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Nicholas Georgescu-Roegen : le précurseur de la décroissance

Sommaire

Qui est Nicholas Georgescu-Roegen ? 

Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) est un mathématicien et économiste hétérodoxe américain d’origine roumaine. Après un doctorat en statistique, il finit par statuer la chose suivante : « Les phénomènes économiques ne peuvent être décrits par un système mathématique ». C’est ainsi que Georgescu-Roegen commence à faire parler de lui dans la sphère économique. De façon fortuite, il rencontre Schumpeter à Harvard et rejoint son équipe : Roegen devient officiellement économiste.

Aujourd’hui, il est essentiellement connu comme un pionnier des courants écologistes les plus critiques du paradigme économique néoclassique, réunis pour la plupart derrière la bannière médiatique de la décroissance. Dans son ouvrage le plus célèbre, The Entropy Law and the Economic Process (1971), il théorise le concept de bioéconomie, un concept clé pour concilier économie et écologie. La principale originalité de cet auteur est d’avoir appliqué au raisonnement économique la loi de l’entropie, loi jusque-là ignorée par les économistes.

Cependant, il n’a jamais gagné l’attention qu’il mérite dans la sphère académique…

Critique de l’économie néo-classique

Notre économiste s’intéresse aux deux premiers principes de la thermodynamique :

1er principe : La quantité d’énergie présente dans un système fermé reste stable.

2e principe : Appelé « loi de l’entropie », il pose que cette énergie connaît une dégradation inéluctable d’un point de vue qualitatif. En simple, la loi d’entropie, c’est le fait que « toutes les formes d’énergie sont transformées en chaleur et que cette chaleur devient si diffuse que l’homme ne peut plus l’utiliser ».

Exemple : En conduisant, je brûle du carburant, les atomes de carbone s’échappent du tuyau d’échappement et je ne peux pas les récupérer pour en refaire du pétrole.

Le problème ? Les approches économiques dominantes à son époque, notamment néoclassiques, restent sourdes à ces apports et continuent de s’appuyer sur un référent calqué sur la physique mécanique newtonienne. Celui-ci pêche pourtant à rendre compte des phénomènes que la discipline prétend étudier, de par une approche irréaliste du temps notamment, posé comme homogène et réversible.

 

Son concept phare : la bioéconomie

Dans la continuité de cette critique néoclassique, Nicholas Georgescu-Roegen entreprend une véritable révolution scientifique (concept de Thomas Kuhn) en proposant de substituer le paradigme dominant dans sa discipline par un nouveau qu’il qualifie de « bioéconomique ». Ce concept invite à poser un nouveau cadre pour appréhender le fonctionnement des économies au sein de la biosphère : face aux limites planétaires, il nous faut nous diriger vers une économie de suffisance guidée par une « sobriété heureuse ».

Georgescu-Roegen détruit le sophisme de la substitution perpétuelle des ressources, fondement de la soutenabilité faible. En lien avec le concept de loi d’entropie, il montre que notre mode de production, fondé sur l’exploitation des énergies fossiles, conduit à une transformation de l’énergie massive de la Terre et, in fine, à un bouleversement irréversible dans la mesure où, une fois utilisées, ces énergies fossiles deviennent inutilisables. En appliquant l’entropie à la matière, il explique la pollution comme une conséquence de l’activité humaine produisant une masse de rebuts inutilisables.

La rareté des ressources est donc une contrainte incontournable puisque l’économie transforme de la matière de basse entropie en matière de haute entropie. Un recyclage total est impossible.

 

Que faire ?

Dans un monde où 75 % de la surface de la Terre est « significativement altérée » et où 2/3 des océans sont endommagés, peu de solutions s’offrent à nous.
Une d’entre elles est de minimiser les regrets et non de maximiser les profits. C’est vers une sobriété heureuse que nous devons nous diriger, vers une bioéconomie dont les caractéristiques principales seraient :

  • Arrêter l’industrie de guerre
  • Baisser la démographie
  • Ne fabriquer que des marchandises récupérables
  • Renoncer à notre soif morbide de consumérisme

 

Et la décroissance là-dedans ?

D’une part, si Georgescu-Roegen récuse la poursuite de la croissance économique, il récuse également la croissance zéro. Paradoxal ? Pas vraiment, car la loi de l’entropie s’exerce inéluctablement, croissance ou non. Autrement dit, même si l’extraction de matières et d’énergie cessait d’augmenter, la dégradation continuerait.

La terrible conclusion de la thèse de Georgescu-Roegen est qu’on n’en finirait jamais de retarder l’exercice de la loi de l’entropie et que la décroissance devrait donc se perpétuer inexorablement (ce qui est un autre problème pour l’humanité).

 

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Conclusion :

Nicholas Georgescu-Roegen nous offre une perspective radicale et essentielle sur les limites de notre modèle économique actuel. En mettant en lumière l’incompatibilité entre la croissance infinie et les ressources finies de notre planète, il propose un nouveau paradigme basé sur la bioéconomie et la sobriété heureuse. Bien que ses idées aient été sous-estimées de son vivant, elles résonnent aujourd’hui comme une mise en garde et une invitation à repenser nos priorités. Face aux défis écologiques actuels, sa pensée reste une source précieuse de réflexion pour construire une société durable et responsable.

 

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Enzo Bleriot
Étudiant en première année à l'ESSEC après 2 ans de CPGE ECG sur l'île de La Réunion :)