement entre la Chine et l’Occident

Aujourd’hui, la Chine assure environ 65 % de la production mondiale de terres rares, mais cela n’a pas toujours été le cas. Entre les années 1970 et 1990, ce sont les États-Unis qui dominaient ce secteur grâce à leur mine de Mountain Pass, en Californie. Cependant, avec l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001, le site de Mountain Pass ne résiste pas à la concurrence des sites chinois en Mongolie intérieure : la Chine devient le premier pays producteur de terres rares à coup de dumping fiscal, social et environnemental, avec la ville de Baotou comme principal centre d’extraction.

En 2010, alors que la Chine produisait plus de 95 % des terres rares mondiales, elle impose un embargo contre le Japon pour des raisons géopolitiques, perturbant ainsi fortement l’économie mondiale. Cet événement sert de signal d’alarme pour les pays occidentaux, qui prennent conscience de leur vulnérabilité dans ce secteur stratégique. Depuis, ils cherchent à saper cette domination, notamment en obtenant une condamnation des quotas d’exportations chinois par l’OMC.

Les grandes puissances durcissent depuis quelques années les législations autour de ces métaux rares. On sait à quel point les États-Unis ont pris au sérieux la question de leur approvisionnement en terres rares dans le contexte de la « guerre des puces » qui se joue contre la Chine, mais ce n’est pas le seul État dans ce cas. L’Union européenne cherche elle aussi à casser sa dépendance à l’égard de la Chine grâce à des initiatives multiscalaires. Par exemple, la Commission européenne a présenté en mars 2024 un projet de législation sur les matières premières critiques ; le texte doit permettre à l’UE de sécuriser l’approvisionnement de 18 métaux considérés comme essentiels. Le projet de loi stipule que d’ici 2030, l’UE ne pourra plus être dépendante à plus de 65% d’un pays tiers (actuellement c’est 98% des terres rares qu’elle utilise qui viennent de Chine). De plus, 10% des métaux rares consommés par l’UE devront provenir de mines européennes et 40% devront être transformés sur le sol européen. Un projet très ambitieux qui risque de se heurter à de nombreux défis.

 

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Alix Tommy-Martin