Les villes sont devenues des espaces incontournables pour analyser et comprendre les dynamiques géopolitiques du monde contemporain. En effet, 57 % de la population au niveau mondial habite en ville. Ce sont aujourd’hui des espaces en recomposition, qui s’adaptent à des environnements changeants.
Une urbanisation croissante
L’exemple de l’Inde
La majorité des Etats dans le monde connaissent des dynamiques d’urbanisation. Ceci se produit même dans des Etats qui n’étaient pas prédisposés à cette organisation spatiale. L’exemple de l’Inde est particulièrement marquant à cet égard. A l’indépendance, les villes étaient perçues de manière plutôt négative. En effet, beaucoup de citoyens, dont Gandhi, appuyaient l’idée d’une “Inde authentique” qui se trouverait dans les campagnes. Les villes étaient, quant à elle, associées aux colonisateurs, et donc fortement dépréciées.
Cependant, à partir des années 1980, des petites villes ont commencé à se développer pour absorber l’exode rural. Un changement de mentalité s’est alors peu à peu opéré. En 2005, les pouvoirs locaux ont mis en place un programme de renouvellement urbain qui valorisait les 63 plus grandes méga-cités du pays. Aujourd’hui, Narendra Modi réaffirme ses ambitions en termes d’urbanisation. En effet, il a pour projet de créer 100 “smart cities”.
La métropolisation
Un des aspects importants quant à cette urbanisation est le fait que les villes deviennent de plus en plus grandes et denses. On assiste donc à une métropolisation, soit une concentration accrue de populations et d’activités dans des villes de grande taille. De fait, le nombre de villes de plus d’1 million d’habitants dans le monde est passé de 16 à 513 depuis 1900. De plus, les villes peuvent être décrites comme des “petits espaces denses”, puisque 4 milliards de citadins ne se concentrent que sur 3 % de la planète.
Ces métropoles deviennent des acteurs géopolitiques. Par exemple, en 2005 a été créé le C40 Cities Climate Leadership Group, qui rassemble une centaine des plus grandes villes mondiales. On y retrouve par exemple Washington DC, Mexico City, Milan, Durban ou encore Jakarta. Cette coalition a pour ambition de lutter contre le changement climatique. Selon Michel Lussault, ce type d’initiatives démontre que la primauté de l’Etat comme unique acteur géopolitique se voit remise en question.
Cependant, il s’agit de relativiser le phénomène de métropolisation : 42 % des urbains dans le monde habitent dans une ville qui compte entre 10 000 et 300 000 habitants. On peut même parler d’une récente “contre-métropolisation”. En effet, on assiste à une croissance démographique ralentie des plus grandes agglomérations, avec un transfert d’habitants vers des villes petites et moyennes.
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De nouvelles manières de penser les villes
De nouvelles configurations se développent. La périurbanisation correspond à une extension urbaine, qui dépasse les limites de la ville. Ces espaces se caractérisent par une discontinuité du bâti, une faible densité de population, une mixité des paysages et une mobilité de la population.
De même, on peut constater l’émergence d’une exo-urbanisation à certains endroits. Il s’agit d’une configuration d’urbanisations étendues marquées par la dispersion et le poids de l’emploi non-agricole. Elle se produit dans des zones classées comme rurales et que les aires urbanisées n’ont pas encore absorbées.
Les “desakota”, théorisées par Terry G. McGee sont un exemple spécifique à l’Asie de cette exo-urbanisation. McGee les décrit comme des “villages-villes”. Ce sont des villes situées dans des zones alluviales rizicoles densément peuplées. Ainsi, les villages autour deviennent de plus en plus urbanisés et de moins en moins agricoles. De nouvelles activités se développent donc, comme le commerce, le transport ou encore l’industrie.
Les smart cities font aussi partie de ces nouveaux modèles. Elles sont apparues pour apporter des solutions à la densification urbaine. Ces villes utilisent des innovations technologiques afin de rendre la vie urbaine plus agréable. La plus connue est Singapour. En effet, elle est très en avance sur la digitalisation. Elle utilise les outils numériques afin de renforcer les initiatives citoyennes et faciliter la communication entre habitants et élus locaux.
Les villes : des espaces qui sont confrontés à de nombreuses problématiques
Les inégalités inhérentes aux villes
Les villes, et en particulier les métropoles, sont des lieux de forte inégalité : ⅓ des richesses produite dans les métropoles bénéficient aux revenus des personnes qui n’y vivent pas. En Inde, 40 % des urbains habitent dans un bidonville. En Amérique latine, ce chiffre correspond à ⅓ des habitants.
La ségrégation spatiale est donc courante dans ces espaces urbains. L’aménagement de la ville d’Ahmedabad, dans le Gujarat en Inde témoigne de ce mélange entre innovations territoriales et inégalités spatiales. La ville est un centre historique. Il s’agit même du premier centre du pays à être classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. La construction d’une ville ultramoderne au nord, nommée Gift City, a débuté en 2007. Des travaux ont été entrepris pour ériger une gare moderne, qui devra servir au premier TGV en Inde qui reliera Ahmedabad à Mumbai. Les autorités locales ont pour ambition d’en faire un endroit avec un rayonnement international. Par exemple, le prince Mohammed ben Salmane a annoncé l’ouverture d’un bureau de fonds souverain saoudien.
Cependant, le sud de la ville reste délaissé et dominé par des quartiers pauvres. C’est le cas du quartier de Juhapura, qui abrite une majorité de population musulmane. Les habitants sont forcés de résider dans cet espace insalubre, où s’empilent des montagnes de déchets. Le contraste est donc saisissant entre le nord et le sud de cette même ville. On a d’un côté un espace moderne et innovant, qui vise à attirer des touristes et investisseurs du monde entier. De l’autre, on retrouve un bidonville délaissé par les pouvoirs publics.
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Pollution et surveillance dans les villes
De plus, avec la concentration des activités humaines, les villes sont des espaces particulièrement vulnérables au changement climatique. En effet, on compte environ 350 métropoles qui ont plus de trois mois de chaleur extrême. Sur les 100 villes les plus polluées au monde, 46 se trouvent en Inde et 42 en Chine.
La surveillance y est aussi particulièrement accrue. On y installe des caméras, qui sont présentées comme un outil pour garantir la sécurité des habitants. Néanmoins, ceci pose des questions concernant le respect de la vie privée des citoyens. C’est la Chine qui détient le record, avec 18 villes parmi les 20 plus surveillées du monde.