« Jeu, set et match ! », s’est exclamé Elon Musk sur le réseau social X pour célébrer la victoire éclatante du candidat républicain Donald Trump, réélu président des États-Unis dans une élection riche en rebondissements et considérée comme historique.
Avant même l’annonce officielle des résultats, le président français Emmanuel Macron s’est empressé de féliciter Trump, un geste rare qui illustre les enjeux géopolitiques colossaux que cette élection soulève. Alors que Trump s’apprête à retrouver les rênes du pouvoir, la planète s’interroge sur les répercussions de son retour pour les équilibres internationaux, notamment dans les relations avec l’Europe, l’Asie, le Moyen-Orient et l’Amérique latine.
Si son premier mandat avait été marqué par l’unilatéralisme et une rupture avec les alliances traditionnelles, que peut-on attendre cette fois-ci du 47ème président des États-Unis ?
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Europe : Une onde de choc diplomatique et économique
La réélection du milliardaire, âgé de 78 ans, a provoqué une onde de choc dans les capitales européennes. Les souvenirs des tarifs douaniers accrus et de la remise en question de l’OTAN sont encore vifs sur le Vieux Continent. Pourtant, ce second mandat suscite des craintes encore plus grandes en 2024. L’Europe, plongée dans un conflit en Ukraine sans issue claire, voit son industrie de défense peiner à répondre aux besoins nationaux et à ceux de l’Ukraine, alors que le leadership des dirigeants franco-allemands est mis à mal et que l’économie reste fragile.
C’est précisément là que la future administration Trump pourrait frapper. Trump a affirmé à plusieurs reprises qu’il souhaitait « mettre fin au conflit en Europe en 24 heures », une déclaration interprétée par les dirigeants européens comme un possible retrait du soutien militaire américain à l’Ukraine, ce qui laisserait à la Russie les territoires annexés en échange d’un cessez-le-feu. Une telle solution, favorable à la Russie, inquiète profondément l’Europe, car elle légitimerait une annexion en violation du droit international et laisserait l’Ukraine sans véritables garanties de sécurité. Sur le plan économique, les craintes sont également vives : Trump a déjà évoqué son intention d’augmenter les droits de douane sur les exportations européennes, ce qui risquerait de déstabiliser davantage une économie européenne encore affaiblie par la pandémie, le conflit ukrainien, et son retard technologique dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle et les véhicules électriques.
Moyen-Orient : Trump face au défi d’une région en ébullition
Au Moyen-Orient, les résultats de l’élection sont suivis de près, car ils interviennent dans un contexte de guerre à Gaza, de menaces d’embrasement régional, et de crise nucléaire iranienne. Selon le Wall Street Journal, le FBI aurait récemment déjoué une tentative d’assassinat orchestrée par l’Iran contre Trump alors que celui-ci a fait savoir qu’il souhaitait relancer sa politique de « pression maximale » pour affaiblir l’Iran et mettre un terme à ses ambitions nucléaires.
De plus, Trump aurait communiqué au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou son souhait de voir le conflit à Gaza résolu avant son investiture en janvier, un message qui pourrait influer sur la stratégie militaire israélienne. Ce second mandat semble renforcer une alliance déjà inconditionnelle avec Israël, tout en visant à inclure d’autres pays arabes dans les Accords d’Abraham, pour créer un front commun contre Téhéran.
Amérique latine : les relations intercontinentales bousculées
La réélection de Donald Trump à la présidence américaine a suscité des réactions contrastées en Amérique latine et laisse présager une nouvelle ère des relations économiques, politiques et migratoires dans le Nouveau Monde. Certains dirigeants ont exprimé immédiatement leur soutien au retour au pouvoir de Donald Trump et ont affirmé vouloir collaborer avec lui pour renforcer leurs alliances. C’est le cas de Nayib Bukele au Salvador et de Javier Milei qui a déclaré : « L’Argentine réaffirme sa volonté de renforcer notre alliance et de travailler pour les liens historiques qui nous unissent dans l’intérêt de nos nations et de nos peuples. »
Deux des principales mesures annoncées par Trump concernant le reste du continent américain laissent place à des réactions contrastées. Dans une interview donnée à Time magazine Trump affirme vouloir mettre en place une politique Buy American, Hire American en imposant des droits de douane de 10% sur toutes les importations. De plus, sur le plan migratoire, il affirme vouloir remettre en place son programme Remain in Mexico qui forçait les demandeurs d’asile mexicains à rester dans leur pays jusqu’à leur audience aux États-Unis.
Ainsi, des figures progressistes comme Claudia Sheinbaum au Mexique ou Gustavo Petro en Colombie se préparent à de nombreux défis diplomatiques. La récente présidente mexicaine souhaite un dialogue avec l’ancien président des Etats-Unis et a déclaré aux journalistes de CNN : « il n’y a pas de raison de s’inquiéter » en évoquant la réélection de Donald Trump. Cependant, dans les deux heures suivant la victoire du Parti républicain, le peso mexicain a baissé à son plus bas niveau depuis 2 ans avec une dévélatuation de plus de 3% depuis sa dernière clôture.
Enfin, certains régimes tels que celui de Nicolás Maduro au Venezuela perçoivent la victoire de Donald Trump comme une possibilité d’engager un dialogue malgré les passés conflictuels et envisagent « un nouveau départ » pour une coopération gagnant-gagnant, comme l’a affirmé le président vénézuélien.
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Asie : les relations sous tension et la Chine en ligne de mire
En Asie, la réélection de Donald Trump provoque des préoccupations nombreuses en vue d’une transformation des dynamiques de pouvoir. En particulier, les relations avec la Chine semblent se durcir à nouveau ainsi que celles avec les alliés traditionnels tels que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon.
Donald Trump menace la Chine de droits de douane allant jusqu’à 60% et déclarait lors de sa campagne : « après 75 ans, les autres pays vont enfin nous rembourser tout ce que nous avons pu faire pour le monde » en parlant indirectement de la Chine. Face à ces déclarations, Pékin s’oriente vers une alliance commerciale avec le Pérou avec, par exemple, l’inauguration d’un mégaport financé par la Chine afin de réduire la distance des routes maritimes et de faire du Pérou le « Singapour asiatique ». Un membre du Council of the Americas, Eric Farnsworth déclarait : « La Chine est entrée dans la région de manière agressive, apprend rapidement et est prête à y rester à long terme »
Du côté de Taïwan, l’incertitude est totale. Même si William Lai, le président taïwanais, a adressé ses « sincères félicitations » à Donald Trump, l’île reste attentive aux nouveaux propos changeant du nouveau président des Etats-Unis. Alors que Taïwan demeure le premier importateur d’équipements militaires des Etats-Unis avec un total de 93 milliards de dollars depuis 1979, Donald Trump a multiplié les déclarations envers son partenaire jusqu’à suggérer que Taïwan devrait les « payer pour la dépense. » L’île dépendant de Washington pour sa défense contre la Chine, redoute qu’une approche purement économique ne vienne mettre en péril son alliance avec la première puissance mondiale.
Pour le Japon et la Corée du Sud, l’appréhension est aussi présente. Les deux pays craignent une pression financière des Etats-Unis pour le maintien des 54 000 soldats au Japon et des 28 500 en Corée du Sud. Alors que Séoul avait déjà pris les devants en augmentant sa contribution de 8,3% d’ici 2030, soit 1,2 milliard de dollars par an, le pays redoute que cet engagement ne suffise pas pour répondre aux attentes de Donald Trump. De son côté Tokyo craint de voir doubler le montant versé chaque année qui est aujourd’hui de près de 2 milliards de dollars par an.
Ainsi, tandis que Donald Trump se prépare à entamer son second mandat, les quatre continents scrutent les répercussions de cette réélection. Que ce soit l’Europe, inquiète d’un possible retrait du soutien à l’Ukraine, l’Amérique latine voyant ses relations intercontinentales transformées ou l’Asie où la question de la sécurité est plus que jamais omniprésente, le monde géopolitique se trouve face un moment crucial. La question de la stabilité d’un monde en recomposition rapide se pose et les conséquences de ce mandat pourraient s’avérer cruciales pour redéfinir les équilibres géopolitiques.